L’Institut de
l’Entreprise – think tank patronal – a décidé d’étudier les exemples
de redressement budgétaire qui ont été conduits en Europe depuis la crise de 2008.
Ces études cherchent, en premier lieu, à dépasser les expériences,
constamment citées, de la Suède ou du Canada qui commencent à dater et qui,
surtout, ont été conduites dans de tout autres contextes.
La première
étude est consacrée à l’Espagne. L’auteur – Adrienne Brotons – dresse
d’abord un portrait du pays avant la crise. Les dépenses publiques y étaient
relativement faibles : 39,1 % du PIB en 2007, à comparer aux
45,8 % en moyenne pour l’Europe des 15, ou
aux 52,7 % de la France. Il est à noter également que la dépense
publique espagnole avant la crise augmentait moins rapidement que le PIB.
Cette dépense publique faible s’expliquait principalement par des dépenses
sociales moindres que dans les autres pays européens : 21 % du PIB
espagnol en 2007, contre par exemple 31 % en France.
L’Espagne
d’avant la crise, c’était aussi une forte croissance (3,8 % en moyenne
annuelle), « accompagnée d’un endettement des ménages et des
entreprises, provoquant le gonflement d’une bulle immobilière et
l’aggravation du déficit extérieur. »
La crise
mondiale de 2007 a fait éclater la bulle immobilière, et entraîné « la
faillite du principal moteur de l’économie et de l’emploi » (30 %
de l’emploi total). Le taux de chômage connaît alors « une explosion
sans précédent » : entre 2007 et 2013, il augmente de 18 points,
passant de 8,3 % à 26,4 %.
Tout cela
entraîne alors l’augmentation des dépenses publiques, notamment celles
consacrées au chômage et à la retraite, et, bien sûr, au sauvetage des
banques. Parallèlement, les recettes fiscales diminuent. C’est ainsi que
d’excédentaire en 2007 (de 1,9 % du PIB), le solde public espagnol
devient déficitaire (de 11,2 % du PIB) en 2009.
Il faudra
attendre la mi-2010 pour que le gouvernement espagnol prenne la mesure de la
situation et adopte une politique de réduction des dépenses publiques, assortie
d’une augmentation des impôts.
Du côté des
impôts et taxes, la TVA, l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les sociétés ont
été relevés. , Malgré cela, les recettes fiscales de 2012 sont restées
inférieures de 18 % à leur niveau de 2008. On constate même qu’avec
« les taux nominaux parmi les plus élevés d’Europe, les recettes
fiscales espagnoles ne représentaient que 37,4 % du PIB en 2014, contre
46,8 % dans la zone euro », soit 9 points de moins.
Du côté de la
réduction des dépenses publiques, les chantiers sont nombreux : baisse
des investissements publics, réduction du nombre d’entreprises publiques et
fondations (avec un objectif de 20 % de structures en moins),
suppression des doublons entre État central et communautés autonomes, rationalisation
des structures locales et clarification de leurs compétences (selon le
principe « une administration, une compétence »), publication du
coût effectif des services municipaux (« afin que le citoyen puisse les
comparer et les évaluer »).
Par ailleurs, le
gouvernement espagnol s’est attaqué à la masse salariale publique qui, après
avoir augmentée de 15 % entre 2000 et 2008, a baissé de 5 % entre
2010 et 2014. Le système de santé a également été réformé, malgré
l’opposition forte d’une partie de la population encouragée par les
socialistes et une minorité de gouvernements des régions autonomes.
L’augmentation
du chômage n’a pas empêché la mise en œuvre de mesures drastiques de
réduction des allocations et d’augmentation des cotisations. Même les dépenses
d’éducation ont été diminuées.
Ce régime sec
pour les Espagnols a permis « d’enrayer la hausse des dépenses
publiques », mais sans pourtant les stabiliser ni encore moins les faire
baisser. Ce fût le cas en Grèce (- 4 points), au Royaume-Uni (- 0,6 point),
en Allemagne (+ 0,7 point). Cependant, les dépenses publiques ont bien baissé
en valeur (c’est-à-dire sans que l’on tienne compte de la variation du PIB)
d’environ 5 %, alors qu’en France, pour ne prendre qu’un exemple, elles
ont augmenté de 10 % entre 2009 et 2014. S’agissant de l’Espagne, la
réduction importante des dépenses publiques devrait continuer à produire des
effets dans les années à venir puisque nombre de réformes sont structurelles.
Insistons sur
trois réformes de taille. La première est l’intégration des règles
européennes de bonne conduite budgétaire dans sa constitution espagnole. Le
déficit structurel est désormais limité ainsi que le ratio d’endettement des
administrations centrales, régionales et locales. Il existe aussi désormais
un plafond de croissance des dépenses publiques lié à la croissance du PIB.
La deuxième
mesure phare est le renforcement du contrôle du gouvernement sur les finances
des collectivités locales. Sont notamment visées par cette mesure, les
communautés autonomes dont les dépenses avaient tendance à s’emballer ces
dernières années. Ce contrôle renforcé des finances locales a également été
mis en œuvre en Italie ou en Autriche. L’auteur du rapport souligne, en
revanche, que la France est l’un des « rares pays de la zone euro à ne
pas imposer de norme d’évolution des dépenses, du déficit ou de la dette à
ses entités infra-étatiques. »
La troisième
réforme d’importance est celle du marché du travail qui permet, en
particulier, aux entreprises d’ajuster plus facilement leurs effectifs à la
conjoncture. Une réforme qui a déjà commencé à produire ses effets, puisque
« l’Espagne est le pays d’Europe où le taux de chômage a le plus baissé
entre 2013 et 2014 » : 315 000 Espagnols sont sortis du
chômage. Un chiffre qui devrait faire rêver les Français.
Précisons que
cette réforme du marché du travail était inscrite dans le programme du
candidat Mariano Rajoy et, qu’une fois élu en décembre 2011, il la mena à
bien dans les cent premiers jours de son mandat malgré les centaines de
milliers de manifestants dans les rues.
Cela dit,
l’Espagne est loin d’être sortie d’affaire sur le front de l’emploi avec un
taux de chômage de 24,7 % en octobre 2014. De même, la dette et le
déficit publics restent élevés. Sans doute de longues années d’austérité
seront encore nécessaires pour redresser la barre.
Mais, pour
l’auteur du rapport, « le redressement des finances publiques espagnoles
et les réformes de structure menées par les différents gouvernements de ce
pays depuis la crise de 2008 sont la parfaite démonstration qu’il n’y a pas
de fatalité au déclin. » Une chose dont on est loin d’être convaincu en
France.
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