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The Wallace Street Journal
Silver Valley Mining Journal
Il
y a quelques années, j’errais dans les rues pavées d’une petite ville
Chinoise du nom de Lijang, accrochée à l’extrémité Sud de la chaîne de
l’Himalaya et située à l’ombre du Mont du Dragon de Jade, surplombant le
paysage du haut de ses 4800 mètres. Au travers de cette cité millénaire
serpente le lit du fleuve Jinsha, lequel se divise plus loin en canaux
servant à alimenter les viviers de poissons des restaurants pittoresques
servant des perches fraîchement péchées, de la viande de yak et de la bière fraîche
brassée dans les eaux glaciales du Mont.
Les
pavés de la ville sont ce qu’il reste aujourd’hui de l’ancienne route de la
Soie. Alors que je méditais sur le destin de ce lieu, il m’est venu à
l’esprit que la route de la Soie était un nom inapproprié et qu’il aurait été
meilleur de surnommer cette route commerciale la route de l’Argent. En
considérant la civilisation Occidentale depuis une perspective Asiatique,
cette route était bel et bien celle de l’Argent plutôt que celle de la Soie.
Tentons de nous représenter cette partie du monde telle que Marco Polo la
découvrait en 1280, à l’âge de 20 ans, en arrivant en Chine accompagné de son
père et de son oncle, tous deux marchands vénitiens, lors de son second
voyage dans l’Empire du Milieu.
Lorsque
nous pensons à la Chine de l’époque, la soie et au thé nous viennent
immédiatement à l’esprit. Les Polo y ont en revanche rencontré un souverain
éclairé appelé le Khan, empli de grâce et de curiosité, qui leur a demandé, à
leur retour en Europe, de prier le Pape de faire envoyer cent théologiens et
érudits à Pékin afin de l’aider à développer ses connaissances sur la culture
et la religion Européenne. Les Polo ont également découvert en Chine une
matière nettoyante pouvant elle-aussi être nettoyée en étant jetée un instant
au feu : l’asbeste. Et ce n’est pas tout. La Chine possédait alors une
industrie sidérurgique dont la production n’a pu être égalée en Europe que
plus de 5 siècles plus tard, une Poste Impériale offrant des services postaux
de seconde, de première classe, ainsi que de classe prioritaire, un système
de transports complexe mis en place grâce à des canaux fluviaux, ainsi qu’une
industrie salière prodigieuse. Le sel, avant l’invention du système de
réfrigération, était une matière première quasiment aussi précieuse que l’or.
Pour
les Européens, il s’agissait là de concepts totalement nouveaux. Des
relations amicales furent établies entre le Pape et le Khan, entre l’Europe
et la Chine, les Polo et leurs successeurs faisant office d’émissaires.
Rapidement, le commerce entre les deux continents devint vigoureux, et reprit
là où la Chine et l’Empire Romain l’avaient laissé.
C’est
de cette route de l’Argent liant la Chine à l’Europe que nous sont provenus
la soie, la poudre à canon, les spaghettis, la céramique et le thé. A
l’époque, les technologies majoritairement féodales et agraires de l’Europe
n’avaient encore ni la volonté ni la capacité de produire quoi que ce soit.
Mais la Chine marchande ne lui offrait pas tous ces produits gratuitement !
Les moyens de paiement qu’elle acceptait ? L’or et l’argent, bien sûr.
Et surtout l’argent. L’amour de la Chine pour la monnaie argent remonte à la
nuit des temps, et était déjà bien ancré avant la naissance de Jésus Christ.
En 475 avant J.-C., l’argent y était déjà monétisé de manière officieuse, et
y fut déclaré monnaie officielle par la dynastie Yuan dès 1279, époque à
laquelle les routes commerciales entre la Chine et l’Europe rouvrirent.
L’argent métal demeura monnaie officielle de la Chine jusque dans les années
1930, lorsque l’Empire du Milieu devint la dernière grande civilisation à
succomber à la tentation de la devise fiduciaire.
Au
cours des quelques siècles qui s’écoulèrent après le premier contact établi
par les Polo, le commerce entre l’Orient et l’Occident devint si intense
qu’en 1800, la Chine se retrouva avec entre ses mains la moitié de l’argent
métal disponible sur la planète – sous forme de pièces Perses, Européennes et
même Américaines. La moitié de la monnaie du monde ! Avant 1800,
l’Europe, s’efforçant de maintenir ses relations commerciales avec la Chine,
était déjà parvenue à coloniser le Nouveau Monde en vue d’y extraire l’argent
et l’or. J’ai pu voir de mes propres yeux les vestiges d’une fonderie
Espagnole situés à 3600 mètres d’altitude dans les Andes Péruviennes, à
Arequipa, où les Espagnols avaient pour habitude de fondre l’argent et l’or
qu’ils parvenaient à extraire du sol des Amériques. L’or était ensuite chargé
sur des galions en partance pour l’Europe et l’argent étaient directement
envoyé vers la Chine pour couvrir le déficit commercial de l’Empire Espagnol.
Il existe pour le prouver de splendides pièces de poterie Chinoises tout au
long de la côte Ouest de l’Amérique du Sud.
Mais
l’Europe, malgré tout l’argent et l’or qu’elle parvint à découvrir au Nouveau
Monde, ne parvint pas à maintenir ses paiements à jour et, en 1800, la Chine
menait le jeu haut la main. Il va sans dire que la fierté Européenne s’en
trouva bafouée. Ainsi, à court d’argent, l’Angleterre se lança dans une
nouvelle entreprise commerciale : le trafic de drogue. Les célèbres
routes commerciales du thé entre l’Angleterre et la Chine, et entre a Chine
et les Amériques, ne servaient en réalité pas qu’à transporter du thé. Les
navires ne revenaient jamais en Chine les cales vides. Au contraire, les
Chinois se virent peu à peu introduire à l’opium par des Anglais avides de
récupérer leur argent métal.
Au
vu de la menace que la nouvelle drogue faisait peser sur son argent et sur sa
jeunesse, la Chine, furieuse, rendit l’opium illégal dès le début des années
1800, tout d’abord afin de préserver la santé mentale de son peuple, puis de
protéger l’intégrité de ses réserves d’argent métal qui, en 1500, avaient
déjà fait de l’Asie l’acteur majeur de la première économie globale. Mais la
Chine mercantiliste, habituée à favoriser une commerce pacifique et innovant
plutôt que la guerre et les conquêtes, échoua à faire face à la Royal Navy
qui transportait par bateaux à voile puis à vapeur les cargaisons de drogue tant
redoutées vers les ports Chinois.
Voici
ce que l’historien Richard Hooker écrit au sujet des années 1830:
‘Les
Anglais devinrent rapidement la plus importante organisation criminelle du
monde. Seuls très peu des cartels de drogue du XXe siècle ne peuvent
rivaliser, en termes d’étendue et de criminalité, avec l’Angleterre du début
du XIXe siècle. La compagnie East India, chargé d’importer de l’opium en
Inde, fit envoyer des cargaisons de plusieurs tonnes vers Canton (aujourd’hui
Guangzhau) afin de les échanger contre des produits et du thé Chinois. En
conséquence de ce nouveau commerce naquit une nation de toxicomanes, dans
laquelle les opiumeries commencèrent à proliférer dès le début du XIXe
siècle. Le commerce d’opium fut déclaré une activité criminelle dès 1836,
mais les marchands Britanniques parvinrent à payer des pots-de-vin aux
fonctionnaires de Canton afin qu’ils ferment les yeux sur leurs activités
commerciales. L’histoire de la Chine du début du XIXe siècle est l’histoire
d’une tragédie humaine.’
Vous
pouvez si vous le voulez accuser le gouvernement Chinois d’avoir déclenché la
guerre de l’opium. Afin de faire respecter l’interdiction du commerce de
l’opium (ainsi que sa souveraineté), la Chine dépêcha une flotte de jonques
intercepter une cargaison d’opium Britannique à Canton en novembre 1839. Bien
que les jonques n’aient pu résister au feu Britannique, la reine
d’Angleterre, indignée, envoya sur place la Royal Navy afin d’obtenir
vengeance. Deux années durant, la Royal Navy s’en prit à la flotte Chinoise,
avant de finalement l’emporter. (Les Chinois, semble-t-il, n’avaient pas
adopté la pensée de Klausewitz selon laquelle la guerre n’est autre qu’une
extension de la politique. Ils croyaient naïvement que la raison et la
technologie pouvaient l’emporter sur tout le reste).
Humiliée
par cette défaite, la Chine signa d’abord le Traité de Nankin en 1842, suivi
un an plus tard du Traité du Bogue. Ces deux traités stipulaient que les
ports de Guangzhou, Jinmen, Fuzhou, Ningbo, et Shanghai devaient être ouverts
au commerce Britannique de l'opium et à la résidence des marchands
Britanniques. Hong Kong fut également cédée aux Anglais. Flairant une bonne
affaire, la France, la Russie et les Etats-Unis forcèrent la Chine à signer
des traités similaires. C’est ainsi que l’Occident subdivisa l’Empire du
Milieu.
Le
Traité de Nankin, sorte de prototype du traité de Versailles, exigeait
également le scalp de Lin Tse-hsü, commissaire impérial de Canton à l’origine
de la campagne anti-opium de la Chine. Le pauvre homme fut déshonoré et
s’effondra sur son épée. Que Margaret Thatcher ait rendu Hong Kong à la Chine
quelques 150 années plus tard n’avait rien à voir avec un acte de reddition.
Il s’agissait simplement de rendre à la Chine ce qui lui avait été volé, une
décision dont on ne faisait à l’époque que très rarement l’expérience.
Il
fallut environ un siècle à la Chine pour se sortir de sa stupeur née du
commerce de l’opium, avant de subir entre 1930 et 1940 les abominables
attaques Japonaises, puis la sauvagerie des révolutions culturelles de Mao
Zedong, qui contribuèrent à l’élimination de l’élite culturelle et
intellectuelle Chinoise.
Et
nous voici aujourd’hui, 31 ans seulement après la mort de Mao, confrontés à
une nouvelle Chine prospère et vigoureuse enseignant une fois de plus à
l’Occident, comme elle l’a déjà fait durant plus de deux millénaires, les
règles du jeu du commerce. Une fois encore, il semblerait que nous soyons
incapables de retenir la leçon. Il y a quelques semaines, à Vancouver, Anthony
Fell, ancien président de la Banque du Canada et actuel président de RBC
Securities, fit la déclaration suivante au sujet des déséquilibres
commerciaux entre l’Occident - et tout particulièrement les Etats-Unis - et
la Chine :
‘Le
déficit commercial annuel des Etats-Unis, s’élevant aujourd’hui à plus de 750
milliards de dollars – soit 6,3% du PIB – soulève d’importantes inquiétudes.
Il n’est pas prudent pour les Etats-Unis que de dépendre des acheteurs
d’obligations étrangers pour financer sa consommation nationale. Les pays
Asiatiques produisent des marchandises à bas prix qui sont envoyées par
bateau vers les Etats-Unis et échangés contre des dollars grâce auxquels les
Chinois rachètent des obligations Américaines.
On
pourrait dire qu’il s’agit là d’un système Ponzi de très grande échelle. Je
ne pense pas qu’un tel système puisse être viable. Les banques centrales
Asiatiques ne voudront jamais accumuler des dollars Américains aux taux
actuels. Les cercles vertueux desquels tout le monde semble sortir gagnant ne
se terminent généralement pas très bien.
La
fin de l’histoire pourrait s’avérer malheureuse pour certains, mais pas
nécessairement pour tout le monde. A la suite de la défaite de la Chine après
la guerre de l’opium, le responsable Chinois Wei Yuan fit publier en 1850 un
article dans le journal Illustrated Gazatteer of Maritime Countries, déclarant, pour citer une nouvelle
fois Richard Hooker, ‘que les Européens ont, dans leur quête de pouvoir, de
profit et de biens matériels, développé des technologies et des méthodes de
combat toujours plus barbares. La civilisation Chinoise était en danger de
tomber entre les mains des puissances Occidentales et de leur supériorité
technologique. Selon Wei, la Chine est une nation pacifique et civilisée qui
serait capable de renverser l’Ouest si tant est qu’elle apprenait ses
technologies et ses techniques’.
Depuis
mon premier voyage en Chine, des astronautes ont été envoyés dans l’espace et
le pays a propulsé l’un de ces propres satellites dans le ciel.
Voici
un commentaire que l’on entend souvent dans la bouche des gens qui reviennent
de leur premier voyage en Chine : ‘vous feriez mieux d’apprendre à vos
enfants à parler Chinois et à faire la lessive’. Je pense cependant qu’il
existe une alternative à cela. Cette alternative, c’est d’apprendre la langue
de l’argent métal, de l’ancienne monnaie renaissant aujourd’hui en Chine.
Mieux encore, investissez sur une société minière produisant de l’argent,
qu’elle se trouve en Chine ou ailleurs.
Voici donc la
leçon que j’ai pu apprendre lors de mon errance sur les rues pavées de la
route de l’Argent à Lijang. Si vous produisez de l’argent métal, alors vous
ne produisez rien de moins que de l’argent réel. Et lorsque vous êtes en
possession d’argent réel, c’est-à-dire d’argent métal, alors vous avez
compris l’intégralité de la philosophie Chinoise que vous aurez jamais besoin
d’apprendre. Merci de m’avoir lu et bon voyage sur la route de l’Argent.
Par : David
Bond
Editeur : The Silver Valley Mining
Journal
Silverminers.com
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