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L’enfer est
pavé de bonnes intentions et la section 1502 du Dodd-Franck Act également.
Celle-ci cherche à mettre fin à presque 20 ans de conflit dans l’Est du Congo
en limitant l’accès des groupes armés au commerce international des minerais.
On pourrait s’étonner de trouver un tel sujet dans la nouvelle bible de la
réglementation bancaire dont l’objectif était plutôt de garantir la stabilité
financière mondiale compromise par la crise de 2008. Mais, le texte
d’origine, long, obscur et voté en urgence se prêtait à un détournement par
tous les groupes organisés possibles. Parmi ceux-ci, le Enough Project
regroupait plusieurs ONG préoccupées par les exactions commises au Kivu par
les bandes armées qui ravagent la région depuis des années. Un lobbying
efficace leur a permis d’introduire discrètement dans le Dodd-Frank Act une
mesure destinée à empêcher le financement de ces bandes à travers le commerce
des minerais : or, étain, coltan, tungstène. Dans la région des Grands
Lacs, cette législation est désormais connue sous le nom de « loi
d’Obama ».
« Si la
loi d’Obama n’avait pas été signée, l’embargo n’aurait jamais existé. Ça a
tout détruit… » se lamente Waso Mutiki, président d’une coopérative de
mineurs, dans le Washington Post. La loi d’Obama oblige les
entreprises à divulguer à la SEC (Securities and Exchange Commission) la
provenance du minerai qu’elles utilisent. À proprement parler , il ne
s’agit pas d’un embargo car le règlement de la SEC publié en août 2012
n’interdit pas complètement d’acheter et d’utiliser ces minerais. Les
entreprises peuvent justifier d’une exigence particulière de leur processus
de production mais elles doivent s’assurer de la traçabilité de leurs achats.
Une exigence somme toute assez banale pour un bureaucrate de Washington, mais
totalement impossible à mettre en œuvre sur le terrain. Dans un pays déchiré
par la guerre civile et gouverné par des potentats incompétents et corrompus,
comment déterminer qui contrôle quoi ? Au Sud-Kivu, le gouvernement de
Kinshasa n’a pu certifié que 11 mines sur plus de 900. Devant l’impossibilité
de se plier à l’obligation de la SEC, les entreprises internationales ont
préféré arrêter tout commerce dans la région.
Depuis, le
prix des minerais est en chute libre. En 4 ans, le prix de l’étain local a
baissé de moitié alors qu’il augmentait sur le marché international. Les
mineurs, souvent des jeunes sans éducation, ne parviennent plus à vivre de
leur travail. Ils se tournent alors vers la seule autre activité possible
pour eux, les bandes armées. Chassés des mines, les enfants s’engagent
désormais comme soldats dans les groupes rebelles et vivent du pillage et de
la contrebande. « La loi Dodd-Frank a donc eu un impact négatif
sur le terrain : augmentation de la fraude et de la contrebande – surtout
concernant l'or, plus facile à être exploité et commercialisé illégalement,
détérioration des conditions de vie de nombreuses familles qui ne dépendaient
que de l'exploitation artisanale des mines, … » accuse Ben Radley,
réalisateur du documentaire Obama’s Law qui expose les conséquences
locales de la loi américaine.
Loin de
participer à la pacification de la région, la loi d’Obama a donc activement
contribuée à l’extension des milices locales. Certains, à Washington,
auraient dû relire Hayek avant de voter le Dodd-Franck Act. Ils y auraient
découvert que, toujours, les bonnes intentions des Princes pavent l’enfer de
leurs sujets.
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