« Lorsque le sage montre la lune, l’imbécile regarde le bout du doigt. »
Cette phrase n’est pas de moi, mais elle est très juste.
Les « imbéciles », ou ceux qui font semblant de l’être, nous expliquent
donc doctement que les gilets jaunes, par leur mouvement, pénalisent
terriblement notre économie.
Certes, le mouvement, comme tout mouvement social ou révolutionnaire,
entraîne évidemment des conséquences économiques importantes. Pourtant,
regarder ces conséquences, c’est regarder le bout du doigt et pas la lune.
Je voulais, par deux exemples vus (et entendus) ces derniers jours, vous
expliquer pourquoi notre économie se meurt, et pourquoi les gilets jaunes ne
sont pas la cause de cet effondrement sur nous-mêmes, mais bien le symptôme,
un symptôme qui en réalité démontre que le corps social France a encore des
anticorps, un système immunitaire qui tente de réagir avant qu’il ne soit
trop tard et que la septicémie nous emporte tous.
Si l’on peut critiquer le mouvement, il reste une immense chance pour
notre pays, en ce sens que cette montée terrible de fièvre doit nous faire
prendre conscience que nous ne sommes pas dans une crise, mais bien dans un
processus d’effondrement, un effondrement lié à la complexité de notre
société, à ses paradoxes et à ses contradictions devenues irréconciliables.
C’est la septicémie économique.
« Moi je ne veux louer qu’à des gens sans emploi… »
Voici mon premier exemple. Le marché immobilier français, devenu
complètement fou entre les normes de construction, la loi Alur qui transforme
chaque vente en calvaire administratif sans pour autant protéger qui que ce
soit, sans oublier la fiscalité folle du secteur, nous marchons évidemment
sur la tête, et à force de nouvelles lois, nous avons créé un monstre.
Alors qu’entend-on désormais en France ? Des propriétaires vous
expliquant, avec la certitude de détenir la vérité, qu’ils ne prennent que
des locataires « qui ne travaillent pas » ! Tu penses, faut être con pour
prendre un gus qui bosse dans son appart… Tu penses, il pourrait perdre son
travail, devenir insolvable et ne plus payer son loyer.
Non, de vous à moi, le mieux c’est de prendre un type qui ne vit que de la
solidarité nationale. Dans un tel cas, comme propriétaire, je peux
directement demander aux CAF de me verser les APL. Ainsi, en réalité, je loue
à l’État. Fini les impayés.
En France, en 2018, nous avons réussi à créer un système immobilier où
louer à un pauvre sans-emploi qui ne travaillera jamais et dont le loyer est
payé par l’État sous forme d’APL est plus « sûr » que de louer son
appartement au pauvre gus qui, lui, travaille…
Tout le monde trouve cela normal, sauf que ce genre d’aberration
économique est évidemment un symptôme d’effondrement parce que les choses ne
sont plus dans le bon sens. Depuis trop longtemps.
« Bonjour Monsieur, je bosse, je gagne 1 500 euros, et je voudrais louer
votre appart. Je suis gilet jaune, je gagne trop pour avoir des APL, et je
peux me faire virer à n’importe quel instant… – Désolé, répond le
propriétaire. Je ne loue que si je peux préempter vos APL à la source. Pas
d’APL ? Pas de location… vous êtes trop riche »…
Voilà le mouvement gilets jaunes, symptôme et non cause. Entendez
l’effondrement de notre économie à défaut d’écouter les « anticorps ».
Le théorème de la nacelle.
Ha… Pour votre ligne de téléphone, il faut attendre 3 mois, et payer 600
euros de nacelle !!
Vous connaissez les nacelles qui servent à mettre les décorations de Noël
dans nos centres-villes et montent l’ouvrier à 10 mètres de haut en presque
toute sécurité ?
Eh bien ces mêmes nacelles doivent être utilisées par les agents de France
Télécom, que dis-je, des PTT, même si ce n’est plus le nom de l’entreprise
concernée en raison de son ouverture au saint monde de la concurrence européenne.
Oui, vous comprenez, désormais, quand vous appelez de votre portable pour
vous faire installer une ligne fixe, il faut aller relier deux fils (fil vert
avec le fil vert, fil rouge avec le fil rouge comme le Colonel dans la 7e
compagnie). Cette opération est d’une simplicité enfantine. Mais,
souvent, les boîtiers sont situés à plus d’1,80 m. Avec mon escabeau 2
marches, même moi qui suis un mini-pouce, je peux atteindre ce fichu et
satané boîtier.
Mais non. On n’a plus le droit de monter à une échelle.
Voici une photo prise vendredi 14 dans mon petit coin de
Normandie. Vous noterez que la nacelle ne peut pas descendre plus bas
hahahahahahahahahaahahahaha !
Il faut donc :
– prévoir l’intervention d’une nacelle dont le coût est de 600 euros par jour
;
– prévoir un technicien qui a son permis nacelle ;
– prévenir la mairie qu’il y aura une intervention de nacelle tel ou tel jour
à telle ou telle adresse.
– que la mairie fasse intervenir les services techniques pour aller mettre 3
plots orange (là il y en avait 4, sans doute en promotion. 3 plots réservés
le 4ème est offert. C’est les fêtes!!) afin de garder la place pour la
nacelle, interdise le stationnement, et mette le bon papier collé sur un
panneau ;
– que tout le monde respecte ledit panneau et que personne ne prenne quand
même la place de la nacelle qui sinon devra revenir à une date indéterminée.
Quand toutes les conditions sont réunies, au bout d’un délai variant entre
3 et 6 mois, vous obtenez cette photo ridicule d’un gus en nacelle à 1,80 m
du sol, avec la nacelle au plus bas de ce qui peut se faire.
Évidemment, tout le monde trouvera cela normal.
Le théorème de la nacelle est simple : « Tout système
imposant l’utilisation d’une nacelle là où un tabouret est suffisant est
devenu fou et est condamné à l’effondrement à brève échéance. »
L’effondrement des sociétés complexes.
Dans son remarquable ouvrage L’effondrement des sociétés complexes,
le professeur américain Joseph Tainter explique et décortique ce phénomène
qui est à l’œuvre dans notre pays en particulier et en Europe en général.
Oui l’Europe c’est bien blablabla, c’est la paix blablablablabla, mais une
fois que l’on a répété ces mantras, c’est aussi la garantie de l’effondrement
par la complexité que nous créons nous-mêmes et qui rend toute croissance
économique impossible, non pas forcément en toujours plus, mais en efficience
même de notre système.
Vous voyez également, à travers ces deux exemples, que les coûts ne
peuvent qu’augmenter. Créer une entreprise, une affaire, cela devient
tellement compliqué et coûteux qu’il faut être fou et inconscient pour
entreprendre. Progressivement, le système s’arrête faute de joueurs.
Ne faisons pas l’erreur de croire que le mouvement des gilets jaunes est
anodin, qu’il passera vite.
Peu importe ce qui se passera par la suite.
Ce qui est certain c’est que ce pays étouffe.
Ce qui est sûr, c’est que ce pays se meurt.
Ce qui est incontestable, c’est que nous sommes déjà très mal en point.
Ce qui est vrai également, c’est que rien ni personne ne semble en mesure
d’enrayer toute cette folie économique.
Macron a ses torts et ils sont grands, mais effectivement, il ne peut être
tenu pour le seul et unique coupable de 40 années d’immense, de colossal, de
complètement délirant n’importe quoi sur tous les sujets, qu’aucun n’a su ni
voulu enrayer et dans lequel l’ensemble de nos élites, politiques et
médiatiques, ont préféré se complaire.
Qu’ils continuent donc à regarder le bout du doigt. Je vous invite à voir
plus loin et à regarder la lune… enfin, la nacelle !!
Il est déjà trop tard, mais tout n’est pas perdu. Préparez-vous !
« Insolentiae » signifie « impertinence » en latin
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« À vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend
inévitables les révolutions violentes » (JFK)