L’été approche et avec lui, cette période intéressante pendant laquelle,
alors que les citoyens, les syndicalistes et les contribuables sont partis se
dorer la pilule, le gouvernement va tenter de faire passer toutes les petites
saloperies, les petits coups tordus, les petites lois assassines que les
Français découvriront, effarés, à leur retour.
Alors que l’année passée, le gouvernement fraîchement nommé entendait
toiletter vigoureusement le Code du travail (avec finalement un résultat pour
le moins pastel) et l’année encore précédente, on sentait surtout un gros
désir de sociétal, les options promettent d’être un peu plus étroites cette
année.
Il faut dire que, malgré la flamboyante reprise (mais si) et la baisse palpable et durable du chômage (mais si), l’argent ne rentre pas aussi bien et autant que
prévu dans les caisses de l’État qui, ne l’oubliez pas, a un très gros
appétit.
Ici, point n’est besoin de s’étendre sur les petits dérapages budgétaires
des uns ou des autres et soyons magnanimes : il est par exemple
difficile pour nos députés d’être à la fois hyper-pointus dans leurs textes
de lois, généralement si bien ficelés, et au top sur la gestion des finances
de leur Assemblée. Compte tenu du rythme de galérien auquel ils sont
astreints pour réformer la France « dans des proportions jamais
vues » (puisqu’ils vous le disent), il était inévitable que le budget de
fonctionnement de l’Assemblée dérape de 20 millions d’euros (une broutille), qui seront
épongés en tapant dans la « réserve » (qui restent, quoi qu’on
puisse dire, les poches du contribuables puisque c’est de là que l’argent
provient toujours).
Et si l’on ne se penche donc pas trop sur les petites sorties de routes
ici ou là, il reste néanmoins quelques soucis de trésorerie plus généraux à
régler.
Eh oui : malgré toute cette flamboyance en pack de douze et ce
spectaculaire en shrink-wrap, il faudra bien continuer à ne pas entretenir
les routes départementales trouées, y disposer de jolis panneaux
« 80 » tout neufs acoquinés à de tout nouveaux radars mobiles, à ne
pas renouveler les matériels antédiluviens de l’armée, à distribuer des
prébendes et de l’argent frais aux myriades d’associations sans but qui
tètent vigoureusement aux généreuses mamelles républicaines, à produire de la
culture française comme on débite de la saucisse industrielle et à éponger
les dettes de toutes ces entreprises publiques, para-publiques, EPIC et colégram
autres dont le service au public se résume essentiellement à une longue suite
d’emmerdes gluantes.
Or, tout ça voyez-vous, ça coûte un fric fou !
Et dernièrement, il a circulé plusieurs informations cocasses qui
pourraient introduire une insolente dose d’optimisme chez les Français. Il
importe donc de remettre un peu les pendules à l’heure.
D’une part, le prélèvement à la source est toujours d’actualité.
Non, l’idée complètement idiote de Hollande et sa brochette de clowns
à roulettes n’a pas été abandonnée et, pire encore alors que Macron avait
toute latitude pour envoyer tout ce projet stupide aux oubliettes, le
gouvernement actuel a continué sur la même lancée.
Certes, l’aspect désopilant des explications et des tentatives de camouflage qui entourent le projet
n’échappera à personne. D’un tweet à l’autre, le comique de répétition
s’installe même avec réjouissance.
« L’objectif du prélèvement à la source c’est que le travail paye :
désormais un euro gagné est un euro gagné et on n’aura plus besoin d’épargner
pour payer ses impôts » #E1Soir
@Europe1 pic.twitter.com/uzdEbrcKEE
— Amélie de Montchalin (@AdeMontchalin) May
15, 2018
Cependant, les dégâts que causeront immanquablement les dizaines de
milliers de ratés et les erreurs sur les centaines de milliers de cas
particuliers ingérables ne pourront probablement pas être versés au crédit du
gouvernement ou de son budget. On peut d’ores et déjà s’attendre à de
nouveaux moments de panique budgétaire dans les mois qui suivront la mise en
place de l’usine à gaz.
D’autre part, si certains naïfs croyaient bêtement que la taxe
d’habitation allait disparaître, ils en seront pour leurs frais.
Je l’avais largement expliqué dans un précédent billet et comme prévu,
alors que cet impôt s’éteint doucement, une surtaxe s’éveille. De
surcroît, foin de s’éteindre, il est déjà question de remettre en cause la
fameuse (fumeuse ?) disparition : c’est bien joli de supprimer cette
taxe d’habitation, mais ce serait sans compter sur Super-Bruno, le héros de
la Justice Sociale en lycra moulant qui se chargera de rappeler que pour ceux
qui ont aussi une habitation secondaire, ce serait vraiment trop injuste
qu’ils en soient subitement exonérés : ♩
l’égalité en droit pour tous ♫, sauf les riches ♬, faut pas déconner ♪.
La suppression oui, mais pour tout le monde, non.
Il faut dire que cette suppression pourrait entraîner un manque-à-gagner™
de plus de 24 milliards d’euros. Et par les temps qui courent, avec 24
milliards d’euros, on peut en financer, des radars routiers pour ralentir les
voitures, des avions qui ne volent pas et des trains qui ne roulent
plus !
Malheureusement, même avec ces petits milliards ici ou là, ces petits
arrangements ne suffiront pas pour aider à conserver le train de vie de
l’État : miracle des miracles, les dirigeants commencent à comprendre
que l’augmentation d’impôts tous azimuts ne peut plus être une réponse à tous
leurs désirs humides de projets pharaoniques, de réformes minimales sur fond
de communication luxueuse et de conservation des prébendes et autres fromages
gras de la République.
Oui, vous l’avez compris : à côté du volet
« recette » qu’ils s’emploient pourtant à conserver obèse, ils
s’attaquent miraculeusement au volet « dépense ».
C’est d’ailleurs saisie d’un effroi d’ampleur biblique que la presse
subventionnée nous relate cette nouveauté et commence l’exténuante
description de ce qui pourrait advenir si jamais cette pente infâme était
poursuivie : « le musée des horreurs » (ces mesures que personne ne
veut prendre – sans blague !) vient de rouvrir et ce seraient certaines
prestations sociales qui en feraient les frais…
Eh oui : il semble qu’après 50 années d’ouverture des vannes à argent
public, après un demi-siècle de distributions tous azimuts, après des
décennies à acheter une paix sociale en donnant à Paul l’argent pris de force
à Pierre puis à ponctionner Paul pour en redonner une petite part à Pierre
pour mieux le taxer ensuite, après des années à éparpiller de la richesse
produite aux quatre vents des lubies sociales, politiques et économiques à la
mode du moment, il soit arrivé ce moment tant redouté où l’argent gratuit des
autres devient si difficile à trouver qu’il faille enfin réduire la voilure,
fermer quelques robinets, assécher quelques sprinklers et couper quelques
petits tuyaux d’arrosage.
Ouf. Il était temps, pourrait-on croire.
Hélas.
Parallèlement, tout indique que l’esprit français, énarque même, de
nos politiciens n’a, malheureusement, pas bougé d’un iota.
À la complète incertitude fiscale qui se dessine encore une fois, tant au
niveau des entreprises qui vont devoir composer avec le prélèvement à la
source et les nouvelles lignes (et les polices de caractère plus épaisses)
sur les feuilles de paie, qu’au niveau des particuliers qui ne sauront pas
avant un moment s’ils vont devoir payer ou non cette taxe d’habitation qui a
disparu mais oui mais non mais peut-être, il faut ajouter cette compulsion invraisemblable
de nos dirigeants à vouloir absolument régenter, réguler et foutre les doigts
de l’État partout où ils le peuvent et où il n’a rien à faire :
Dans le code civil, nous allons introduire noir sur blanc la considération
des enjeux sociétaux et environnementaux dans la définition de l’entreprise. #CongrèsCJD
— Edouard Philippe (@EPhilippePM) May
18, 2018
Oui : pendant que les entreprises et les particuliers vont se
débattre dans un océan d’emmerdes administratives supplémentaires, le
gouvernement par la voix de son Premier ministre semble fermement décidé à en
ajouter une couche.
Ce pays est foutu.
Mais ce qui ruinera définitivement le pays n’est pas, comme on pourrait le
penser, ses syndicats fossiles, son administration pléthorique ou la
mentalité de rond-de-cuir gauchiste qui a maintenant diffusé partout dans la
société française, non. Ce qui ruinera définitivement le pays, ce seront ses
politiciens qui, n’arrêtant pas d’ajouter du malheur au malheur, des lois aux
lois et de changer de pied pour danser, finiront par rendre toute initiative
impossible.
Immobile, le pays pétrifié sera enfin pacifié de l’intérieur.