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La « loi d’Obama » ruine le Kivu

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Published : February 04th, 2015
552 words - Reading time : 1 - 2 minutes
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Category : Editorials

 

 

 

 

L’enfer est pavé de bonnes intentions et la section 1502 du Dodd-Franck Act également. Celle-ci cherche à mettre fin à presque 20 ans de conflit dans l’Est du Congo en limitant l’accès des groupes armés au commerce international des minerais. On pourrait s’étonner de trouver un tel sujet dans la nouvelle bible de la réglementation bancaire dont l’objectif était plutôt de garantir la stabilité financière mondiale compromise par la crise de 2008. Mais, le texte d’origine, long, obscur et voté en urgence se prêtait à un détournement par tous les groupes organisés possibles. Parmi ceux-ci, le Enough Project regroupait plusieurs ONG préoccupées par les exactions commises au Kivu par les bandes armées qui ravagent la région depuis des années. Un lobbying efficace leur a permis d’introduire discrètement dans le Dodd-Frank Act une mesure destinée à empêcher le financement de ces bandes à travers le commerce des minerais : or, étain, coltan, tungstène. Dans la région des Grands Lacs, cette législation est désormais connue sous le nom de « loi d’Obama ».

 

« Si la loi d’Obama n’avait pas été signée, l’embargo n’aurait jamais existé. Ça a tout détruit… » se lamente Waso Mutiki, président d’une coopérative de mineurs, dans le Washington Post. La loi d’Obama oblige les entreprises à divulguer à la SEC (Securities and Exchange Commission) la provenance du minerai qu’elles utilisent. À proprement parler , il ne s’agit pas d’un embargo car le règlement de la SEC publié en août 2012 n’interdit pas complètement d’acheter et d’utiliser ces minerais.  Les entreprises peuvent justifier d’une exigence particulière de leur processus de production mais elles doivent s’assurer de la traçabilité de leurs achats. Une exigence somme toute assez banale pour un bureaucrate de Washington, mais totalement impossible à mettre en œuvre sur le terrain. Dans un pays déchiré par la guerre civile et gouverné par des potentats incompétents et corrompus, comment déterminer qui contrôle quoi ? Au Sud-Kivu, le gouvernement de Kinshasa n’a pu certifié que 11 mines sur plus de 900. Devant l’impossibilité de se plier à l’obligation de la SEC, les entreprises internationales ont préféré arrêter tout commerce dans la région.

 

Depuis, le prix des minerais est en chute libre. En 4 ans, le prix de l’étain local a baissé de moitié alors qu’il augmentait sur le marché international. Les mineurs, souvent des jeunes sans éducation, ne parviennent plus à vivre de leur travail. Ils se tournent alors vers la seule autre activité possible pour eux, les bandes armées. Chassés des mines, les enfants s’engagent désormais comme soldats dans les groupes rebelles et vivent du pillage et de la contrebande.  « La loi Dodd-Frank a donc eu un impact négatif sur le terrain : augmentation de la fraude et de la contrebande – surtout concernant l'or, plus facile à être exploité et commercialisé illégalement, détérioration des conditions de vie de nombreuses familles qui ne dépendaient que de l'exploitation artisanale des mines, … » accuse Ben Radley, réalisateur du documentaire Obama’s Law qui expose les conséquences locales de la loi américaine.

 

Loin de participer à la pacification de la région, la loi d’Obama a donc activement contribuée à l’extension des milices locales. Certains, à Washington, auraient dû relire Hayek avant de voter le Dodd-Franck Act. Ils y auraient découvert que, toujours, les bonnes intentions des Princes pavent l’enfer de leurs sujets.

 

 

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Consultant, formateur et écrivain, Thierry Damaux se passionne pour les processus de changement et d'innovation. Après des études de Science Politique et une spécialisation en management, il s'est consacré à la formation dans le milieu associatif. Aujourd'hui, il combine ses activités de consultant indépendant avec le journalisme économique et social. A travers ses articles, Thierry cherche à rendre perceptible l'effervescence actuelle du monde que cause l'effondrement des vieilles structures centralisées et bureaucratiques au profit d'initiatives individuelles.
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