L’Athènes
antique, bien que dépendante d’une large classe d’esclaves
est devenue une et possédait quelques unes des caractéristiques
d’un état démocratique moderne. Elle a été
le berceau de la philosophie moderne, de la culture et des systèmes de
gouvernement. Elle a également été un puissant moteur
créatif dans tout le monde méditerranéen antique, qui
embrassait ses changements et ses idées.
Elle
était en contraste frappant avec la civilisation contemporaine, un peu
plus ancienne cela dit, de Sparte. D’une certaine manière, les
deux étaient en quelque sorte les précurseurs de la
confrontation entre le capitalisme moderne et le communisme –une
culture dynamique et créative et, en parallèle, un voisin
austère ayant tendance à favoriser les approches collectives,
les institutions figées et le traitement sévère des individus
contestataires.
Athènes
développait les technologies maritimes et construisait sa richesse sur
le négoce. Son empire, fondé sur un mélange de
coercition et de commerce, s’étendait sur toutes les
régions côtières de l’est de la
Méditerranée et sur le plan militaire, elle était
à la pointe de la technique de ce temps-là, c'est-à-dire
de la puissance navale. Sparte possédait la plus puissante
armée.
Athènes
avait de plus la chance de posséder des mines d’argent
très productives et un gouvernement suffisamment progressiste, capable
de ramener vers le noyau central athénien une partie de ses revenus
annuels extraits sur l’empire – et ceci surtout pour la
défense. Grâce au commerce, aux mines d’argent et aux impôts,
sa richesse devint phénoménale.
Elle
dépensait son argent de deux manières principales. La
première était de se chamailler, ce qui avait tendance à
se terminer par une guerre, notablement avec la Perse et, plus tard, avec
Sparte. Et comme dans la plupart des disputes, il était habituel pour
les deux opposants d’en sortir plus affaibli. Or, comme il existait de
nombreux proto-empires dans la région, le résultat typique de
n’importe quelle querelle de taille était la relégation
des deux combattants à un statut d’empire de seconde classe. Il
est certain que les coûts de guerre et de défense étaient
les postes majeurs et réguliers des dépenses de l’Etat.
La
seconde manière: nous sommes suffisamment chanceux de pouvoir encore
les admirer. Les énormes richesses athéniennes du 5ème
siècle avant notre ère été
dépensées dans la construction des plus grands bâtiments
de l’époque. Il n’existait pas de pression politique en
faveur des systèmes d’aides sociales à cette
époque ou de l’Etat providence et les excédents
budgétaires étaient dépensés dans les projets d’architecture publique.
L’objectif n’était rien de moins que de loger les Dieux
dont les temples et lieux de culte anciens avaient été
détruits par les Perses en 480 avant JC. C’est grâce
à cela que nous pouvons aujourd’hui admirer le Parthénon
et les autres grandes constructions de l’Acropolis.
Elles
n’ont pas été bon marché et, même à
cette époque, leur degré d’extravagance a
déclenché une critique politique considérable.
La
personne qui présidait la reconstruction fut Périclès.
C’était un politicien de seconde génération, le
fils de Xanthippe, lui-même moyennement important.
Périclès était le maître dans l’art de
manipuler les sentiments populaires – ce que l’on appellerait
aujourd’hui une « grande figure de la
communication » et il a vécu au moment où ces
qualités ont pu être utilisées sérieusement pour
la première fois, afin de conduire la jeune démocratie
d’Athènes dans des directions particulières.
Bien
qu’étant lui-même
incapable d’inclure son alliée d’alors, Sparte,
dans ses plans, il a réussi à engendrer un soutien populaire
suffisamment fort parmi ses alliances athéniennes immédiates
pour financer son programme ambitieux de constructions, mais il a du recourir
à la démagogie et même à des exhortations
religieuses pour y parvenir. En effet, il se peut même qu’il ait
opéré avec ce que l’on pourrait considérer comme
un programme de stimulation économique pour Athènes et il a
été accusé par la suite de précisément
ceci par l’une des deux principales sources d’informations
biographiques le concernant. [Plutarque]
De
toute manière, il dépensait l’argent et continuait
à être impliqué dans des disputes militaires
occasionnelles. Il mena une campagne longue et coûteuse pour
récupérer Samos qui avait été une cité
alliée mais s’était révoltée en 440 avant
JC. La campagne fut finalement
victorieuse mais elle fit un tort considérable aux alliances
stratégiques athéniennes, Sparte allant jusqu’à
pousser l’amitié avec Athènes en se gardant
d’intervenir.
La
politique générale de Périclès était une
politique de fermeté couplée à une manipulation adroite
de la position diplomatique pour maintenir Athènes techniquement
parlant dans le droit. Il détecta une guerre latente qui
n’aurait jamais pu avoir lieu si ce n’est en raison de la
pression diplomatique croissante
sur des questions clefs commerciales, en particulier concernant la
région de Mégara, stratégiquement importante pour
l’approvisionnement en nourriture et dont le commerce faisait
l’objet d’un embargo stratégique substantiel de la part
d’Athènes. Après une coercition militaire, la plus grande
partie de Mégara fut placée sous « assistance
défensive » d’Athènes. Cet expansionnisme
transparent ne fut pas vu d’un bon œil par Sparte.
Bien
qu’il considère la guerre comme étant inévitable
bien avant qu’elle n’éclate et bien qu’il ait pris
des dispositions pour la financer, Périclès avait
sous-estimé sa durée et son coût. La guerre du
Péloponnèse a finalement éclaté en 429 avant JC
et a duré 27 ans. Il n’en vit pas grand’chose, mourant la
seconde année d’une épidémie qui décima une
grande partie de la population.
Les
conséquences monétaires de cette guerre se
matérialisèrent lentement car à son début,
Athènes était riche de l’or et l’argent qui
circulaient alors comme monnaie. Ces importantes ressources métalliques
étaient utilisées pour payer les garnisons de soldats en
territoire étranger et leurs achats auprès des populations
étrangères exigeant des monnaies-marchandises plutôt que
la monnaie fiduciaire athénienne qui ne possédait aucune valeur
évidente malgré sa garantie gouvernementale.
En 407
avant JC, la réserve de métal était plus ou moins vide
et la monnaie domestique athénienne dût être
dévaluée –en incorporant des montants significatifs de
cuivre. On lui assigna une valeur nominale bien au-dessus de la valeur du
métal, qui comprenait un modeste montant d’or. Elle fut
dévaluée une autre fois en 405 avant JC et remplacée par
des disques de cuivre surévalués qui circulaient
parallèlement aux pièces plus anciennes d’or et
d’argent, parce qu’à ce stade là, l’Etat
avait toujours la confiance monétaire de la population.
Mais un
an après la dévaluation, la guerre qui avait duré 27 ans
fut finalement perdue. L’incapacité des Athéniens
à régler leurs achats de fournitures aux populations
occupées avec une monnaie acceptée de leur part ou bien
d’offrir un avantage financier à leurs alliés a
contribué à cette issue. Le résultat fut la disparition
totale de la valeur de la monnaie, qui les trois dernières années
était constituée de ronds de cuivre sans aucune valeur et dont
la quantité augmentait de façon croissante, alors que la
véritable monnaie s’épuisait.
Les
Athéniens s’étaient peut-être alors habitués
à utiliser une monnaie fiduciaire. Durant les 50 années qui
suivirent la fin de la guerre du Péloponnèse un Etat assez
stable permit la réapparition des disques de cuivre comme monnaie et
ceux-ci étaient même officiellement convertibles en argent. Ce
fut peut-être la période d’apogée de la culture
grecque antique, la période de Démosthène, Socrate,
Platon et Aristote.
L’effet
probable de ces guerres prolongées fut l’appauvrissement de
l’Etat et après ces 50 années qui suivirent de
prospérité –une période de monnaie fiduciaire mais
néanmoins jouissant d’une certaine confiance- la domination
politique et militaire d’Athènes sur la région prit fin.
Il existait un peuple grossier et « prêt à
l’action » immédiatement au nord, les
Macédoniens, d’ailleurs considéré comme
plutôt arriéré par Athènes à son
apogée, et dont le roi Philippe était politiquement et militairement
astucieux et ayant accès aux mines d’or. Cela lui donnait la
possibilité de payer une armée macédonienne en campagne
et il conquit successivement des enclaves au sud, sur le territoire
athénien, puis les vainquit dans une bataille en 338 avant JC et leur
imposa une paix en des termes assez modérés.
Les
grecs se relevèrent temporairement mais furent finalement assujettis
par le fils de Philippe, Alexandre le Grand, qui poursuivit et conquit avant
sa mort à l’âge de 32 ans la moitié du monde connu
à cette époque-là.
L’héritage
laissé par les énormes succès militaires de Philippe et
Alexandre fut une dette colossale. Leurs réussites impériales
furent de courte durée pour cette raison précise.
La
monnaie athénienne avait entre temps défini un modèle qui
devait se répéter dans d’autres empires futurs :
1. Domination du commerce, influx d’or pour
contrebalancer les exportations, richesse publique, liberté et
confiance débordante ;
2. Découverte de la manipulation de la
monnaie comme expédient pour stimuler une économie arrivant en
stagflation, succès
continu né d’une apogée culturelle et d’une
expansion monétaire persistant pendant des décennies,
3. Effondrement des promesses monétaires
vides, naufrage de l’économie menant à un effondrement
national rapide.
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