J’ai montré
pourquoi le plan d’emprunt et de dépenses de la Mairie de Paris au cours des 5
prochaines années, non seulement n’était pas intéressant d’un point de vue
économique mais, tel qu’il a été présenté, pourrait bien aussi s’avérer
désastreux par les finances publiques de la ville.
En outre,
cette opération particulièrement onéreuse pourrait aussi s’avérer un échec
socialement, surtout si l’on tient compte de son objectif principal. Mis en
avant dans le document 2014 DLH 1217 publié par la Direction du logement et
de l’habitat de la Mairie de Paris, il est de protéger les actuels locataires.
S’il est évident que ces derniers seront de fait protégés, la question se
pose de savoir si au final, la mesure profitera à l’ensemble de la société.
Si l’on
compare le reste à vivre d’un locataire au SMIC (avec un loyer privilégié
garanti par la Mairie de Paris, exempté d’impôt sur le revenu et bénéficiant
d’une prime pour l’emploi de 735€)
et celui d’une personne gagnant un salaire moyen (devant payer des taxes et
des loyers au prix du marché), il n’est pas du tout certain que le calcul
social fait par la DLH soit pertinent.
Ainsi, une
personne gagnant 1 137 € net (soit
1 457,52 € brut) plus 61 € (prime
pour l’emploi) par mois devant s’acquitter d’un loyer mensuel de 500 € (pour un deux pièces d’environ 45 m2)
garderait presque 700 € par mois pour
les dépenses courantes. Certes, ce n’est pas beaucoup, mais ce montant
pourrait facilement être supérieur à celui d’une personne gagnant 1 892 € net (soit 2 457,52 €
brut) par mois, redevable de la taxe foncière et d’un impôt sur le revenu de
125€ par mois et assumant un loyer de 1 350 € (soit 30 € le m2,
un prix moyen dans la plupart des quartiers visés par la Mairie). Le restant
à vivre d’une personne gagnant le salaire moyen serait dans ce cas de 417 €
et deviendra ainsi inférieur à celui d’une personne gagnant un salaire
minimum.
Il faut donc comprendre qu’au-delà de l’objectif affiché – qui est de
garantir le logement pour les moins bien lotis –, l’achat par la Mairie des
appartements au centre de Paris n’augmentera pas le nombre des biens
disponibles mais simplement opèrera une redistribution de ressources entre
les personnes ayant des revenus faibles et celles ayant des revenus moyens.
Tandis que les personnes à revenus moyens devront faire de plus en plus de
sacrifices pour habiter confortablement et seront poussées par les prix
élevés vers la périphérie, le projet de la DLH reviendra à inviter les
personnes à faibles revenus au centre de Paris. Ainsi, au lieu d’une équité
sociale, le projet de la DLH est susceptible de créer un véritable malaise social
si dans un même immeuble une personne gagnant un salaire minimum pourrait
jouir d’un appartement plus spacieux ou jouir d’un pouvoir d’achat plus
important qu’une personne gagnant un salaire moyen.
Le projet de la Mairie de Paris ne résout donc pas le problème de
pénurie des logements (car, encore une fois, le projet ne consiste pas à
construire de nouveaux immeubles) mais elle l’accroît puisque le fait de
louer des appartements à prix cassés augmentera considérablement la demande
et, donc, la pénurie. Qui ne voudrait pas occuper un deux pièces au centre de
Paris pour 500 € ? Ainsi, pour distribuer les appartements en location,
la Mairie propose de remplacer les prix librement consentis entre bailleur et
locataire par des listes d’attente et d’autres critères peu transparents
comme le favoritisme politique.
Il est
difficile de revendiquer un objectif social pour des opérations immobilières
particulièrement onéreuses qui créent de nouveaux dilemmes de rareté : selon
quel critère objectif, parmi les nombreux aspirants à un logement social,
certains devraient habiter près de la Seine, tandis que d’autres sont
confinés aux abords du boulevard périphérique ? Un début de réponse se
trouve peut-être dans les nombreux cas
où des élus et leurs proches bénéficient de logements sociaux situés au
centre de Paris.
Somme toute,
le fait que les élus s’improvisent en entrepreneurs peut nuire non seulement
aux finances publiques mais aussi aux objectifs sociaux avancés.
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