Révolution automatique: des voitures sans pilotes aux vrais mobile homes ?

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Published : June 14th, 2015
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“La prévision est difficile, surtout lorsqu’elle concerne l’avenir” - Pierre Dac

 
Si vous me suivez régulièrement, vous savez que l’un de mes (nombreux) centres d’intérêt, pour ne pas dire mon obsession actuelle, est l’éclosion des driverless cars, “voitures sans pilotes”, qui, entre 2020 et 2040, soyons larges, vont sensiblement modifier le paysage automobile mondial. Quittons les eaux troubles des marchés au jour le jour et essayons d’imaginer ce que pourraient être les ruptures amenées par la mobilité automatisée à 10-20 ans.

 
Obsession: il voit des google cars partout !

En bref: avec une appli de type Uber, le citadin pourra appeler une voiture autonome, qui ne lui appartiendra pas mais sera propriété d’un opérateur de flotte. Le même véhicule, au lieu de rester arrêté 95% de son temps, sera utilisé au moins 66% du temps diurne: le prix au kilomètre chutera bien en dessous des 40 centimes actuels (barème fiscal), voire même des 28 centimes par passager X Km des transports en commun parisiens (moyenne, très fortes disparités selon lignes et horaires), pour un service rendu incomparablement meilleur. Les algorithmes d’Uber & likes gèreront le problème de la disponibilité aux heures de pointe par une tarification horaire variable, comme ils savent déjà le faire. Ils pourront également introduire, dans les villes qui resteraient malgré tout embouteillée, du “congestion pricing”, qui incitera les usagers à modifier leurs habitudes.


Mieux, ces algorithmes pourront programmer des minibus transportant des grappes de gens (ou d’amis, de collègues de travail) se rendant au même endroit depuis des endroits proches, pour abaisser le coût kilométrique à des niveaux impensables. Le nombre total de véhicules nécessaire pour transporter tout le monde diminuera (mais le taux de renouvellement du parc de véhicules sera plus élevé), et la congestion créée par la recherche de stationnement diminuera: les embouteillages diminueront dans des proportions importantes.


Bref, le couple Uber + Driverless Car, dans deux ou trois générations de renouvellement logiciel, promet la fin des transports en commun lourds en site propre, la fin du marché de la seconde voiture des ménages, et une forte diminution du taux de possession automobile par les foyers urbains, la fin du métier de chauffeur de taxi ou de VTC, de camion, des réorganisations de l’espace urbain, etc… De même, un secteur entier de l’assurance, la branche automobile, sera restructuré: les compagnies assureront non pas des véhicules mais des constructeurs ou des gestionnaires de flottes, avec un risque plus faible… Et je ne parle pas du saut quantitatif de mobilité pour les jeunes, les handicapés visuels, des personnes âgées…


Ajoutons qu’au même moment, les rejets polluants des véhicules vont tendre vers zéro, sans que l’on puisse dire si cette évolution viendra de batteries enfin compétitives, ou d’un décollage de carburants de type hydrogène… ou autre rupture encore inconcevable. Bref, quel argument restera-t-il aux anti-automobile ?


Bien sûr, le poids des conservatismes ralentira l’évolution que je décris, les états trouveront le moyen de retarder le progrès de quelques années par des régulations stupides, mais la vitesse de pénétration de chaque nouvelle génération de technologie disruptive semble aller toujours en croissant: les dérisoires tentatives des états pour sauver les situations établies des corporations mises en danger par les révolutions prochaines ne pourront résister longtemps à la vague qui s’annonce.


(Rien d’original dans tout cela, de nombreux rapports de consultants divers ont décrit des scénarii semblables)


Disruptions sociétales en série ?


Mais au delà des problématiques de pur transport, les “effets collatéraux sociétaux” de la voiture automatique seront nombreux. Naturellement, ce qui suit relève du pur spéculatif, ce qui se produira ne sera pas “exactement cela”, et peut être pas du tout, mais vous pouvez d’ores et déjà imaginer quelques opportunités d’investissement plus ou moins “disruptif” que la “mobilité automatisée” permet d’envisager.

Commençons par regarder le petit bout de la lorgnette:  le digestif pourrait redevenir populaire dans les restaurants ! En effet, rouler bourré ne sera plus un problème, et le plaisir fin d’un cognac hors d’âge en fin de repas pourra être redécouvert dans risque d’être pourchassé par la maréchaussée. Achetez du Diageo, du Pernod Ricard…

Mais si la voiture 3.0 ne promettait que cela, cela ne vaudrait pas la peine d’en parler.

Les formes urbaines évolueront en fonction de ces nouvelles mobilités. Cela poussera certainement, par exemple, les ménages à repenser leurs choix de lieux d’habitation par rapport à leur lieu de travail, sans que l’on puisse savoir à quelle vitesse. Moins de congestion, moins de temps perdu dans les trajets pendulaires, une voiture transformée en petit bureau ? On voit mal comment la suburbanisation des métropoles pourrait se ralentir… Au grand dam des planificateurs des sols qui y voient une évolution quasi diabolique. Et au contraire, les centre ville devraient voir progressivement leurs prix revenir à plus de sagesse, sauf si de nouvelles réglementations étatiques cherchent à y mettre le holà.

Mais justement, la mobilité automatisée n’ouvre-t-elle pas aussi d’intéressantes perspectives dans le domaine du logement de petite surface, qui permettraient de contourner les difficultés créées par l’état et ses réglementations nocives ?

 
Vers la fin des pénuries de petits logements ?

 
Puisque l’on pourra “faire autre chose” pendant que la voiture roule, on peut imaginer que l’aménagement intérieur des voitures pourra grandement évoluer. La configuration double banquette ne sera plus nécessairement la seule. On peut imaginer des voitures bureau, des voitures table de jeux (voire des casinos clandestins…), des voitures chambres à coucher (je vous laisse imaginer les usages possibles: les hôtels spécialisés dans le 12-18 vont souffrir… et le “sexe roulant” via des apps “uberlike” devrait exploser), voire des campings cars 3.0 totalement autonomes, ou carrément des Bus-homes (façon Robert De Niro dans “mon beau père et moi”) autonomes, pouvant servir d’alternative à un logement classique pour certaines clientèles qui valorisent plus la mobilité que la propriété terrienne.


Les nouveaux “mobile homes”, sans cabine de pilotage et avec des moteurs électriques bien plus simples à fabriquer, coûteront bien moins cher que les véhicules de camping actuels. Et on peut supposer qu’une demande accrue fera encore chuter les coûts de production.


Et vu le prix atteint par des studios minables dans certaines grandes villes, de fait de réglementations foncières et de construction de plus en plus hallucinantes, mettre 100 000 Euros dans un bon camping car, ou 200 000 euros dans un Bus-Home de nouvelle génération pourra passer pour un très bon calcul pour beaucoup de célibataires ou de couples sans enfants, jeunes ou vieux… Imaginez un “truck” comme celui ci dessous, mais sans besoin d’une cabine de pilotage encombrante ni d’un V8 tri-turbo… Pas de permis de construire, de délai de construction, seront nécessaires juste quelques recharges et l’accès épisodique à des installations de répurgation.


 
   Source: Dornob

 
Mieux encore: Mr et Mme Durand en ont assez que Tanguy, leur grand dadais de 25 ans, squatte chez eux ? Pourquoi ne pas lui louer un petit “mobile home” d’une valeur nue de 50 000 Euros, à 300 euros par mois ? De nombreux investisseurs y trouveront là une source de revenus intéressante (7% de rentabilité brute, voire mieux), que les états auront bien du mal à frapper de taxes et de contraintes au même titre que l'immobilier (mais ne désespérons pas de leur génie fiscal, cependant…). Et finie l’angoisse de la recherche d’un studio étudiant contre 50 autres candidats locataires !  Il est en effet très peu probable qu’une réglementation réussisse à créer une pénurie du mobile home, comme celle du foncier crée une pénurie de logements adaptés à la demande.


Les nouveaux gens du voyage… fiscal ?

Si un jeune couple choisit de vivre dans un mobile home autonome, et si son activité professionnelle peut être télé-travaillée, il pourra choisir très facilement la domiciliation fiscalement la plus favorable à ce type de vie transhumante. Mieux, il pourra changer si souvent de domiciliation que sa taxation deviendra compliquée, car il ne sera domicilié… Nulle part. Même problématique avec les retraités financièrement bien dotés. Rajoutez moi une couche de crypto-monnaie par dessus, et vous comprendrez que les états auront quelques problèmes de fin de mois...


Et quand l’espace du Mobile sera trop petit (pour organiser une réception, etc..), il suffira de louer l’espace nécessaire le temps nécessaire: suite hôtelière, salle de réception, etc…


Bon, trêve d’optimisme béat, la maison “en dur” restera encore l’habitat privilégié de nombreux ménages pendant encore très longtemps, et l’état trouvera bien un moyen de taxer ou retarder ces progrès. Et l’auto-mobilité apportera d’autres ruptures que je ne conçois pas encore. Mais ces petits exemples non limitatifs montrent que le potentiel disruptif des véhicules autonomes dépasse très largement la problématiques des transports. Personne ne peut imaginer toutes les “innovations d’usage”, les seules qui comptent vraiment, que permettront les progrès technologiques. Mais les perspectives ouvertes par les nouveaux paradigmes de la mobilité individuelle sont réellement excitantes.

 

 

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Vincent Bénard, ingénieur et auteur, est Président de l’institut Hayek (Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow de Turgot (Paris, www.turgot.org).
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