D’abord, ils sont venus pour les
statues…
Que voulez-vous. Dans la journée
du mercredi 16 août 2017, la chef de la minorité à la Chambre, Nancy Pelosi
(D-Cal) a découvert que le Capitole des Etats-Unis était infesté de statues de
dignitaires confédérés. Après trente ans à en avoir arpenté les couloirs,
elle vient seulement de s’en rendre compte. Sa déclaration affolée a piqué
l’oreille du sénateur Cory Booker (D- NJ), qui ne navigue les mêmes couloirs
que depuis quelques années. Ce dernier a rapidement proposé de démanteler les
offensives statues. Et bien évidemment, le conseil du Congrès a lui aussi
traversé une épiphanie quant à la délégation de diables blancs taillés dans
le bronze et dans la pierre.
J’aimerais qu’on me présente un
seul argument qui explique pourquoi le monument de Washington devrait
continuer d’être dédié à un esclavagiste vicieux et un soldat insoumis, de la
même manière que la ville dans laquelle se trouve le siège du gouvernement
fédéral. Ou encore le disctrict de Columbia (après Christophe Colomb, qui a
initié le génocide des Indiens d’Amérique). Et même l’Amérique, baptisée
après Amerigo Vespucci, le cartographe florentin qui s’est écrié haut et fort
que le Brésil actuel n’était pas la côte est de l’Asie mais bel et bien un
Nouveau monde – après quoi tous nos ennuis ont commencé !
Nous avons assisté à bien des
débats stériles au fil du siècle dernier quant aux causes de ceci et de cela,
et il semblerait que nous en ayons désormais localisé au moins une. Je m’attends
à ce que les études scientifiques produites par nos meilleures universités
viennent bientôt confirmer que les transmissions occultes émises par la
statue de Jefferson Davies (un diable lui-même nommé après un diable
antérieur) soient responsables du taux d’homicide de Chicago.
De la même manière que les
empires tendent à construire leurs monuments les plus grandioses avant de
s’effondrer, notre empire titubant concocte aujourd’hui les illusions les
plus monumentales avant de se laisser emporter dans la chute à linge de
l’Histoire. C’est comme si les frères Marx s’étaient associés à Alfred
Hitchcock pour inventer la fin mélodramatique la plus ridicule et
embarrassante possible pour le Siècle américain.
Pendant ce temps-là, de nombreux
citoyens attendent l’éclipse totale de lundi. Ils ne réalisent pas qu’une
autre éclipse se développe depuis des mois : celle de la réalité au
travers du paysage américain. Un évènement qui sera bien plus époustouflant
qu’un phénomène astronomique de vingt minutes. Ce qui disparaît sous nos yeux
sont les conditions fragiles du système financier – un mélange de fraudes
comptables, d’extorsions, de supercheries statistiques et de racket qui prétendent
soutenir les activités de notre vie nationale quotidienne.
Au fil des mois, la prise de
conscience de ce monstre financier a été bloquée par les hallucinations de
Gremlins du Kremlin infiltrés dans les élections présidentielles. Mais alors
même que ce mirage se dissipait, l’invasion perfide de statues confédérées a
fait parler d’elle. Voilà qui commence à ressembler à la dernière pièce du
puzzle de la quête ultime du Deep State : l’expulsion de Donald Trump du
bureau ovale. Sa réaction à l’affaire des statues (« Pourquoi pas
Washington et Jefferson ? ») a été jugée si obtuse que même les
rats de son propre parti républicain cherchent désormais à quitter le navire.
La configuration ne pourrait pas
être plus parfaite. Les Etats-Unis se lanceront maintenant dans un mois de
débats quant au 25e amendement, alors même que le système financier
s’effiloche. Les dommages issus de la catastrophe financière qui se profile
aujourd’hui seront bien plus réels, bien pires que ce qui pourra ressortir de
la croisade anti-statues qui monopolise aujourd’hui la Une des journaux. Il
sera intéressant de voir si les médias lui prêteront attention, ou s’ils
trouveront d’autres moyens de détourner le regard du public de ce qui
pourrait être la plus grande escroquerie de notre époque.