Ne vous laissez pas enjôler par
les propagandes acharnées qui voudraient vous faire croire que les efforts aujourd’hui
mis en œuvre pour abolir les espèces sont motivés par un désir de combattre
le crime et la corruption. Ce n’est là qu’un prétexte.
La logique derrière ces
propagandes ressemble à cela : les criminels ont souvent recours à des
espèces, ainsi, les espèces doivent être éliminées. Voilà qui a autant de
sens que de dire : les criminels utilisent des voitures, c’est pourquoi
les voitures devraient être interdites. D’un point de vue éthique, le fait
que des criminels aient recours à un certain produit n’est jamais une bonne
raison d’empêcher les citoyens de l’utiliser.
Ceci étant dit, la propagande
anti-espèces n’est pas malicieuse que d’un point de vue éthique : elle l’est
aussi d’un point de vue utilitaire, si tant est que les raisons avancées
(combattre le crime et renforcer l’économie) soient les véritables raisons
derrière le désir des autorités d’abolir les espèces. Ni la logique ni les
données historiques ne nous apportent une quelconque raison de croire que
réduire par la force la quantité d’espèces disponibles peut réduire le crime
ou stimuler l’économie.
Pour ce qui concerne le combat
contre le crime, il est vrai que les criminels utilisent souvent des espèces
pour que leurs transactions ne puissent pas être tracées, mais aucun criminel
n’abandonnera son mode de vie pour s’aligner avec la société en réponse à une
obsolescence des espèces. Si ces dernières étaient éliminées, alors les
véritables criminels trouveraient un autre moyen d’effectuer leurs
transactions financières. Peut-être commenceraient-ils à utiliser l’or, ce
qui donnerait aux gouvernements un prétexte de l’interdire. Ou peut-être se
tourneraient-ils vers Bitcoin, ce qui donnerait également aux gouvernements
un prétexte d’interdire Bitcoin. L’idée étant ici qu’il existera toujours un
moyen d’échange alternatif susceptible d’être utilisé par les criminels. L’interdiction
des espèces ne sera pour ce groupe qu’un inconvénient mineur et de courte
durée.
L’idée qu’une interdiction des
espèces puisse renforcer l’économie découle de l’argument de combat contre le
crime, dans le sens où un changement du système monétaire susceptible de
réduire le crime (les seuls crimes véritables sont ceux qui concernent la
violation de droits de propriété) mènerait à un renforcement de l’économie.
Parce qu’il n’y a ni raison logique ni raison historique de croire qu’une
interdiction des espèces pourrait mener à une réduction du crime, l’idée qu’elle
puisse renforcer l’économie ne repose sur rien.
J’aimerais ajouter que si la
disparition des espèces apportait un bénéfice quelconque à l’économie, si
elle améliorait le niveau de vie, alors elle aurait déjà pris place sans l’intervention
des gouvernements. En général, l’intervention du gouvernement sur la sphère
économique n’est nécessaire que lorsque le changement désiré ne vise à créer
aucun bénéfice net pour l’économie.
Les raisons avancées pour
justifier l’élimination des espèces ne tiennent pas debout. Quelles en sont
donc les véritables raisons ?
La raison principale en est
réellement la maximisation des recettes fiscales. Si toutes les transactions sont
effectuées électroniquement au travers du système bancaire, alors toutes les
transactions peuvent être contrôlées, ce qui rend plus difficiles les évasions
fiscales. En d’autres termes, la raison principale pour laquelle les
gouvernements cherchent à éliminer les espèces est d’accroître les flux de
monnaie vers les coffres gouvernementaux. A moins que vous pensiez que le
gouvernement utilise les ressources plus efficacement que le secteur privé, il
vous faut admettre que cela déboucherait sur un affaiblissement plutôt qu’un
renforcement de l’économie.
Il y a, en revanche, une
deuxième raison importante à cette transition forcée vers une société sans
espèces, qui est que les banques en tireraient profit de deux manières.
Premièrement, les banques
pourraient s’assurer à ce que toute la monnaie disponible dans l’économie
demeure au sein du système bancaire. A l’heure actuelle, dans les économies
développées, environ 90% de la monnaie se trouve au sein du système bancaire,
les devises en circulation hors du système bancaire ne représentant donc que
10% de la masse monétaire. La volonté d’éliminer les espèces peut donc être
perçue comme une tentative de l’industrie bancaire de mettre la main sur ces
10% de la masse monétaire.
Deuxièmement, le public n’aurait
ainsi aucun moyen d’éviter les coûts des taux d’intérêt négatifs ou autres frais
draconiens sur l’épargne et les transactions mis en place par l’établissement
bancaire. N’importe quel membre du public serait en mesure d’éviter des charges
– mais simplement par le transfert de monnaie, et des obligations qui lui
sont associées, vers le compte de quelqu’un d’autre.
Tout économiste ou journaliste
financier qui acclame l’élimination des espèces n’a, au mieux, aucune idée
des manigances du gouvernement et des banques centrales.