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Interviewé sur CNN à propos de Charlie Hebdo,
j’ai rappelé quelques principes élémentaires, relatifs à la liberté
d’expression et à la philosophie de la liberté en général (même si la chaîne
de télévision américaine n’a retenu qu’un seul point pour son
sujet). En
voici un résumé :
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Le premier principe
est un principe juridique, c’est le droit de s’exprimer librement sans
être censuré. L’État n’est pas juge du vrai et du faux, et quand il veut
l’être, il devient despotique. Son rôle est de protéger par la loi ce
droit, y compris le droit d’exprimer des propos jugés faux, choquants,
déviants. Aucune opinion ne doit être interdite d’expression ou
criminalisée tout simplement parce que le vrai ne peut
émerger sans confrontation avec le faux. La vérité a tout à gagner
à la liberté.
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Le second principe
est un principe éthique, c’est l’exercice responsable de ce droit
d’expression, fondé sur la vertu morale de prudence. La liberté d’expression
doit s’accompagner de raison(s), particulièrement dans un contexte de graves
tensions politiques. Il y a d’autres façons de promouvoir la paix et la
liberté que d’attaquer systématiquement ses adversaires par la haine et
l’insulte. La critique honnête et argumentée, respectueuse de l’autre, vaut
mieux que la provocation gratuite et l’humiliation.
C’est ce second point qui a été retenu dans l’interview de
CNN :
“I believe
from a moral point of view it is not good to systematically, and gratuitously
go on the attack,” Damien Theillier, Coppet Institute president, said. “You drift in a useless
direction.” (voir la vidéo ci-dessous).
Plus grave, les journalistes de Charlie Hebdo se
trompent de cible. Plus encore que l’islam, c’est la loi en France qui
menace la liberté d’expression. La loi Pleven par exemple (1972) a introduit
le délit de provocation à la haine et à la discrimination. Un délit
impossible à prouver tant la haine est un concept flou et subjectif. La
loi Gayssot (1990) a créé un délit d’opinion sur la Shoah, ce qui
est contradictoire avec le concept même de science, car la science remet en
cause par nature les certitudes précédemment acquises. Quant à la Halde,
Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (2004),
elle est chargée de traquer les crimes par la pensée.
Par ailleurs, dans ses caricatures, Charlie Hebdo ne
s’en prend pas seulement aux religions, il fait de la liberté
économique sa cible privilégiée. Le libre marché est dénoncé comme quelque
chose de vulgaire, d’immoral et de répugnant. Il y a là une
contradiction, quand on prétend défendre la liberté. Car la liberté ne se
tronçonne pas et il ne saurait y avoir de vraie justice sans libertés
économiques : liberté d’acheter et de vendre, liberté d’entreprendre,
d’embaucher et de licencier, liberté de circuler, liberté de disposer du
fruit de son travail, sans craindre d’être spolié.
Ce dont nous avons donc besoin aujourd’hui, plus que
jamais, c’est d’un combat énergique sur le terrain éducatif et
culturel pour défendre toutes les libertés : liberté d’expression,
liberté religieuse, liberté scolaire… et liberté économique. Au-delà des
clivages politiques et religieux, c’est ce combat seul qui peut
rassembler tous les Français, qu’il soient de gauche ou de droite, qu’ils
soient musulmans, juifs, chrétiens, athées ou agnostiques.
Et c’est précisément ce combat que mène l’Institut Coppet
depuis quatre ans, en diffusant les trésors de notre patrimoine culturel et
de notre tradition libérale française.
À lire pour compléter :
L’article de
Damien Theillier dans
le Québécois Libre.
Les écrit des économistes français
sur la paix. Un
livre de Benoît Malbranque.
A voir également : la chaîne
Youtube de l’Institut Coppet,
avec les vidéos de la 1ère conférence de Michel Leter.
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