J’ai
lu avec beaucoup d’attention l’ouvrage de Paul Jorion Le
prix, et il m’est alors venu une première question :
et si les « marchés », et tout
particulièrement les marchés à terme où se
négocient les prix des matières premières
n’avaient été créés, contrairement à
ce qui peut se dire, non pas pour protéger les producteurs des
« fluctuations », mais bien plutôt pour supprimer
les prix ? Supprimer le prix de l’or, de l’argent, du cuivre, du
fer, du blé, du maïs, etc.
Et
pourquoi supprimer les prix ? Pour briser les reins de l’URSS (à
l’époque), sans doute, mais aussi et surtout pour permettre aux
Américains en particulier et aux Occidentaux en général
de continuer à mener grand train.
Se
posent alors d’autres questions : comment forcer les producteurs
à accepter ce marché de dupes ? Les producteurs
étaient-ils crédules ? Et comment fonctionnent les
« marchés », au delà de ce principe,
« supprimer les prix » ? Comment y sont-ils parvenus ?
Prenons
l’exemple de l’or et de l’argent, qui sont des
métaux précieux et pour lesquels il y a (ou il y avait !)
historiquement des stocks colossaux en regard desquels la production annuelle
est peu de chose. On peut manipuler les prix à la baisse, mais sur ces
marchés, le principe – jusqu’à tout
récemment en tout cas – était que les acheteurs peuvent
choisir indifféremment de se faire livrer leur or ou de
déboucler leurs positions. Aujourd’hui, « on »
sait ce qu’il en est : les banques centrales occidentales ont vendu ou
« prêté » leur or en toute
discrétion pour alimenter le marché… Ce qui fera la
fortune de tous ceux qui se sont portés
acquéreurs de cet or ou de cet argent une fois qu’il sera devenu
impossible de continuer à alimenter le marché.
Le
raisonnement peut être aisément transposé au cuivre ou au
blé : pour maintenir les prix à un niveau artificiellement bas,
il fallait être en mesure d’alimenter le marché en
abondance. Et pour ce faire, rien de tel que de placer les producteurs dans
une situation de surendettement chronique, que ce soient les agriculteurs
pour le blé ou carrément des États tels que le Chili
pour le cuivre. Car enfin, quel gouvernement sain d’esprit liquiderait
ses ressources minières à un rythme aussi effréné
quand il pourrait se contenter de produire moins, donc de sauvegarder ses
ressources naturelles, mais en vendant à un prix plus
élevé ?
De
manière subsidiaire, on pourra ajouter que la tendance
« naturelle » des marchés à sous-estimer
les prix, telle qu’exposée dans l’ouvrage de Paul Jorion, n’a pas spécialement aidé les
producteurs… Les contraignant à produire davantage pour
s’assurer un minimum de recettes. Et donc à alimenter les
marchés en abondance, permettant ainsi à la fois de satisfaire
la demande et de maintenir les prix bas… La boucle ne serait-elle pas
bouclée ?
Dernière
remarque, un effet pervers particulièrement redoutable pour le monde
occidental a été qu’en supprimant le prix des
matières premières, le prix de la main d’œuvre est
devenu LE facteur discriminant dans la « construction »
du prix des produits finis. Dès lors, le mécanisme des
délocalisations en masse était forcément inéluctable.
Billet
rédigé par David Cayla
Paul Jorion
(*) Un « article presslib’
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le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’
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