Des cigarettes ou des urinoirs, comme
le préconisait Lénine ?
Un lecteur
anonyme m’a envoyé ce cours message sur « ce qui est
arrivé au cours de l’or en Russie quand cette dernière
s’est retrouvée en cessation de paiements ». Je pense que cela vaut la peine
d’être partagé .
« J’étais assez
jeune alors et je n’y connaissait rien. Je venais d’avoir 18 ans
quand l’hyperinflation a éclaté.
Tout d’abord, quand vous parlez
de l’URSS vous devez comprendre que nous vivions dans un aquarium de
propagande qui existe au sein du même aquarium de propagande qui existe
aussi de notre point de vue commun aujourd’hui. Ce qui signifie, que
pour nous, à l’époque connaître la vérité
comme l’américain moyen la connait était un
progrès immense et impensable et on pouvait trouver une personne sur
cent (peut-être) qui en savait assez pour réaliser que
l’URSS était tout simplement un gros mensonge. Je ne connais pas
une seule personne qui en savait plus que ça et d’ailleurs personne
qui aurait pu participer à notre discussion actuelle.
L’or. Tout ce que nous savions c’est que les urinoirs seraient en
or quand nous atteindrions la prospérité communiste. Et que
c’était un mensonge que le dollar US était garanti par de
l’or. Rien d’autre. Nous savions que Staline exploitait les mines
d’or et que des mines d’or sont toujours en exploitation mais
nous pensions que c’était pour l’industrie de la
bijouterie. Je ne savais pas que Staline utilisait cet or pour acheter des
matières premières agricoles. Il nous disait que les ces
matières agricoles étaient un cadeau philanthropique des Etats-Unis et que
sans ce don, nous serions tombés face à l’Allemagne. Et
autant que je sache, toute personne honnête adorait les Etats-Unis pour
cette aide magique au pire moment.
A n’importe quel moment -avant et
pendant l’inflation- tout le monde pouvait aller sur le marché
du troc et vendre ses bijoux aux gitans. Cela était mieux que de le
vendre au magasin de bijouterie soviétique “ALMAZ” qui
était le seul autre acheteur d’or. ALMAZ nous donnait un penny
pour un dollar et les gitans deux mais c’était beaucoup plus
risqué car ils utilisaient toutes sortes de trucs.
Pratiquement tout le monde a vendu son or familial, quelque
soit la quantité détenue, pour survivre pendant
l’hyperinflation. Vendu pour rien, et cela surtout en raison
d’une ignorance fort répandue et donc par manque de marques et
aussi en raison d’un contrôle des importations et des prix.
Personnellement, je n’avais pas d’or. Mon père
était un communiste important et ma mère une sténo. Nos
pièces de famille avaient été prises pendant la
révolution en 1917.
Ma mère avait cotisé 18 ans dans mon “fonds
d’études” qui était à la Caisse
d’épargne et elle avait accumulé quelques petits intérêts.
Quand j’ai atteint 18 ans, j’ai pu effectuer un retrait.
C’était mille roubles, suffisamment pour acheter plusieurs
paquets de cigarettes (pas des cartouches) importées. En dépit
des cris de mes parents, je le
fis et je les cachais. Environ une semaine plus tard, la nouvelle se
répandit que les rumeurs de dévaluations étaient
complètement erronées. Le jour suivant, un samedi, le ministre
des finances en personne a rassuré tout le monde à la TV, disant
que tout allait bien et qu’il n’était pas question de
dévaluation, même pas en projet.
L’annonce de la dévaluation a été faite le
dimanche, oui, le jour juste après ça. Soudain, tout
l’argent ne valait plus rien. Il fallait faire une queue interminable
pour échanger un tout petit montant de la vieille monnaie en quelques
nouveaux billets 1 contre 1. Et Et tout le reste a
brûlé.
Après cela, la hausse des prix a véritablement commencé
sérieusement. Je ne savais pas quoi faire de mes cigarettes parce que
les prix augmentaient trop vite.
Alors nous survécûmes comme presque tout le monde en volant les
usines. D’une manière ou d’une autre, tout ce
matériel de très bonne qualité s’est
retrouvé à l’étranger. J’ai revu toutes ces
choses sur des marchés de troc en Turquie quelques années plus
tard. Partout où quelqu’un travaillait, il volait pour vendre ce
qu’il pouvait. Je ne peux pas vous dire qui était de
l’autre côté des transactions parce que je ne me posais
pas ces questions-là.
Quand les prix se sont finalement stabilisés, le pays était
balayé de la plupart de sa fondation industrielle. Et c’est
ainsi que nous avons payé le passé.
Ceux qui venaient d’acheter des maisons étaient capable de
rembourser leurs emprunts très rapidement parce que les prix
augmentaient plus vite que les intérêts qu’ils devaient et
les salaires augmentaient aussi bien qu’à un rythme plus lent,
mais toujours plus vite que les intérêts. Certaines personnes
ont effectué des remboursements qui équivalaient à des
années de paiements normaux grâce à leur dernier salaire.
Mais cela n’a été le cas que pour ceux qui avaient de
hauts revenus. Ceux au bas de l’échelle ont vu les prix de
l’immobilier s’envoler pour toujours.
J’ai vendu mes cigarettes, paquet par paquet, là où il
n’y avait pas de magasins et au clair de lune. Les cigarettes
étaient devenues le dernier réservoir de valeur par excellence.
Aucune autre marchandise n’est aussi adéquate, et elles
n’étaient pas périssables comme le sucre, les pneus ou la
farine que d’autres personnes conservaient.
Je n’ai jamais trouvé d’autres choses autant
demandées, aussi facilement négociées et vendues. Les
cigarettes étaient faciles à échanger en vrac.
J’affirme que les cigarettes sont le meilleur produit pour survivre si
vous savez que l’argent va flamber et si vous savez qu’il est
déjà trop tard pour acheter de la nourriture ou tout autre
meilleur produit. Certaines personnes avaient, littéralement parlant,
des armoires entières de tabac ».
FOFOA
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