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Les anglophones la décrivent
comme « a season for giving », une saison propice
pour faire des dons. La période des Fêtes qui vient de se
terminer n'est en effet pas uniquement le temps de faire des cadeaux, mais
aussi un bon moment pour contribuer à des oeuvres
de charité. La Guignolée, les paniers de Noël et autres
campagnes de dons sont à l'honneur, année après
année, pour solliciter notre conscience morale.
Au risque de déplaire
à ceux qui aiment bien nous caricaturer comme de méchants
égoïstes qui se réjouissent de voir les pauvres crever de
faim et qui encouragent le travail des enfants du Tiers-Monde dans les mines
si cela peut nous rapporter quelques profits, précisons que les libertariens sont tout à fait en accord avec ce
type de partage.
La
charité privée fonctionne sur la base du volontariat. Chacun
décide librement de donner le montant ou les denrées qu'il juge
appropriés pour la cause – et uniquement pour celle-ci –
qu'il valorise. Les oeuvres se font concurrence
pour obtenir la faveur des donateurs, et ceux-ci ont le choix de donner
à celles qu'ils jugent bien gérées et efficaces dans
l'atteinte d'un but précis. Un don n'est par ailleurs jamais purement «
gratuit » mais rejoint plutôt les intérêts
personnels des donateurs. Ceux-ci ont, sur la base de principes
éthiques ou de croyances religieuses, le sentiment de contribuer d'une
autre façon au bien-être de la communauté, et en retire
des gratifications psychologiques. En ce sens, le fonctionnement du «
marché de la charité privée »
n'est pas si différent de celui des autres types de marché dans
une économie capitaliste.
Bill Gates, l'homme le plus
charitable du monde
D'ailleurs, ceux qui voient
les oeuvres de charité comme des
façons de contrecarrer les « excès du néolibéralisme
», comme l'antithèse de la « loi de la
jungle capitaliste », ont une perception tout à
fait à l'envers de la réalité. D'abord, le capitalisme
est le seul système qui permet de créer de la richesse,
richesse qui se répand bien sûr inégalement mais qui rejoint
tout de même tout le monde. Les « pauvres »
d'aujourd'hui en Occident vivent en fait mieux que les classes moyennes d'il
y a 150 ans, dans un confort qui n'a pas d'égal dans toute l'histoire
humaine. Ce qui nous choque, ce n'est pas l'état absolu de
dénuement dans lequel ils se trouvent autant que le contraste entre
leur pauvreté relative et la richesse environnante.
Ensuite, la charité est indissociable de l'accumulation de richesse
qui caractérise le système capitaliste. Dans un régime
politique où les citoyens sont moins libres (communiste ou
socialiste), les inégalités sont moins criantes, mais on
crée moins de richesse. Bref, c'est la pauvreté, et pas la
richesse, qui est plus également répandue. Au contraire, le
capitalisme permet l'accumulation de fortunes privées, mais ces
fortunes finissent toujours par bénéficier à tout le
monde. Les riches ne cachent pas leur fortune sous leur matelas. Ils
dépensent et investissent, ils créent des emplois; ils la
donnent aussi.
Le
quotidien montréalais The Gazette titrait le 24 décembre
dernier en manchette: « Gates outspends
U.S. helping poor
». Avec son épouse Melinda, l'homme le plus riche au
monde a en effet distribué l'an dernier plus d'argent pour lutter
contre les maladies au Tiers-Monde que son propre pays, soit 1,44 milliard $.
La Fondation Bill & Melinda Gates est devenue l'institution
philanthropique la plus importante de l'histoire, avec un fonds de 21,8
milliards $.
Bill Gates peut
prétendre agir moralement à double titre, non seulement comme
donateur mais aussi comme entrepreneur capitaliste. S'il est devenu
milliardaire, c'est en effet parce qu'il a offert des produits et services
parmi ceux qui sont les plus fortement en demande sur la planète et
qui comblent donc les besoins les plus impérieux de millions d'individus.
Bill Gates a accumulé ses milliards parce que des millions de gens
valorisaient l'achat de ces produits et services plus que d'autres
alternatives disponibles. Quoi qu'en disent les bureaucrates et les juges
américains qui persécutent Microsoft sur la base de lois
antitrust injustes et contre-productives, personne n'a été
forcé d'acheter ses produits (voir ANTITRUST LAWS SHOULD BE ABOLISHED,
le QL, no 56,
ainsi que les articles sur le site www.concurrence.org). Évidemment, on ne peut pas
s'attendre à ce que des hommes de l'État, habitués
à imposer leurs décrets au nom de la « volonté
générale », saisisse la différence
entre un échange sur une base volontaire et une directive
appuyée par la coercition.
Charitable avec l'argent des autres
Ce qui est plus malheureux,
c'est que M. Gates lui-même, malgré ses bonnes oeuvres, ne voit pas la différence. Les
très riches reconnaissent rarement les bienfaits du système
capitaliste qui leur a permis de se hisser là où ils sont. Le
financier George Soros ou les vedettes gauchistes
d'Hollywood en sont de bons exemples. Bill Gates considère lui aussi
que la social-démocratie et la redistribution de la richesse à
l'échelle planétaire sont de nobles buts. Selon lui, les
nations riches devraient avoir honte de donner si peu, en particulier
d'allouer si peu d'aide internationale à la santé. «
Rich governments
should be doing more »,
affirme-t-il.
Mais
comment des entités politiques abstraites nommées «
nations » pourraient-elles avoir honte parce que quelques
bureaucrates et politiciens ont convenu qu'il n'était pas dans
l'intérêt du gouvernement en place d'octroyer plus de fonds
à l'aide internationale? En quoi le transfert forcé –
jusqu'à nouvel ordre, nous n'avons pas le choix de payer taxes et
impôts – de richesse appartenant aux contribuables d'un pays pour
le bénéfice de citoyens d'autres pays constitue-t-il un acte
moral, charitable?
Les
ministères et organismes gouvernementaux qui aident les pauvres
à l'étranger ne pratiquent pas la charité, ils volent
leurs citoyens pour des fins de politiques intérieures ou
internationales. De la même façon, lorsqu'ils aident les «
pauvres » dans leurs propres pays, les gouvernements ne
pratiquent pas la charité; ils achètent des votes avec l'argent
d'une partie de la population et entretiennent une classe de parasites
bureaucratiques qui administrent les programmes. Programmes dont
l'efficacité n'a par ailleurs jamais été
démontrée, au contraire. Les oeuvres
comme Jeunesse au Soleil, la Maison du Père ou Moisson Montréal
contribuent sans doute plus à la lutte contre la pauvreté
réelle que tous les programmes bureaucratiques réunis (voir
l'étude L'ÉTAT-PROVIDENCE ET LES PAUVRES).
Tout ce
beau monde, politiciens et bureaucrates, fait grand état de la «
solidarité » et de la « compassion »
dont fait preuve le gouvernement – eux-mêmes, faut-il comprendre.
Mais cette charité n'est que pure tromperie. Nos gouvernants n'ont
aucun sacrifice personnel à faire pour distribuer ces dons, puisque
cet argent ne leur appartient pas. Au contraire, ils tirent un profit
personnel de ce système de charité publique, politiquement et
financièrement. Qui plus est, cette charité publique immorale
corrompt la véritable charité, celle des individus qui
choisissent volontairement de faire un don.
Corruption morale
On pourrait croire qu'une
société comme le Québec, où les mots
solidarité, équité et compassion sont sur toutes les
bouches, une société qui « résiste au
vent froid de droite qui souffle sur le reste du continent »
comme se plaisent à nous répéter nos politiciens
défenseurs du « modèle québécois
», est un endroit où les individus font preuve d'une plus
grande générosité qu'ailleurs. Comparés à
ces Anglos matérialistes et individualistes du reste du continent, ne
sommes-nous pas une grande famille généreuse et tricotée
serrée? D'ailleurs, les Canadiens dans leur ensemble, citoyens d'un
pays « kinder and gentler » que celui plus au
sud, ne sont-ils pas plus charitables que leurs voisins américains?
Eh bien
non. Comme des sondages et études le montrent année
après année, les Canadiens sont moins généreux
que les Américains, et les Québécois sont les moins
généreux des Canadiens. Ils sont donc les
Nord-Américains qui contribuent le moins aux oeuvres
de charité. Une étude du Fraser Forum de décembre
2000 (Canadian & American Monetary Generosity) qui compare tous les États
américains et provinces canadiennes en termes de
générosité (nombre de donateurs et montants
données) place les provinces au bas de la liste. C'est l'Alberta,
paradis du conservatisme et de la fiscalité minimale au pays, qui fait
meilleure figure. Le Québec est bon dernier.
Cette
réalité n'est pas si surprenante et l'explication en est fort
simple. Le contribuable québécois doit supporter l'État
le plus lourd sur le continent et est forcé de contribuer au
financement d'un tas de programmes sociaux pour les plus démunis, dont
un Fonds spécial de lutte contre la pauvreté. Logiquement, il
se dit qu'il fait déjà sa part. Pourquoi donner une seconde
fois à des oeuvres privées, alors
qu'on est déjà obligé de donner pour des programmes
publics?
Les
Québécois ne sont pas plus égoïstes que les autres
Nord-Américains, ils agissent de façon rationnelle dans le
contexte socialiste qui est le leur. Les Albertains aussi, eux qui sont les
moins taxés au pays. Ils se sentent logiquement plus responsables et
contribuent donc plus à des oeuvres
privées.
Le
résultat est cependant loin d'être le même sur le plan de
la moralité. Les donateurs privés peuvent prétendre
être véritablement généreux: c'est leur argent
à eux qu'ils donnent, de façon libre et volontaire. Au
contraire, la charité publique n'est qu'une vaste tromperie
socialiste. Ceux qui y contribuent sont forcés de le faire. Et ceux
qui s'en attribuent le mérite, nos gouvernants, ne sont en
réalité que des bandits de grand chemin et des hypocrites.
Martin Masse
Le Quebecois Libre
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