Les gouvernements et les banques
centrales ont invoqué les écrits de J.M. Keynes pour justifier la hausse
considérable des dépenses gouvernementales et de l’inflation monétaire survenue
ces quelques neuf dernières années. En revanche, certains apologistes de
Keynes ont remarqué que le célèbre économiste britannique n’aurait pas été d’accord
avec bon nombre des réponses politiques pour lesquelles son travail a été
utilisé comme justification intellectuelle. Ils ont par exemple souligné le
fait que Keynes n’a conseillé que des hausses temporaires des dépenses des
gouvernements comme moyens d’absorption de chocs économiques, et qu’il était
absolument opposé aux dévaluations des devises et à la création de déficits
structurels. Le problème, en revanche, n’est pas que la théorie de Keynes ait
été appliquée à l’extrême, mais que sa théorie soit complètement erronée.
Pour commencer, les lois
économiques prévalent toujours. Si des dépenses déficitaires accrues
renforçaient véritablement l’économie en période de récessions, alors elles
la renforceraient également en période de croissance. D’autre part, si les
dépenses déficitaires des gouvernements portaient atteinte à l’économie en
période de croissance, alors elles lui porteraient également atteinte en
période de récession. Il n’existe donc pas d’ensembles de lois différentes à
appliquer en période de croissance et en période de contraction.
Deuxièmement, l’idée que le
gouvernement puisse apporter un élan durable à l’économie en augmentant ses
dépenses est basée sur l’idée fausse selon laquelle une hausse des dépenses
des consommateurs génère de la croissance économique. Cette dernière fait
gonfler le PIB, en raison de la manière dont le PIB est calculé, mais pour qu’une
hausse des dépenses des consommateurs soit durable, elle doit être un effet
de la croissance réelle et faire suite à une croissance de la production qui,
quant à elle, fait suite à une croissance du niveau d’épargne. Les dépenses
des consommateurs sont le fourgon de queue, pas le moteur de la croissance.
Troisièmement, comme le comprennent
beaucoup de gens, le gouvernement est bien souvent moins efficace que le
secteur privé. Le fait est que les dépenses gouvernementales tendent à
impliquer énormément de gaspillage. Ce n’est pas un problème pour les
keynésiens, qui perçoivent toute hausse des dépenses comme un bienfait
économique même si ces dépenses ne sont pas productives. Un bon économiste,
en revanche, devrait le percevoir comme un problème.
Quatrièmement, le gouvernement
ne génère pas de capital réel susceptible d’être dépensé afin de compenser ce
qui se passe sur le secteur privé. Et les dépenses du gouvernement doivent
être préalablement empruntées ou volées au secteur privé. Comment l’économie
privée peut-elle tirer profit de la hausse du taux auquel le gouvernement
vole et emprunte au secteur privé ?
Cinquièmement, des récessions se
produisent en raison des mal-investissements générés par les expansions
précédentes de la masse monétaire et du crédit par la banque centrale et les
banques commerciales. En conséquence de ces mal-investissements, la structure
économique devient tant distordue qu’elle produit trop de certains bien et
pas suffisamment d’autres. Malheureusement, les keynésiens perçoivent cette
distorsion causée par l’inflation comme un « écart de production »,
qu’ils citent souvent en tant que justification de toujours plus d’inflation
et de dépenses gouvernementales. Les récessions sont les symptômes du
processus au travers duquel une économie tente de se débarrasser des
distorsions causées par l’inflation et les interventions précédentes. En pourtant,
au travers de son rôle d’ « absorbeur de chocs économiques », l’équipe
de planification centralisée, composée du gouvernement et de sa banque
centrale, tente de faire perdurer ces distorsions. Comment l’économie peut-elle
possiblement en tirer profit ?
Si une économie est suffisamment
solide, elle doit être capable de se redresser malgré l’application de
remèdes keynésiens destinés à aplanir la transition vers le prochain cycle d’expansion.
En revanche, la structure économique se trouve inévitablement affaiblie par
chaque hausse successive des dépenses gouvernementales, et par chaque
croissance successive alimentée par l’inflation, jusqu’à finalement devenir
incapable d’enregistrer une reprise. C’est pourquoi la reprise de l’économie
américaine enregistrée suite à la récession de 2007-09 s’est avérée
particulièrement médiocre. C’est aussi la raison pour laquelle l’économie du
Japon semble aujourd’hui incapable de croître.
L’hyperinflation* et/ou un Etat
totalitaire sont les destinations inévitables de l’adoption incessante de
théories keynésiennes sur le long terme. La raison en est que chaque nouvelle
politique keynésienne apporte une justification à de nouvelles erreurs, ce
qui donne vie à une spirale descendante de laquelle il n’est plus possible de
s’extirper tant que les politiques employées demeurent les mêmes. La seule
inconnue est ici le temps nécessaire pour atteindre l’une ou l’autre de ces
destinations.
*Comme je l’ai déjà expliqué, je n’ai jamais perçu une hyperinflation
comme représentant une menace imminente pour l’économie américaine. La menace
imminente à laquelle font face les Etats-Unis est l’érosion incessante de la
liberté à mesure que les interventions du gouvernement sont justifiées par
les conséquences adverses des interventions précédentes.