|
À quelques
semaines des élections générales, les deux grands partis britanniques tombent
de Charybde en Scylla. Si les derniers sondages publiés montrent un léger recul
de l’UKIP, ils annoncent désormais un raz-de-marée du Scottish National Party
(SNP). Ce dernier ravirait les sièges nécessaires au Parti travailliste pour
envisager un gouvernement homogène. Au coude à coude avec les travaillistes,
le Parti conservateur ne parviendrait pas non plus à emporter une majorité
parlementaire. Les analystes soulèvent désormais l’idée d’une large majorité
Con-Lab, du jamais vu depuis la deuxième guerre mondiale.
Après son
échec de justesse lors du référendum de septembre 2014, Alex Salmond, leader
du SNP, s’apprête à prendre sa revanche. Le 7 mai prochain, il pourrait
s’emparer de la quasi-totalité des 59 sièges écossais à la Chambre des
Communes. Il priverait ainsi le Parti travailliste de toute chance d’obtenir
une majorité parlementaire. Les travaillistes n’auraient apparemment pas
d’autre choix que de former un cabinet minoritaire soutenu de l’extérieur par
les nationalistes écossais. Ceux-ci seraient alors en position de force pour
obtenir de nouvelles avancées en faveur de l’indépendance de l’Écosse. Après
les concessions accordées au moment du référendum, ils pourraient donc
doubler leurs gains et s’approcher réellement d’une scission avec le reste du
Royaume-Uni.
Devant le
risque pour l’unité nationale, des voix s’élèvent dans les deux camps pour
proposer une grande coalition conservatrice-travailliste. Dernier en date,
Lord Kenneth Baker, ancien ministre du gouvernement Thatcher, brise le tabou
dans une tribune publiée par The Independent. Si un gouvernement
travailliste minoritaire faisait passer son programme en Angleterre grâce aux
voix écossaises, alors même que les Anglais n’ont plus la possibilité de
voter sur les questions écossaises, la légitimité des institutions serait
fortement ébranlée. Il propose donc un gouvernement d’union nationale d’une
durée limitée de 2 ans afin de préparer une grande réforme institutionnelle.
Celle-ci permettrait une solution globale et harmonisée de la
décentralisation britannique à laquelle participeraient, non seulement les
Écossais, mais aussi les Gallois, les Nord-Irlandais, et les Anglais. Il
affirme avoir conscience du caractère « impensable » de sa
proposition pour l’instant. Chaque parti devrait accepter de reporter les
points les plus saillants de son programme, entre autres le référendum de
sortie de l’Union européenne, à une future élection.
Bien que la
proposition ait déjà été rejetée par les représentants des deux partis,
l’idée fait son chemin et risque de s’imposer par la force des mathématiques
parlementaires. Dans chaque parti, des dissidents partiraient en criant à la
trahison, mais l’establishment garderait une majorité suffisante pour
réformer le modèle politique britannique. Et sans doute en profiteront-ils
pour modifier les règles électorales qui les ont mis dans cette posture
délicate. Jusqu’à il y a peu, une coalition similaire était également
impensable en Allemagne. Et pourtant, elle a vu le jour ! Le Royaume-Uni
suivra peut-être le mouvement car il répond à la nécessité pour les élites
actuelles de renforcer le pouvoir central (État-Nation, Union européenne)
face au retour des mouvements localistes.
|
|