Au cours de
ces trente-cinq dernières années, s’il est bien un domaine qui a fait l’objet
d’innovations sans précédent, c’est l’informatique.
Cette
innovation pourrait être encore supérieure sans l’existence de brevets et de
son corollaire, les « patent trolls ». Cette phrase pourrait
surprendre, tant il existe un consensus selon lequel les brevets sont la
condition nécessaire à l’innovation et pourtant…
Que sont les
« patent trolls » concrètement ? Il s’agit d’entreprises
qui achètent des brevets à d’autres sociétés, non en vue d’innover mais
plutôt pour se constituer une « armure » leur permettant d’assigner
en justice, par la suite, les firmes qui violeraient, réellement ou
supposément, la protection légale conférée par les brevets.
Les
« patent trolls » utilisent donc l’intimidation judiciaire afin
d’inciter ces entreprises à leur acheter une licence d’exploitation, à prix
évidemment élevé.
Comme le
souligne Erwan Jonchères, ce procédé moralement répréhensible n’en est pas
moins parfaitement légal. Ainsi, le système étatique des brevets a
directement introduit le vice et un manque d’éthique patent dans la conduite
des affaires. Le coût pour les États n’est pas négligeable.
Aux États-Unis,
selon un rapport de la Maison Blanche, en 2011, 60%
des procès liés aux brevets proviendraient des « patent trolls ».
Le coût pour l’économie américaine n’est pas négligeable : 29 milliards
de dollars.
Le président
Obama et certains membres du Congrès américain aimeraient aujourd’hui lutter
contre cette pratique vicieuse. Néanmoins, en pratique, ces entreprises ont
la loi avec elle et il sera concrètement difficile, pour ne pas dire
impossible de voir ce phénomène de « patent trolls » disparaître à
moins de s’attaquer aux racines du problème, à savoir les brevets eux-mêmes.
Pour le coup,
la réglementation européenne est plus saine en ce qu’elle ne permet pas de
breveter un programme d’ordinateur.
Le système des
brevets a entraîné un écœurement légitime au sein des consommateurs, avec la
bénédiction de certains géants de l’informatique comme Google qui a
publiquement critiqué la judiciarisation du domaine des brevets.
La communauté
open source s’est développée. Elle autorise la diffusion des droits sans
aucune contrepartie. Elle stigmatise durement le système des brevets. En
cela, elle s’appuie sur des « chiffres choc » : selon Jeffrey
Tucker, qui cite une étude approfondie
de l’Université technique de Lisbonne, neuf innovations sur dix n’auraient
jamais été brevetées.
L’open source
a permis des innovations concrètes qui n’auraient probablement jamais vu le jour
si elles avaient été brevetées. Les « wiki » en sont le meilleur
exemple. Mais ce n’est pas le seul.
En effet,
l’open source ne concerne pas uniquement les logiciels mais également le
Matériel Libre. En la matière, un des pionniers, injustement méconnu, est
l’entreprise italienne, Arduino.
Cette firme a
développé des systèmes électroniques (cartes microcontrôleurs, notamment)
dont les plans sont diffusés librement. Cela a permis à de nombreux
« profanes » de programmer eux-mêmes.
Des centaines
de milliers de cartes Arduino ont été vendues dans le monde. Il est probable
qu’un tel succès n’aurait pu se produire sans recours à la philosophie de
l’open source. Son fondateur le reconnaît d’ailleurs.
Il a bien
compris que les profits d’une entreprise ne résultaient pas nécessairement de
la possession de brevets, contrairement à une idée répandue.
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