C’est lundi et non, ce n’est pas ravioli mais bien la suite de notre palpitante série « Les Gros Sous de Bercy », dont nous avions déjà évoqué deux épisodes dans de précédents billets : dans le premier, on découvrait l’ampleur de la grosse blague de Bercy et on voyait déjà se profiler une belle catastrophe financière pour l’État ; dans le second, on se rendait compte que la baudruche trouée qui sert de Ministre de l’Économie n’avait rien trouvé de mieux qu’à en accroître l’ampleur sous les rires enregistrés d’une audience littéralement captive.
Cette semaine, un rebondissement fait son apparition dans le champ de mines qu’est devenu cette série.
Pour situer un peu le contexte, il est nécessaire de bien comprendre les tenants et les aboutissants de cette rocambolesque catastrophe financière qui va coûter bien plus qu’un pont à l’ensemble des contribuables français mais qui, bizarrement, semble nettement moins intéresser les journaux que le sort de Fillon, de Castaner ou de Halliday (dont l’impact sur les finances de tout un chacun sera pourtant nettement moindre).
En substance, l’État manquant (comme d’habitude) cruellement d’argent, il avait été décidé (comme d’habitude) de manière assez désinvolte par le précédent président et sa clique de clowns approximatifs qu’une nouvelle taxe pourrait (comme d’habitude) ramener quelques sous dans la tirelire. Cette taxe (comme d’habitude) votée en catimini dans le cadre d’une loi (comme d’habitude) mal écrite fut rapidement mise en application même si sa légalité – en plus de son équité – semblait (comme d’habitude) un tantinet douteuse.
C’est donc sans surprise qu’on découvrait courant 2017 que les sommes perçues par l’administration fiscale, assises sur les dividendes des sociétés, étaient donc à rembourser ce qui allait provoquer (comme d’habitude) un déficit assez phénoménal dans un budget par ailleurs déjà passablement tabassé par l’équipe Macron. Déficit qui ne sera pas aussi phénoménal que la stupidité déployée par Bruno Le Maire pour régler le problème, puisque notre actuel Ministre avait prévu de combler ce déficit et de rembourser les entreprises trop ponctionnées… via (comme d’habitude) une taxe, c’est-à-dire une nouvelle ponction sur les entreprises.
La situation déjà croquignolette sombra rapidement dans le ridicule le plus pur lorsque les sociétés concernées décidèrent ensuite d’attaquer l’administration fiscale pour concussion, ce qui tient la route et pourrait bien aboutir (comme d’habitude) à un redressement bien poivré pour l’État.
Pour le moment, la facture s’établit douillettement autour des 10 milliards d’euros. Un petit milliard par-ci, un petit milliard par-là, et rapidement, on arrive à de jolies sommes pour un État qui, je vous le rappelle, manque (comme d’habitude) cruellement d’argent.
Pour faire bonne mesure et en attendant que les sommes soient remboursée, l’Inspection Générale des Finances (IGF) s’est fendue d’un rapport pour essayer de déterminer les responsabilités des uns et des autres dans cette foirade mémorable. Si son rapport pointe (comme d’habitude) des « responsabilités plurielles » qui permettront de diluer d’autant celles des aigrefins auteurs de cette taxe en premier lieu, on notera au passage que l’IGF n’hésite pas une seconde à tacler les « représentants d’intérêts » (i.e. le patronat) qui n’auraient pas su alerter l’administration et les politiciens de leurs errements… Parce qu’apparemment, le travail de Bercy et des politiciens consiste à se faire recadrer par les patrons.
Néanmoins, reconnaissons que l’IGF fait un tableau exact du parcours législatif « mouvementé » de cette taxe qui aboutira au fiasco complet qu’on va devoir éponger pour les prochaines années, et note qu’à de nombreux moments, les administrations ont reçu des alertes qui auraient dû les motiver à la prudence, au moins dès 2015. Alertes qui n’auront fait bouger ni Sapin ni Eckert, pourtant directement responsables de ce tas de fumier. Quand Bruno Le Maire, frétillant d’aise à son nouveau poste à la place de Sapin, récupérera le dossier, il sera trop tard.
Malheureusement, son chemin de croix ne s’arrêtera pas là et seule l’assurance qu’il n’est absolument pas équipé intellectuellement pour comprendre la situation nous rassure sur sa bonne santé psychique : tout indique en effet qu’il va y avoir un spin-off de la série « Les Gros Sous de Bercy ».
Suite à la « découverte inopinée » de ce dossier, certains députés se sont emparés de la question pour essayer de savoir si, par le plus furieux des hasards, il n’y aurait pas d’autres cadavres dans le placard du Ministère de l’Économie. C’est la socialiste Christine Pires-Beaune qui a donc choisi d’éplucher les affaires en cours dans le traditionnel rapport annexé au projet de loi des finances.
Rebondissement, rigolade et gros montants : la facture totale pourrait largement dépasser les 10 milliards annoncés et atteindre les 22.6 milliards d’euros, répartis sur plusieurs contentieux fiscaux dont le dénouement se jouera dans les prochaines années.
C’est ainsi que, par exemple, on apprend que l’histoire du « précompte » pourrait provoquer un nouveau trou d’air de 5 milliards d’euros dans la trésorerie déjà exsangue de l’État : ce contentieux, qui remonte à plus de 10 ans, touche tout particulièrement les banques qui ont souvent racheté les créances des entreprises, alors que la justice européenne a invalidé un mécanisme français d’acompte et d’avoir fiscal sur les versements de dividendes. Pour le moment, les chamailleries continuent entre la Commission Européenne et les autorités françaises et la Cour de Justice de l’Union européenne a été saisie, avec une réponse attendue dans les deux ans. Avec un peu de chance, Bruno ne sera peut-être plus ministre d’ici là. Son patron, Emmanuel, n’aura pas cette chance…
S’ajoute à cette paille de 5 milliards d’autres contentieux bien identifiés (OPCVM, Stéria, De Ruyter), mais personne ne peut garantir que, d’ici quelques mois ou quelques années, de nouvelles fournées d’erreurs et de boulettes monumentales ne viendront pas s’y ajouter, comme le note la député dans son rapport en évoquant la délicate question de la CSG pour les non-résidents, pourtant censuré par la Justice européenne en 2015 mais toujours ponctionné…
Mine de rien, 22.6 milliards d’euros, cela fait une somme. C’est tellement énorme que cela nous rappelle le scandale financier du Crédit Lyonnais qui était parvenu, dans les années 90, à mobiliser un tant soit peu les rédactions et à faire comprendre au bon peuple français qu’il allait devoir rattraper l’incurie et l’incompétence d’une horde de politiciens et de financiers parfaitement détendus du claquage budgétaire.
On attend avec impatience le moment où ces mêmes rédactions sortiront de leur torpeur enamourée par Emmanuel Macron pour illustrer l’étendue des dégâts de Bercy sur les particuliers et les entreprises françaises. Il est temps que les Français prennent conscience de l’incroyable dérapage de leurs finances publiques et, par dessus-tout, de l’incompétence phénoménale et réitérée des politiciens responsables de cet immense gâchis.