Au vu des niveaux records atteints par le Dow Jones dans une
Amérique qui ne se porte pourtant pas aussi bien que cela, de plus en plus
d’économistes sont convaincus qu’on est à la veille d’un gigantesque krach
boursier qui pourrait bien ébranler la plupart des économies de la planète.
Même Goldman Sachs, l’une des plus importantes banques
d’investissement au monde, celle dont les actes ou même les
seules déclarations suffisent à influer sur les tendances
économiques à l’échelle internationale, dit aujourd’hui que les
marchés sont allés trop loin et que la chute s’annonce à la fois imminente et
terrifiante.
Et pour que cette noble institution, qui fait pourtant partie de celles
qui profitent à fond de cette envolée des indices depuis plusieurs années
maintenant, en arrive aujourd’hui à redouter le pire, c’est peut-être parce
que le pire est déjà à nos portes et qu’il n’y a plus guère d’alternative.
Toujours selon une allocution de Goldman Sachs datée du 29 novembre dernier,
une telle situation ne s’est présentée que deux fois depuis le début du XXe
siècle : dans les années 1920 (juste avant la Grande Dépression) et dans les
années 1950 où la fin de la Guerre avait toutefois permis aux USA de se
ménager des “tampons” pour absorber le choc des valeurs qui s’en est suivi.
L’historique du Dow Jones semble annoncer une prochaine crise majeure
D’ailleurs, si on reprend la courbe historique de l’évolution du Dow
Jones de ces seules 20 dernières années, on compte déjà pas moins de
3 crises majeures dont la dernière n’a dû sa résorption rapide
qu’à une manipulation des taux de la FED à marche forcée ainsi qu’à un effet
“Trump” qui a su vendre aux Américains des rêves
d’impérialisme renaissant au moment où ils en avaient le plus besoin.
1997, le Dow Jones flirte avec les 5000 points. Vingt ans
plus tard, sa valeur a quasiment été multipliée par 5 !
En 2000, après une brusque montée sous l’influence des
valeurs des nouvelles technologies qui prédisaient un
XXIe siècle conforme aux rêves de science fiction des années 1950, la réalité
est venue brutalement faire retomber le soufflé, effaçant d’un coup plus de 4
ans de hausse ininterrompue. La bulle Internet avait explosé.
Idem en 2008, alors que les banques de plus en plus avides de monnaie-dettes
avaient fini par accorder des crédits à presque tout le monde, on s’est
aperçu que, bizarrement, certains emprunteurs risquaient de ne jamais pouvoir
rembourser la maison ou l’appartement qu’ils avaient pu acquérir grâce à des
conditions particulièrement souples (et un peu complaisantes aussi). Les subprimes
avaient fait perdre plusieurs dizaines de milliards de dollars aux banques du
monde entier (et surendetté au passage des millions d’Américains). Là encore,
chute brutale des cours, mais cette fois-ci de plus de 50%.
Une crise avortée grâce au jeu des illusions
Pourtant, une fois encore, le Dow Jones se relève de ses cendres et en
2016, alors que matières premières et devises sont
en berne, tous les médias se font l’écho de la crainte grandissante d’une nouvelle
crise majeure. Mais désormais bien rodée, la FED arrive à limiter la
casse en faisant chauffer la planche à billets. Et surtout, Donald
Trump est élu président des États-Unis, avec des contes de fées
plein sa grande bouche. Certes, ses fables populistes restent totalement
inaudibles pour qui connaît un peu la réalité du monde économique, mais elles
séduisent finalement l’Américain moyen. Ce même Américain fier de son
drapeau, de sa nation, mais qui est aussi resté un grand enfant un peu
capricieux, toujours convaincu d’appartenir à la première puissance du monde.
Conséquence, les cours accusent un petit coup de mou mais repartent à la
hausse comme jamais, boostés par un discours impérialiste comme on n’en avait
plus entendu depuis plus d’un demi-siècle. Et les investisseurs
décident d’accompagner l’illusion naissante en accordant toute leur confiance
aux promesses électorales, sans même plus se soucier de l’absence de
corrélation entre réalité économique et anticipation des marchés.
Mais on sent bien que, quelque part, on a juste reculé pour mieux sauter.
Et aujourd’hui, alors que les actions, les obligations
et le crédit se retrouvent tous orientés dans le bon sens en
même temps (ce qui n’était pratiquement jamais arrivé jusqu’ici), quelques
voix d’économistes commencent à s’élever pour mettre en garde contre un
optimisme un peu forcé, plus proche de la méthode Coué que de l’analyse
rationnelle des signaux macroéconomiques bien concrets.
Un optimisme forcé et contagieux
Quoi qu’il en soit, et immanquablement, les autres places
boursières mondiales suivent le rythme imposé par les USA, certains
pays avec plus ou moins de facilités suivant leur propre situation interne,
qu’elle soit économique ou politique. Et tous ces indices commencent
joyeusement à grimper vers des sommets stratosphériques qui semblent ne plus
inquiéter personne. Même si les modèles jusqu’ici applicables ne fonctionnent
plus, même si les systèmes de régulation semblent être devenus inopérants, et
surtout même si de nombreux indicateurs semblent prouver que tout ne va pas
aussi bien qu’on voudrait le croire.
Peu à peu, certains économistes, certains banquiers même, commencent à se
dire que la mariée est trop belle et que la fête risque fort de tourner au
carnage dans pas longtemps. Avec une inflation qui reste
désespérément plate depuis des lustres (au point qu’on en vient à espérer
qu’elle remonte alors qu’on la craignait il y a encore 15 ans), des taux
d’intérêt nuls, voire négatifs, couplés à une création monétaire
permanente qui rendent le crédit quasi inépuisable, tout concourt à faire
croire que l’argent pousse sur les arbres. Mais cet argent a-t-il encore une
valeur ?
Une analyse technique réaliste montre que le pire est devant nous
On commence alors à se poser des questions techniques, car c’est toujours
par l’analyse qu’on cherche avant tout à se rassurer. Sauf que là, on
s’inquiète.
La Banque des Règlements Internationaux, souvent qualifiée de banque
centrale pour les banques centrales, a publié son propre rapport
dimanche dernier, et ses conclusions semblent malheureusement conforter les
craintes des experts de Goldman Sachs. Il semblerait en
effet que les marchés se soient quelque peu emballés et que les cours
des actions dans le monde entier, et surtout aux États-Unis, soient largement
surévalués. On parle en moyenne de 25% de plus-value
injustifiée, à plus forte raison quand on les compare à la moyenne
des statistiques établies depuis…1881 !
Pire encore, l’appréciation du marché obligataire, généralement à
contre-courant de celui des actions mais qui semble étrangement lui aussi en
pleine forme, apparaît désormais comme complètement déconnectée de la réalité
économique. La raison ? Principalement les politiques monétaires
accommodantes (Quantitative easing ou QE) mises en
place par la plupart des banques centrales dans le monde et qui ont permis de
purger le stock d’obligations qui menaçait d’imploser.
À noter que cette même préoccupation avait déjà été exprimée par l’ancien
président de la Réserve fédérale américaine, Alan
Greenspan, lequel n’est pas connu pour avancer des
hypothèses sans raison. Et les conclusions du rapport laissent entendre qu’il
n’y a que deux issues possibles à la situation actuelle. La première envisage
l’amorce à court terme d’une baisse régulière des marchés qui devrait
s’étaler sur les 18 à 24 mois qui arrivent. La seconde hypothèse, en
revanche, prévoit une chute brutale des cours qui risque
fort de ne pas laisser assez de temps aux investisseurs pour s’y préparer et
sauver ce qui peut l’être.
En clair, dans un cas comme dans l’autre, on dirait bien que les marchés
ont mangé leur pain blanc. Et qu’il va sans doute falloir commencer à
s’habituer aux croûtons…