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Quelques points d'histoire
monétaire du XXème siècle.
Il y a vingt ans, la monnaie « euro » n'existait pas ;
il y a quarante ans, la monnaie des Etats-Unis d'Amérique – le
dollar – allait être déclarée inconvertible en or
– le 15 août 1971 - ;
il y a soixante ans, toutes les monnaies du monde occidental étaient
inconvertibles en or à l'exception du dollar –
prétendument à cause de la guerre de 1939-45 ;
il y a quatre-vingt ans, toutes les monnaies de ce même monde allaient
être successivement déclarées inconvertibles en or
intérieurement ;
il y a cent ans enfin, 1911, ces mêmes monnaies étaient
librement convertibles en or et en argent, des pièces d'or et d'argent
circulaient d'ailleurs, étaient échangées par nos
parents ;
le franc, aujourd'hui disparu, nom de la monnaie de la France, mais aussi des
pays de l' « Union monétaire latine » convenue
en 1865 – Italie, Grèce, Suisse, Belgique, Luxembourg -,
était défini à la fois par la pièce de 5 grammes
d'argent et par 322 milligrammes d'or.
2. Pourquoi tous ces
changements ?
Il ne semble pas excessif de dire qu’aucun siècle
antérieur n’avait connu un tel bouleversement monétaire
depuis, bien évidemment, ceux où la monnaie avait
émergé, ici ou là dans le monde, sous une certaine
forme, sans en avoir le nom.
Autant alors, si l’on en croit les historiens, les hommes de
l’Etat n’avaient joué aucun rôle dans le
phénomène, autant cette fois, leur patte a été
déterminante.
Tous ces changements dont le coffre a été le XXème
siècle résultent en effet de décisions politiques prises
nationalement et d’accords intergouvernementaux convenus
internationalement.
Les uns et les autres ont été concoctés, sinon en toute
ignorance de la science de la monnaie – en état de fort
développement depuis le début du siècle (cf. ci-dessous)
-, au moins en une méconnaissance certaine de celle-ci.
Cette méconnaissance politique a fait, par exemple, que la monnaie de
l'Angleterre - la livre sterling - déclarée inconvertible en or
à cause de la guerre de 1914-18, a été
déclarée à nouveau convertible en or en 1925, mais aux
conditions d'avant 1914, en dépit des bouleversements qui venaient de
se produire. Une connaissance minime de la science de la monnaie eût
évité une telle absurdité.
Pour sa part, le franc, lui aussi déclaré inconvertible en or
pour la même raison, est redevenu officiellement convertible en or en
1928, mais à un prix en or divisé par cinq, i.e.
dévalué de 80% (soit 1 FF=64,5mg d'or).
Comparée à la décision anglaise, cette décision
témoigne, au contraire, d’une connaissance certaine de la
science de la monnaie.
Quant au dollar resté convertible pendant la guerre, il a
été déclaré inconvertible en or en 1933,
dévalué de 59% en 1934 (désormais, une once d'or, i.e.
31,1 mg = 35$) pour redevenir officiellement convertible, mais seulement
extérieurement.
De plus, détenir de l’or a été interdit aux
particuliers.
Autant la dévaluation témoigne d’une connaissance de la
science de la monnaie, autant l’interdiction, sans aucun fondement,
tend à se moquer de l’économie politique.
Et le dollar est donc resté convertible extérieurement au prix
de 35$ l’once jusqu'au 15 août 1971, contre vents politiques
divers et surtout marées dirigistes, bref en dépit des
bouleversements observables qui suivirent.
Mais il ne l'est pas resté au-delà malgré, en
particulier, d'une part, la création en 1944 d'un organisme
monétaire international d'aide aux respects des accords nouvellement
conclus alors, à savoir le Fonds monétaire international
(F.M.I.), et, d'autre part, la création à la fin de la
décennie 1960 d'un nouveau type de monnaie, privilège du
F.M.I., à savoir les droits de tirages spéciaux (D.T.S.),
créations l'une et l'autre discutées par les économistes
et très discutables.
Soit dit en passant, le F.M.I. et le D.T.S. ont, eux, curieusement,
survécu au 15 août 1971 quoique leur fondement juridique
eût disparu ce jour-là et qu’au moins, le F.M.I. se
trouvât démuni de mission.
A qui le « crime » profite-t-il ?
Un élément de réponse : les organismes de ce type
ont en général un personnel qui ne paie pas d’impôt
sur le revenu et qui doit cotiser à un régime
« maison » de retraite par capitalisation...
Force est de reconnaître qu'il s'en trouvera...
La création à la fin de la décennie 1990 de l'euro a
été elle aussi discutée par les économistes et
elle est tout autant très discutable.
3. La science de la
monnaie.
Dans le même temps, la science de la monnaie est sortie de
l’état de sous-développement où elle stagnait les
siècles précédents.
Elle s’est ainsi certes libérée de certaines de ses
entraves, mais elle ne s’est pas véritablement affranchie de la
rhétorique qui verrouillait son progrès rapide.
Deux livres fondamentaux ont été publiés à son
sujet, l’un en anglais en 1911, l’autre en allemand en 1912.
Le premier
s‘intitule Purchasing
Power of Money, its Determination and Relation to Credit, Interest and Crises, Irving Fisher, son auteur,
est américain.
Il sera traduit en
français seulement en 1945.
Le livre de Jacques Rueff intitulé Théorie
des phénomènes monétaires, publié en
1927 s’en inspire et donne des vérifications empiriques de
certaines de ses propositions. Il sera traduit, lui, en anglais dans la
foulée de sa publication.
Le second ouvrage s’intitule Theorie
des Geldes und der Umlaufsmittel , Ludwig von Mises, son auteur,
est autrichien.
Il sera traduit en anglais en 1934 et publié avec une préface
de Lionel Robbins, économiste anglais, « bête noire
de J.M. Keynes », sous le titre Theory of Money and
Credit, puis en 1952 avec, en particulier, une préface
de l’auteur qui commence ainsi - ma traduction - :
“Quarante ans se sont écoulés depuis qu'a
été publiée la première édition en langue
allemande de cet ouvrage.
Au cours de ces quatre décennies, le monde a connu de nombreux
désastres et catastrophes. Les politiques qui ont provoqué ces
événements malheureux ont également affecté les
systèmes monétaires des nations
La monnaie sonnante et trébuchante a fait place progressivement
à de la monnaie fiduciaire qui se dépréciait. Tous les
pays sont aujourd'hui contrarié par l'inflation et menacé par
la sombre perspective d'un effondrement complet de leurs monnaies
respectives. »
Le livre n’a pas été traduit en français
jusqu’à présent … officiellement – pas
d’édition française -.
Il l’a été officieusement - et heureusement - en 1996 par
Hervé Dequengo .
3.A. Controverses à
propos de la monnaie.
L'intérêt porté à la monnaie a toujours
été l'objet de controverses chez les économistes.
Convenons que ce n’est pas le seul domaine, qu’il y en a de
nombreux et qu'il en est ainsi dans toutes les sciences.
Mais que l’ouvrage de Mises n’ait jamais été
traduit en français – officiellement – témoigne
d'un autre phénomène.
Il est exemplaire d’une position extrémiste qui n’a pas
cessé de s’épanouir en France.
Certains, en grand nombre, marxistes ou autres, en France mais aussi
ailleurs, sont même parvenus à teinter cet intérêt
pour la monnaie de couleurs politiques à leurs yeux repoussantes,
voire à faire déconsidérer les économistes qui
s'y spécialisaient – pour ne citer que deux économistes,
les cas de Jacques Rueff et Milton Friedman méritent
d’être signalés -.
3.B. Oriflamme des
débats : la politique de la monnaie ou, si on préfère,
la politique monétaire.
La politique monétaire a été une considération
nouvelle de l'économie politique du XXème siècle pour
autant qu'elle va bien au-delà de la simple réglementation des
formes de la monnaie ou du taux d'escompte de la banque centrale, comme cela
pouvait être le cas au début du siècle.
Soit dit en passant, de ce point de vue, certains limitent la monnaie
à être un bien et considèrent que la monnaie n'est pas un
bien comme un autre...
La politique monétaire en question va reposer, d'une part, sur
l'abandon de l'équation des échanges d'Irving Fisher
présentée dans son livre intitulé Purchasing Power of Money
et, d'autre part, sur l'émergence dans la décennie 1930 puis
sur la pérennité de la macroéconomie ou, si on
préfère, de la théorie de l'équilibre
monétaire ou bien de la théorie
« revenu-dépense ».
4. La
méconnaissance des hommes de l’Etat dans le domaine de la
monnaie.
Que dire de la méconnaissance des hommes de l’Etat dans le
domaine de la monnaie ?
A-t-elle évolué, elle aussi de conserve avec la science de la
monnaie ?
Je me contenterai de répondre à ces deux questions
d’abord qu’elle explique, en partie, les décisions prises
depuis le lendemain de la guerre de 1939-45 et à quoi beaucoup
d’économistes se sont opposés à cause des effets
à quoi la théorie monétaire les faisait s’attendre
et qui, il faut le reconnaître, se sont réalisés.
Emblématique est le livre de Jacques Rueff intitulé Le péché
monétaire de l’Occident publié par les
éditions Plon en 1971, il y a donc quarante ans exactement.
Et ce n’est pas fini, certains effets sont encore en suspens ou, si on
préfère, dans les tuyaux...
Ensuite, j’en veux pour preuves de son état aujourd’hui
les arguments que les hommes de l’Etat ont tenu et tiennent à
propos de la « construction bureaucratique »
qu’est la monnaie « euro », pour ne pas
dénommer l’euro « néant habillé en
monnaie » et reprendre ainsi la dénomination qu’au
début de la décennie 1970, Jacques Rueff avait donnée
aux D.T.S., donc à la date de leurs créations.
Monnaie et budget de
l'Etat.
Plus exemplaire peut-être que les autres, l’un d’eux fixe
l’attention, implicitement ou non, sur un lien économique qui
existerait entre la monnaie « euro » et les
déficits budgétaires de la plupart des Etats des pays membres
de la zone « euro ».
Seulement, ce lien est contre nature car la monnaie n’a strictement
rien à voir avec le budget d’un Etat. Qu’on le veuille ou
non, la monnaie et la situation budgétaire d’un Etat font deux,
l’euro et la situation budgétaire des Etats des pays de
l’euro font deux.
La monnaie est une réalité séculaire, le budget d'un
Etat n'est qu'un voeu pieux périodique qui certes se réalise
périodiquement. Il ne saurait y avoir un lien entre une
réalité et un voeu pieux.
L’argument au terme de quoi il existerait un lien entre la monnaie
« euro » et les déficits budgétaires de
la plupart des Etats des pays membres de la zone « euro »
témoigne soit d’une méconnaissance de la science de la
monnaie, soit d’un artifice rhétorique pervers pour tenter de
faire aboutir un « non-dit » qu'ils souhaitent.
5. La
réalité de la monnaie
En dépit de toutes les avanies qui lui ont été infligées
au XXème siècle, la monnaie reste aujourd'hui ce qui a
contribué à diminuer le coût de l’action
d’échange de vous et moi, elle reste un pouvoir d’achat
généralisé.
Son seul drame est qu’elle n’a pas réduit le coût de
l'échange jusqu’à présent à zéro. Mais
c’est en bonne voie depuis l’émergence de
l’ère numérique et de la monnaie électronique.
Conséquence en attendant, les ignares n'hésitent pas à
la charger de tous les péchés du monde économique,
façon rhétorique qu'ils ont de montrer involontairement qu'ils
n'ont pas cerné le concept de « réduction de
coût de l'échange », fer de lance de la monnaie.
Et cette charge va de pair avec le remède magique qu'ils conseillent
pour la faire disparaître, à savoir une réglementation
supplémentaire.
Autre façon de s'exprimer, certains malfaisants en profitent pour
attribuer à la monnaie, implicitement, toujours en termes
rhétoriques, le « coût résiduel de
l’échange », concept dont ils n’ont pas la
moindre idée.
Soit dit en passant, ces derniers temps – depuis une vingtaine
d’années en fait -, comme acculés dans leur impasse
théorique, certains en viennent à exhumer de l’article
majeur de John Hicks (1935) intitulé « A Suggestion for
Simplifying the Theory of Money» le mot rhétorique
« frictions ».
"“Of
course, the great evaders would not have denied that there must be some
explanation of the fact.
But they would have put it down to " frictions," and since there
was no adequate place for frictions in the rest of their economic theory, a
theory of money based on frictions did not seem to them a promising field for
economic analysis.
This is where I disagree. I think we have to look the frictions in the face,
and see if they are really so refractory after all.
This will, of course, mean that we cannot allow them to go to sleep under so
vague a title.
The most obvious sort of friction, and undoubtedly one of the most important,
is the cost of transferring assets from one form to another. This is of
exactly the same character as the cost of transfer which acts as a certain
impediment to change in all parts of the economic system; it doubtless
comprises subjective elements as well as elements directly priced.
Thus a person is deterred from investing money for short periods, partly
because of brokerage charges and stamp duties, partly because it is not worth
the bother.”
Quand on a introduit
explicitement dans ses hypothèses le concept d’"action
d’échange" et son corollaire, le concept de
"coût d’opportunité de l’échange",
concepts autour de quoi tournait Hicks à l’époque
étant donnée sa connaissance des économistes
autrichiens, le mot « friction » est pour le moins
dérisoire.
Et les malfaisants proposent des moyens qui, selon eux, réduiront, les
« maladies » de la monnaie ». Tous ne sont
que des succédanés de la réglementation.
En fait, tels Ariane, ils déroulent un fil, le fil directeur des
changements monétaires du XXème siècle , mais
contrairement à Ariane, loin d’être dans un labyrinthe
comparable - où ils pensent être - et dont le suivi du fil peut
donc les faire sortir, le fil étend chaque jour un peu plus les
dimensions du labyrinthe.
6. L'illusion le la
réalité du budget étatique.
Qu’on le veuille ou non, un budget étatique n'a aucune
réalité tant qu'il n'est pas mis en oeuvre par les hommes de
l'Etat, tant que la première des dépenses n’a pas
été engagée ou que le premier euro, dollar, livre, etc.
bref, la première unité de monnaie d’impôts
n’a pas été recouverte.
En plus d’être fallacieux, mettre en relation
d’emblée, sans réserve, le budget de l’Etat avec la
monnaie donne l’illusion qu’il a une réalité.
7. Le
« non-dit » actuel.
Hier , il n’y avait pas de « non-dit »,
l’objectif était clair : il était même
affiché par certains sous la forme d’un argument de Rueff,
à savoir « l’Europe se fera par la monnaie ou ne se
fera pas ».
Mais l’argument était dénaturé à
l’exemple de ce qu’a écrit Philippe Seguin dans un article
du Figaro du 7
février 1996 intitulé "La légende du franc est-elle
noire ou dorée?" et dont le sous titre est "La monnaie
européenne sera politique ou ne sera pas".
Il ne fallait pas comprendre que la monnaie européenne était un
préalable, voire un tremplin vers un état européen.
Ce que disait Rueff était tout autre, à savoir : pour que
l’Europe puisse exister, il faut que les hommes de l’Etat ne
jouent pas avec la monnaie, n’aient pas recours à
l’inflation et que leurs actions ne nuisent pas à la
stabilité des prix.
Au lendemain des réponses négatives de certains peuples (en
France et en Hollande) aux référendums tenus à la mi
décennie 2000 sur le traité constitutionnel, base juridique
d’un futur Etat européen, les politiques ont remisé
l’idée d’un tel Etat.
En fait, ils lui ont substitué un « non-dit »,
le « non-dit » actuel… Quel est-il ? En
voici trois éléments.
7.A. De nouveaux engagements.
Un fait est certain : les hommes de l’Etat des Etats des
« pays de l’euro » n’ont pas
respecté les engagements budgétaires dont ils étaient
convenus dans la décennie 1990 et qu’ils avaient
présentés en long et en large aux peuples, en insistant sur leur
importance. Et, presque à tour de rôle, leurs pays respectifs
sont devenus boucs émissaires des autres.
Hier, mi décennie 2000, ce furent les cas de la France et de
l’Allemagne et cela conduisit à une réforme du
« pacte de stabilité et de croissance ».
Aujourd’hui, ce sont les cas du Portugal, de l’Irlande, de la
Grèce et de l’Espagne et cela a déjà conduit
à la création d’un fonds monétaire d’aide
dénommé « facilité européenne de
stabilité financière » et à un
… « pacte de compétitivité
».
Soit dit en passant, les Anglais - dont le pays ne fait pas partie de la zone
« euro » - font de l’humour sur ces pays en
retenant leurs initiales en anglais et en formant le mot P.I.G..S.
(« cochons » en français) pour les
désigner. En vérité, le mot est susceptible de
diverses interprétations qui seront laissées de
côté.
Et demain ? Tout est possible.
7.B. Le dilemme de la
Banque centrale européenne.
En pratique, les Etats à budget déficitaire peuvent emprunter,
chacun, sur le marché financier, mais à des taux
d’intérêt à long terme différents, fonctions
de divers éléments qui leur sont propres et qui
intéressent le marché financier (au nombre de quoi leur
notation par les firmes du même nom…).
Pour sa part, la Banque centrale européenne (B.C.E.) a la
capacité de fixer les taux d’intérêt à
– très – court terme qui s’avèrent être
les mêmes pour tous les Etats qui font le choix de s’y adresser.
Statutairement indépendante des Etats des pays membres de la zone
euro, la B.C.E. a néanmoins un conseil de gouverneurs qui sont
nommés par consensus politique. Cherchez l’erreur…
La B.C.E. est donc face au dilemme suivant : financer, ou non, à
– très – court terme les déficits des budgets des
Etats qui le lui demandent, à commencer par ceux des pays dans
lesquels le marché financier a de moins en moins confiance ou, si on
préfère, qui empruntent à des taux
d’intérêt à long terme de plus en plus
élevé (cf. annexe ci-dessous).
En termes comptables, le financement en question ne peut qu’aller de
pair avec une création monétaire, i.e. avec une inflation comme
on aurait dit au XIXème siècle.
En conséquence économique, toutes choses égales par
ailleurs, il y aura d’abord des « bulles de
prix » ici ou là, puis une augmentation
généralisée des prix, ce qui est en contradiction avec
l’objectif statutaire de la mission de la B.C.E. qui est la
stabilité des prix en euro.
Ce dilemme de la B.C.E. n’a donc rien à voir avec un quelconque
lien économique sui
generis entre la monnaie et le budget d’un Etat. Par
exemple, il ne saurait être considéré comme une
conséquence d’un tel lien.
C’est un fait d’ordre moral, juridique, à quoi est
confronté le conseil des gouverneurs de la B.C.E. et qui revient
à dire : « nous sommes honnêtes ou non, nous
respectons nos engagements ou non, bref, nous sommes responsables ou
non ».
S’ils choisissent d’être responsables, ils ne financent pas
le déficit, ils ne prêtent pas.
Quid du lien
entre la monnaie et le budget de l’Etat ?
Force est de reconnaître qu’il n’y a en a pas. En effet, la
monnaie reste ce qu’elle est et l’Etat en question doit frapper
à une autre porte ou modifier son budget, ses dépenses ou sa
fiscalité.
S’ils choisissent de ne pas être responsables, - ce qu’en
définitive, ils sont institutionnellement -, ils financent le
déficit et prêtent de la monnaie « euro ».
Dans ce cas, effectivement, leur choix va avoir des effets économiques
au nombre de quoi l’un d’eux se fera sentir sur le budget de
l’Etat, il devient réalité, et un autre sur la monnaie,
la quantité de monnaie augmente.
Mais ces effets procèdent du choix irresponsable, ils ont l’un
et l’autre pour cause ce choix de la B.C.E. : mais l’un des deux
effets signalés n’est pas la cause de l’autre
L’idée qu’il y a un lien économique entre le budget
de l’Etat et la monnaie laisse à penser le contraire : la
variation de la quantité de monnaie serait la cause du déficit du
budget ou l'inverse, le déficit du budget celle de la variation de la
quantité de monnaie.
A sa façon, la monnaie est un « juge de paix »
sociale alors que le déficit du budget d’un Etat est le ferment
de la guerre et de l’esclavage.
7.C. Le dilemme des
peuples.
Pour les peuples des pays de la zone euro, un dilemme se pose aussi, en des
termes différents, mais personne n’en parle.
Il est le suivant : ou bien accepter que les Etats
« s’entraident »– de fait procédent
à des transferts « sur leur dos » – comme
le conseillent certains hommes de l'Etat, ou bien le refuser et
s’exposer alors à ce que la B.C.E. se résolve à
abandonner son objectif statutaire et donc à ce qu’ils
supportent l’impôt d’inflation – autre forme
destructrice de transfert -, pour ne pas parler du déficit de la
balance des paiements de la zone euro et de la baisse du prix de l’euro
dans les monnaies étrangères qui s’ensuivront
nécessairement.
8. « Faites
vos jeux » : "Etat européen" ou pas
"Etat européen" ?
Les hommes de l'Etat n’ont pas respecté les engagements sur
leurs budgets dont ils étaient convenus hier, pourquoi
respecteraient-ils davantage ceux pris en matière de monnaie ?
Les macro économistes aiment à avancer que les effets
économiques d’une politique budgétaire sont plus rapides
à se faire sentir que ceux d’une politique monétaire.
Voilà avec ce non respect des règles budgétaires par les
hommes de l'Etat, un nouvel exemple du phénomène - si le non
respect des règles monétaires devient effectif -, quoique
d’un autre ordre…
Apparemment, les peuples n’ont pas mis le doigt, jusqu’à
présent, sur le dilemme à quoi ils sont confrontés.
Pour leur part, les hommes de l’Etat n’ont pas pris soin de les
informer de la situation, véritable « épée de
Damoclès ».
Et pour cause…
A soi seule, l’ « entraide » des Etats des pays
de l’euro que certains voient d’un bon œil est en
définitive une forme déguisée et provisoirement
atténuée d’un Etat, de l'Etat européen dont le projet a été refusé
jusqu'à présent par le vote des peuples.
En d’autres termes, tout se passe comme si certains
s'efforçaient à ce que ce dernier, qui n’a pas pu entrer
par la « grande porte » ou, si on
préfère, avait été sorti par le vote des peuples,
tentait d'entrer par une « porte
dérobée » ou par la fenêtre. La
voilà…, c’est la porte ou la fenêtre de
l’« entraide », i.e. la porte ou la fenêtre
de la bonne vieille redistribution qui suscite envie, jalousie et destruction de toutes sortes, celle qui
suscite à terme guerre ou esclavage.
D’où viendra la lumière ?
Annexe.
La Banque Centrale Européenne déclare ne pas avoir
acheté d'obligations publiques de la zone euro sur le marché secondaire
la semaine dernière.
Elle en avait acheté € 369M il y a quinze jours.
Certes, la B.C.E. va continuer d'aider les pays en
difficulté, qui vont en avoir bien besoin cette semaine avec la
Grèce mise sous pression et le Portugal malmené.
Mais les € 77,5Mds d'obligations d'Etats de la zone euro,
achetés depuis le printemps dernier au début de la crise
grecque, commencent à peser lourd dans la besace de l'institution
dirigée par Jean-Claude Trichet.
Et cette dernière aimerait bien voir les Etats réagir d'une
part et le F.E.S.F. l'épauler d'autre part.
Car ce montant représentant plus de 16% du total des obligations
grecques, portugaises et irlandaises en circulation, commence a
sérieusement alourdir le bilan de la banque centrale et à
réduire ses marges de manoeuvre.
Il est surtout contraire à la direction qu'elle semble vouloir prendre
: à savoir un resserrement monétaire.
En effet, il est presque acquis maintenant que la B.C.E. relèvera son
principal taux directeur, fixé à 1%
depuis 2 ans, en avril lors de la prochaine réunion des gouverneurs.
C'est du moins ce qu'a laissé entendre Jean-Claude Trichet lors de son
discours.
C'est pourquoi, selon l'hebdomadaire allemand Spiegel, la B.C.E. fait actuellement pression
sur les gouvernements de la zone euro pour que le F.E.S.F. reprenne les
€ 77Mds d’obligations publiques qu’elle a
rachetées... principalement des obligations grecques, irlandaises et
portugaises.
Jean-Claude Trichet tiendrait tout particulièrement à ce que
cela soit ainsi, mais se « se heurte à un mur dans les
gouvernements des pays membres » selon le quotidien allemand.
La B.C.E. tient à passer le relais afin de se libérer de cette
tâche qui sort largement du cadre de sa mission de stabilité des
prix.
Le F.E.S.F. qui deviendra un fonds d'aide permanent à partir de 2013
semble donc tout indiqué pour reprendre se portefeuille ... explosif.
Mais la partie n'est pas gagnée pour la B.C.E., en effet, nombre de
pays membres de la zone euro sont contre, dont l’Allemagne où
députés de la majorité et économistes font
campagne contre !
Elle l'est d'autant moins qu'en Irlande, le peuple a changé par le
vote de majorité, ce dernier week-end
En balayant le Fianna Fáil au pouvoir, les électeurs irlandais
ont sanctionné les responsables de la faillite du pays.
Désormais, le parti Fine Gael (centre droit) et le Labour (centre
gauche) vont gouverner ensemble.
Bien que pro-européen convaincu, Enda Kenny, président du Fine
Gael et futur Premier ministre, va demander à l'UE la
renégociation du prêt qui a renfloué Dublin.
Il entend non seulement en faire baisser le taux d'intérêt, mais
aussi exiger que les créanciers renoncent à une partie de leur
ardoise. Cela promet une discussion serrée avec Angela Merkel, qui ne
veut pas en entendre parler.
A moins que l'Eire ne se résigne à augmenter l'impôt sur
les sociétés, concession que le leader du Fine Gael a
juré de refuser... «Au vu des attentes du public et de l'ampleur
de la tâche, il est difficile de dire si l'on est heureux ou triste
pour Enda Kenny», écrit l'éditorialiste de l'Irish Times.
Pour l'instant, une chose est certaine (cf. cet article)...
Georges
Lane
Principes de science économique
Georges Lane
enseigne l’économie à l’Université de
Paris-Dauphine. Il a collaboré avec Jacques Rueff, est un membre du
séminaire J. B. Say que dirige Pascal Salin, et figure parmi
les très rares intellectuels libéraux authentiques en France.
Publié avec
l’aimable autorisation de Georges Lane. Tous droits
réservés par l’auteur
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