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Premiers enseignements d’un sauvetage bâclé

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Paul Jorion.
Published : May 03rd, 2010
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Ce texte est un « article presslib’ » (*)


Sans attendre les deux dernières étapes formelles du sauvetage financier de la Grèce, la réunion des chefs d’Etat et de gouvernements et la décision du FMI, de premiers enseignements peuvent être tirés de cette crise européenne, qui ne fait que commencer.

1. Ce premier épisode à démontré combien les gouvernements et les autorités européennes étaient peu préparés, ainsi que les difficultés extrêmes qu’ils ont rencontré pour réagir. Il n’est pas certain que les uns et les autres en ont même tiré les leçons, rien en effet n’en témoigne aujourd’hui à la lecture des déclarations des uns et des autres.

2. La crise grecque a mis en évidence que la fragilité de la zone euro ne résultait pas uniquement de l’importance de la dette publique, que l’Allemagne a fortement contribué à dramatiser, mais également de la forte interconnexion des banques européennes, qui ont assuré le financement d’une très grande partie de celle-ci grâce aux liquidités de la BCE dans la dernière période. On a constaté que l’effet domino dont on redoutait qu’il intervienne d’un pays à l’autre, résultant de brutales augmentations successives des taux obligataires, a été secondaire par rapport à celui qui a menacé les banques. En tout cas à ce jour. Ce n’est pas pour rien qu’une partie du plan qui a été décidé pour la Grèce va être consacré à aider ses banques.

3. En raison de son importance, 110 milliards d’euros prévus sur trois ans, le plan de sauvetage grec est difficilement reconductible, si d’aventure un second pays de la zone euro devait être à son tour aidé en raison des attaques dont il serait l’objet. Cela a comme conséquence qu’une pression maximum va être mise sur ces pays, afin qu’ils n’y prêtent pas le flan. Une ligne de défense qui est dérisoire si l’on admet que les tensions extrêmes qui sont constatées sur le marché de la dette souveraine ne résultent pas du niveau atteint par la dette publique, mais de l’impérieuse nécessité que les Etats laissent la place aux établissements financiers, afin que ces derniers puissent en priorité se financer, à des taux redevenus beaucoup plus bas. Car tous les marchés obligataires communiquent de ce point de vue entre eux, ce sont les mêmes qui y investissent. Rien, pour l’instant, ne semble avoir été engagé par les gouvernements et autorités européennes afin de mettre au point un nouveau dispositif, qui aurait vocation à être permanent et pourrait être activé très rapidement. Cela les condamne à nouveau aux risques de l’improvisation et aux dérapages.

4. L’Europe va donc vivre désormais avec le syndrome grec. Celui de la répétition au détriment d’ un autre pays de ce qui vient d’arriver à la Grèce, comme celui d’un rebondissement de la crise en Grèce elle-même. Car il est largement reconnu que le plan de sauvetage, ainsi que les conditions draconiennes dont il est assorti, résultent d’un compromis politique qui pèche par son total absence de réalisme. Réaliser 30 milliards d’économie en trois ans dans le contexte d’une économie dont il est reconnu qu’elle va sombrer dans la récession (chute de -4% du PIB prévue dès cette année) n’est pas spécialement plausible, non compte tenu des réactions imprévisibles des Grecs à qui il est demandé de très importants sacrifices.

5. Toute l’Europe résonne déjà d’un même discours, qui monte en puissance, dont les mots clés sont rigueur, austérité et sacrifice. Aux pays de la zone euro va bientôt se joindre le Royaume-Uni, le cap de ses élections du 6 mai passé. Les plans qui sont annoncés – lorsque c’est le cas – ne sont généralement pas encore appliqués et n’ont pas encore produit leur effets : nous n’en sommes qu’au stade des promesses. Contrairement à tant d’autres, celles-ci semblent destinées à être tenues. A quel prix et suscitant quelles réactions ? Colère et résignation sont à cet égard les deux autres mots-clé, sans encore savoir ce qui l’emportera des deux. Pour l’instant, la grogne a l’avantage dans les commentaires, mais….

6. Une dérisoire tentative est actuellement improvisée, visant à faire participer les établissements financiers au plan de sauvetage de la Grèce, initié par le gouvernement allemand. Son caractère symbolique, au mieux, aura du mal à dissimuler que ce sont les fonds publics qui sont à nouveau mis à contribution dans l’urgence, afin de régler une croissance de la dette publique dont la soudaineté peut difficilement être mise au débit de la folie dépensière des Etats en faveur de leurs administrés, sauf à reconnaître qu’elle a pour origine la crise financière elle-même.

7. La position de l’Allemagne va être déterminante pour la suite des événements. Les premières réactions d’Angela Merkel ne sont de ce point de vue pas encourageantes. Elle n’a été capable que de renouveler ses menaces d’instaurer des sanctions pour les pays qui ne respecteraient pas le pacte de stabilité (la règle des plafonds de 3% du PIB pour le déficit et de 60% de celui-ci pour la dette), alors que celle-ci n’est plus respectée par tous les plus grands pays de la zone euro et que rien ne permet de garantir qu’il leur sera possible de le faire dans les années à venir. Cette crispation correspond à une totale absence de vision stratégique, qui n’est d’ailleurs pas le privilège de l’Allemagne.



Billet rédigé par François Leclerc


               

Paul Jorion

pauljorion.com




(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.


Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).





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