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“La prévision est difficile, surtout lorsqu’elle concerne
l’avenir” - Pierre Dac
Si vous me
suivez régulièrement, vous savez que l’un de mes (nombreux) centres
d’intérêt, pour ne pas dire mon obsession actuelle, est l’éclosion des
driverless cars, “voitures sans pilotes”, qui, entre 2020 et 2040, soyons
larges, vont sensiblement modifier le paysage automobile mondial. Quittons
les eaux troubles des marchés au jour le jour et essayons d’imaginer ce que
pourraient être les ruptures amenées par la mobilité automatisée à 10-20 ans.
Obsession:
il voit des google cars partout !
En bref: avec
une appli de type Uber, le citadin pourra appeler une voiture autonome, qui
ne lui appartiendra pas mais sera propriété d’un opérateur de flotte. Le même
véhicule, au lieu de rester arrêté 95% de son temps, sera utilisé au moins
66% du temps diurne: le prix au kilomètre chutera bien en dessous des 40
centimes actuels (barème fiscal), voire même des 28 centimes par passager X
Km des transports en commun parisiens (moyenne, très fortes disparités
selon lignes et horaires), pour un service rendu incomparablement
meilleur. Les algorithmes d’Uber & likes gèreront le problème de la
disponibilité aux heures de pointe par une tarification horaire variable,
comme ils savent déjà le faire. Ils pourront également introduire, dans les
villes qui resteraient malgré tout embouteillée, du “congestion pricing”, qui
incitera les usagers à modifier leurs habitudes.
Mieux, ces
algorithmes pourront programmer des minibus transportant des grappes de gens
(ou d’amis, de collègues de travail) se rendant au même endroit depuis des
endroits proches, pour abaisser le coût kilométrique à des niveaux
impensables. Le nombre total de véhicules nécessaire pour transporter tout le
monde diminuera (mais le taux de renouvellement du parc de véhicules sera
plus élevé), et la congestion créée par la recherche de stationnement
diminuera: les embouteillages diminueront dans des proportions importantes.
Bref, le
couple Uber + Driverless Car, dans deux ou trois générations de
renouvellement logiciel, promet la fin des transports en commun lourds en
site propre, la fin du marché de la seconde voiture des ménages, et une forte
diminution du taux de possession automobile par les foyers urbains, la fin du
métier de chauffeur de taxi ou de VTC, de camion, des réorganisations de
l’espace urbain, etc… De même, un secteur entier de l’assurance, la branche
automobile, sera restructuré: les compagnies assureront non pas des véhicules
mais des constructeurs ou des gestionnaires de flottes, avec un risque plus
faible… Et je ne parle pas du saut quantitatif de mobilité pour les jeunes,
les handicapés visuels, des personnes âgées…
Ajoutons qu’au
même moment, les rejets polluants des véhicules vont tendre vers zéro, sans
que l’on puisse dire si cette évolution viendra de batteries enfin
compétitives, ou d’un décollage de carburants de type hydrogène… ou autre
rupture encore inconcevable. Bref, quel argument restera-t-il aux
anti-automobile ?
Bien sûr, le
poids des conservatismes ralentira l’évolution que je décris, les états
trouveront le moyen de retarder le progrès de quelques années par des
régulations stupides, mais la vitesse de pénétration de chaque nouvelle
génération de technologie disruptive semble aller toujours en croissant: les
dérisoires tentatives des états pour sauver les situations établies des
corporations mises en danger par les révolutions prochaines ne pourront
résister longtemps à la vague qui s’annonce.
(Rien
d’original dans tout cela, de nombreux rapports de consultants divers ont
décrit des scénarii semblables)
Disruptions
sociétales en série ?
Mais au delà
des problématiques de pur transport, les “effets collatéraux sociétaux” de la
voiture automatique seront nombreux. Naturellement, ce qui suit relève du pur
spéculatif, ce qui se produira ne sera pas “exactement cela”, et peut être
pas du tout, mais vous pouvez d’ores et déjà imaginer quelques opportunités
d’investissement plus ou moins “disruptif” que la “mobilité automatisée”
permet d’envisager.
Commençons par
regarder le petit bout de la lorgnette: le digestif pourrait redevenir
populaire dans les restaurants ! En effet, rouler bourré ne sera plus un
problème, et le plaisir fin d’un cognac hors d’âge en fin de repas pourra
être redécouvert dans risque d’être pourchassé par la maréchaussée. Achetez
du Diageo, du Pernod Ricard…
Mais si la
voiture 3.0 ne promettait que cela, cela ne vaudrait pas la peine d’en
parler.
Les formes
urbaines évolueront en fonction de ces nouvelles mobilités. Cela poussera
certainement, par exemple, les ménages à repenser leurs choix de lieux
d’habitation par rapport à leur lieu de travail, sans que l’on puisse savoir
à quelle vitesse. Moins de congestion, moins de temps perdu dans les trajets
pendulaires, une voiture transformée en petit bureau ? On voit mal comment la
suburbanisation des métropoles pourrait se ralentir… Au grand dam des
planificateurs des sols qui y voient une évolution quasi diabolique. Et au
contraire, les centre ville devraient voir progressivement leurs prix revenir
à plus de sagesse, sauf si de nouvelles réglementations étatiques cherchent à
y mettre le holà.
Mais
justement, la mobilité automatisée n’ouvre-t-elle pas aussi d’intéressantes
perspectives dans le domaine du logement de petite surface, qui permettraient
de contourner les difficultés créées par l’état et ses réglementations nocives
?
Vers
la fin des pénuries de petits logements ?
Puisque l’on
pourra “faire autre chose” pendant que la voiture roule, on peut imaginer que
l’aménagement intérieur des voitures pourra grandement évoluer. La
configuration double banquette ne sera plus nécessairement la seule. On peut
imaginer des voitures bureau, des voitures table de jeux (voire des
casinos clandestins…), des voitures chambres à coucher (je vous laisse
imaginer les usages possibles: les hôtels spécialisés dans le 12-18 vont souffrir…
et le “sexe roulant” via des apps “uberlike” devrait exploser), voire des
campings cars 3.0 totalement autonomes, ou carrément des Bus-homes (façon
Robert De Niro dans “mon beau père et moi”) autonomes, pouvant servir
d’alternative à un logement classique pour certaines clientèles qui
valorisent plus la mobilité que la propriété terrienne.
Les nouveaux
“mobile homes”, sans cabine de pilotage et avec des moteurs électriques bien
plus simples à fabriquer, coûteront bien moins cher que les véhicules de
camping actuels. Et on peut supposer qu’une demande accrue fera encore chuter
les coûts de production.
Et vu le prix
atteint par des studios minables dans certaines grandes villes, de fait de
réglementations foncières et de construction de plus en plus hallucinantes,
mettre 100 000 Euros dans un bon camping car, ou 200 000 euros dans un
Bus-Home de nouvelle génération pourra passer pour un très bon calcul pour
beaucoup de célibataires ou de couples sans enfants, jeunes ou vieux…
Imaginez un “truck” comme celui ci dessous, mais sans besoin d’une cabine de
pilotage encombrante ni d’un V8 tri-turbo… Pas de permis de construire, de
délai de construction, seront nécessaires juste quelques recharges et l’accès
épisodique à des installations de répurgation.
Source: Dornob
Mieux encore:
Mr et Mme Durand en ont assez que Tanguy, leur grand dadais de 25 ans,
squatte chez eux ? Pourquoi ne pas lui louer un petit “mobile home” d’une
valeur nue de 50 000 Euros, à 300 euros par mois ? De nombreux investisseurs
y trouveront là une source de revenus intéressante (7% de rentabilité brute,
voire mieux), que les états auront bien du mal à frapper de taxes et de
contraintes au même titre que l'immobilier (mais ne désespérons pas de
leur génie fiscal, cependant…). Et finie l’angoisse de la recherche d’un
studio étudiant contre 50 autres candidats locataires ! Il est en effet
très peu probable qu’une réglementation réussisse à créer une pénurie du
mobile home, comme celle du foncier crée une pénurie de logements adaptés à
la demande.
Les
nouveaux gens du voyage… fiscal ?
Si un jeune
couple choisit de vivre dans un mobile home autonome, et si son activité
professionnelle peut être télé-travaillée, il pourra choisir très facilement
la domiciliation fiscalement la plus favorable à ce type de vie transhumante.
Mieux, il pourra changer si souvent de domiciliation que sa taxation
deviendra compliquée, car il ne sera domicilié… Nulle part. Même
problématique avec les retraités financièrement bien dotés. Rajoutez moi une
couche de crypto-monnaie par dessus, et vous comprendrez que les états auront
quelques problèmes de fin de mois...
Et quand
l’espace du Mobile sera trop petit (pour organiser une réception, etc..), il
suffira de louer l’espace nécessaire le temps nécessaire: suite hôtelière,
salle de réception, etc…
Bon, trêve
d’optimisme béat, la maison “en dur” restera encore l’habitat privilégié de
nombreux ménages pendant encore très longtemps, et l’état trouvera bien un
moyen de taxer ou retarder ces progrès. Et l’auto-mobilité apportera d’autres
ruptures que je ne conçois pas encore. Mais ces petits exemples non
limitatifs montrent que le potentiel disruptif des véhicules autonomes
dépasse très largement la problématiques des transports. Personne ne peut
imaginer toutes les “innovations d’usage”, les seules qui comptent vraiment,
que permettront les progrès technologiques. Mais les perspectives ouvertes
par les nouveaux paradigmes de la mobilité individuelle sont réellement
excitantes.
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