Y aurait-il un lien entre les
libertés humaines et une monnaie échangeable contre de
l’or ? A première vue, il semblerait que la monnaie appartienne
au monde économique, alors que les libertés humaines
relèvent plus de la sphère politique.
Mais
souvenons-nous tout de même que l’une des premières
actions entreprises par Lénine, Mussolini et Hitler fut
l’interdiction de possession d’or. Il y aurait donc bien une
connexion entre une monnaie échangeable contre de l’or et les
libertés individuelles.
Lénine
a su mettre en place et démontrer un processus sans faille afin de
détruire l’ordre social existant et d’instaurer le
communisme : l’impression de monnaie papier. Vous êtes
sûrement impressionné par la possibilité d’une
relation entre une monnaie échangeable contre de l’or et les
libertés humaines. Dans ce cas, vous et moi devrions certainement nous
pencher sur cette réalité, bien que la question de la monnaie
puisse à première vue sembler difficile à aborder. Je
suppose que si un certain nombre de personnes se voyaient interrogées
quant à leur opinion sur la monnaie, ce qu’ils en diraient le
plus souvent serait sûrement qu’ils n’en possèdent pas
assez.
Dans
un pays libre, l’unité monétaire est
représentée par une unité fixe d’or, ou d’or
et d’argent, indépendante de toute intervention politique. Le
dollar que nous connaissons aujourd’hui était une monnaie comme
celle-ci avant 1933. Sous un tel système, une devise papier peut
être échangée contre une certaine quantité
d’or selon le bon vouloir de son propriétaire.
Le
droit de rédemption, facteur de stabilité
La
rédemption représente pour la monnaie un facteur de
stabilité. Le propriétaire de toute devise échangeable
contre de l’or est économiquement indépendant. Il a la
possibilité de se déplacer librement, dans son propre pays ou
au-delà, dans la mesure où son or est accepté
universellement.
Par
exemple, je tiens en ce moment dans ma main une pièce d’or ayant
une valeur nominale de 20 dollars. Avant 1933, si vous possédiez de la
monnaie papier, vous pouviez l’échanger contre une pièce
d’or. Cette pièce d’or avait une valeur définie et
reconnue tout autour de la planète. Dans la plupart des pays du monde,
cette pièce d’or, possédée en quantités
suffisantes, pouvait vous apporter quelque indépendance. Mais
aujourd’hui, l’usage de telles pièces d’or en tant
que monnaie, que ce soit aux Etats-Unis ou encore en Russie, est hors-la-loi.
L’existence
même d’une monnaie pouvant être
dépréciée est la raison principale pour laquelle des
dictateurs tels que Staline et Hitler ont pu prendre le pouvoir. En Russie,
il y a quelques mois, le peuple se voyait à nouveau échanger
ses roubles contre une nouvelle monnaie – à hauteur de 10 anciennes roubles pour un nouveau rouble.
J’ai
avec moi un petit sac d’une nouvelle monnaie chinoise, techniquement
appelée monnaie fiduciaire dans la mesure où sa valeur est
fixée de manière arbitraire par les autorités. La valeur
nominale de cette quantité de monnaie est très
élevée. Ce petit paquet contient 680.000 dollars CNC, et
m’a coûté 5 dollars US à l’achat. Je crois
également comprendre que je me suis fait arnaquer lors de la
transaction. J’aurai normalement dû obtenir 2,5 millions de
dollars CNC si j’étais passé par une transaction sur le
marché noir. Cette monnaie chinoise donne à l’individu
qui la possède une absence d’indépendance,
puisqu’elle n’a aucune valeur de rédemption.
Si
sa monnaie n’est pas échangeable contre de l’or, tout
citoyen se voit privé de sa liberté de mouvement. Il ne pourra
exporter son pouvoir d’achat dans le futur. Il devient dépendant
du bon vouloir de ses politiciens pour son pain quotidien. A moins qu’il
ne vive dans un pays qui le soutienne financièrement, sa
liberté n’est que purement imaginaire.
Vous
avez sûrement entendu de multiples discours politiques justifier de
l’inflation. En réalité, ces oratoires ne sont que des
moyens pour les partis politiques de nettoyer leur plancher en envoyant
valser le problème de l’inflation sur le palier de leurs partis
voisins. Tous nos hommes politiques annoncent régulièrement
leur intention de mettre fin à l’inflation. Je crois fermement
que ceci ne sera que mensonge jusqu’à ce que soit
installé un étalon or.
Tous
les systèmes de papier monnaie finissent par s’effondrer
Commençons
tout d’abord par débroussailler les plates-bandes. Je ne
prendrai pas ici le temps de faire un historique complet de l’histoire
du papier monnaie. Aussi loin que je puisse les étudier, il semble que
toutes les monnaies fiduciaires ont toujours fini par disparaître dans
une atmosphère de chaos.
Quelqu’un
pourrait ressentir ici le besoin de m’interrompre pour me demander si
nous ne sommes pas aujourd’hui sous un système monétaire
basé sur l’étalon or. Ceci est internationalement vrai.
Bien qu’il y ait beaucoup d’or conservé à la Fort
Knox, cet or n’est pas sujet à la demande des citoyens
Américains. Il pourrait se voir transporté dans sa
totalité hors du pays sans qu’aucun citoyen n’ait son mot
à dire sur le sujet. Bien qu’une telle situation paraisse
très improbable dans un futur proche, elle n’en est pas moins
impossible. Cet or est théoriquement présent afin de
sécuriser la monnaie papier du pays auquel il appartient.
Depuis
1930-1946, le gouvernement des Etats-Unis est chaque année
tombé financièrement dans le rouge, augmentant de plus en plus
sa dette. De nombreux projets ont été proposés dans le
but de contrer cette spirale de la dette. L’un d’entre eux fut
basé sur le fait qu’un montant fixe de revenus issus de
l’imposition aille chaque année combler la dette. Un autre fut
que le Congrès se voit interdire l’autorisation de budgets trop
importants en temps de paix.
Ces
propositions semblent fondées, mais sont irréalisables sous
notre système de monnaie fiduciaire. Elles ne supporteraient pas les
pressions dépensières d’aujourd’hui, ce qui a de
par le passé déjà été
démontré.
Budget
et papier monnaie
Selon
l’acte ratifié par le Congrès en 1946, le Sénat et
la Maison Blanche se doivent de fixer un budget annuel maximum. En 1947, le
Sénat et la Maison Blanche n’étant pas parvenus à
se mettre d’accord, la loi fut ignorée.
Le
4 mai dernier, la Maison Blanche et le Sénat se sont fixé le budget
maximal de 37,5 milliards de dollars. Cependant, au regard des
dépenses ayant déjà été engendrées
à ce jour, il ne serait pas étonnant de voir ce chiffre
franchir la barre des 40 milliards de dollars. Cette loi fixant un budget
maximum n’a été observée sérieusement que
deux années durant depuis sa création.
Il
n’existe qu’un seul moyen de mettre fin aux pressions
dépensières, et c’est de placer la décision finale
des dépenses publiques entre les mains des producteurs de la nation.
J’entends par là les producteurs de richesse – les
contribuables -, qui se doivent de regagner leur droit d’obtenir de
l’or en échange de leur dur labeur. Une restauration de
l’étalon or offrirait aux citoyens une forme de contrôle sur leur
gouvernement et ses impressions de monnaie.
Il
existe en effet une parallèle entre les affaires et la sphère
politique qui illustre brièvement l’incapacité de la
politique sur le contrôle de la monnaie :
Chacun
d’entre vous est ici pour faire du profit. Si votre compagnie
n’est pas profitable, alors vous faites faillite. Si je venais à
vous présenter un produit en vous annonçant : ceci aura un
succès phénoménal auprès de vos clients, mais
vous ne parviendrez jamais à en tirer quelque profit –
j’imagine que vous me feriez escorter hors de votre bureau plus ou
moins poliment, et très rapidement. Tout le monde est là pour
faire du profit.
C’est
de cette manière qu’un politicien aperçoit le vote. Cette
situation n’est pas idéale, mais elle existe, principalement
puisque personne n’abandonne jamais ses envies de pouvoir de son propre
chef.
Vous
êtes maintenant entrain de vous dire : ‘C’est
exactement ce que j’ai toujours pensé. Les politiciens jugent
les votes en leur faveur comme étant plus importants que le futur de
leur pays. Ce dont nous avons besoin est d’un Congrès avec
quelque volonté d’agir bien. Si nous élisions un
Congrès composé de gens plus concernés, il mettrait
immédiatement fin à la folie dépensière’.
Je
me suis rendu à Washington avec cette exacte mentalité.
Malheureusement pour moi, mes espoirs sont vite devenus irréalistes.
Pourquoi ?
Parce
qu’un membre du Congrès en charge de notre presse
monétaire est dans la même position qu’un pompier entrant
dans un bâtiment en feu avec un tuyau coupé. Il a beau avoir du
courage, il est impuissant. A défaut de manquer d’eau, ce dont
manque le membre du Congrès, c’est du soutien des contribuables.
Lorsque
le dollar fut délié de l’or et que les citoyens se virent
privés de leur droit de restreindre les dépenses publiques, ce
lien fut aboli. J’y reviendrai plus tard.
Vous
avez sans doute entendu le discours qu’a tenu le président en
janvier dernier devant le Congrès. Avant que vous ne le jugiez trop
durement pour son discours, spéculons sur ce qu’il entend
réellement. Il est certainement en mesure de se persuader
lui-même que les Républicains en feraient de même
s’ils étaient à sa place. Il a déjà
décrit nos discours sur l’économie comme
n’étant que simple conversation. D’années en
années, nous avons su lui donner raison. Ni le président ni les
Républicains ne prouvent un réel désir de mettre fin aux
dépenses. Les citoyens, quant à eux, sont impuissants.
Il
n’en a pas toujours été ainsi
Avant
1933, les citoyens eux-mêmes possédaient un moyen effectif de
contrôler l’économie. Avant 1933, à chaque fois que
les citoyens étaient ennuyés des dépenses de leur
gouvernement fédéral, ils étaient en mesure de se rendre
à la banque et d’échanger leurs dollars contre de l’or
jusqu’à ce que leurs hommes politiques reprennent quelque peu
leurs esprits.
Les
attaques à la trésorerie
Ceci
s’est produit en de multiples occasions sans qu’on ne finisse par
se trouver embourbés dans une inflation telle que celle que nous
connaissons aujourd’hui. Aujourd’hui, le Congrès est
constamment occupé par quelques petits groupes minoritaires tentant de
tirer profit du système. Ces groupes, bien souvent, obtiennent
suffisamment de votes dans certains districts pour avoir un impact sur les
résultats des élections. Les membres isolés du
Congrès trouvent donc difficile de se persuader qu’ils peuvent
lutter contre ces petits groupes, qui parviennent donc aisément
à voir accordées leurs demandes de dépenses. La
trésorerie semble infatigable. Les contribuables désorganisés
ne sont pas toujours en mesure de décerner ces dépenses
particulières – qui continuent donc d’avoir lieu.
Jetons
un bref coup d’œil aux éléments de pression que
représentent les aides sociales. Au 30 juin 1932, 2,196,151
personnes recevaient des chèques mensuels de la part du trésor.
Au 30 juin 1947, ce chiffre était passé à 14,416,393. Ce chiffre n’inclut pas les deux millions
de personnes recevant des aides particulières telles qu’une
allocation chômage. Cependant, il prend en compte 2 millions de soldats
en formation, sans lesquels ce chiffre tomberait à 12,5 millions, un
chiffre encore 500% plus élevé qu’en 1932. Si chaque
bénéficiaire comptait pour deux votes, ils auraient presque le
pouvoir de gagner chaque élection nationale.
A
côté de ces électeurs se tiennent un certain nombre
d’états, de régions et d’employés locaux qui
reçoivent leur compensation de la part de substituts
fédéraux.
Il
existe également d’autres groupes de pression, tels que les
compagnies enrichies des dépenses étatiques dans le domaine de
la défense nationale, par exemple. Ces compagnies, du fait de la
monnaie qu’elles sont capables de dépenser pour faire leur
propre propagande, peuvent aisément être décrites comme
étant les plus dangereuses.
Si
le plan Marshall pouvait apporter 100 millions de dollars de profits à
votre compagnie, ne seriez-vous pas intéressé par investir
quelques milliers de dollars dans une campagne de propagande en faveur de ce
plan Marshall ? Et si vous étiez un gouvernement étranger,
capable d’en tirer des milliards, ne tenteriez-vous pas de convaincre
vos associés au Congrès à voter en la faveur de ce
plan ?
Le
contribuable, homme oublié
Bien
loin du Congrès se tient l’homme oublié de tous, le
contribuable qui lui, paie l’addition. Il est bien loin
également de l’homme d’affaires recevant des millions de
dollars de bénéfices. Il ne peut pas se permettre de passer son
temps à s’opposer aux dépenses du gouvernement. Il se
doit donc de s’adapter tout en portant le poids des taxes.
Pour
la plupart de ceux qui en bénéficient, un revenu
fédéral est vital. Tout individu en bénéficiant
dépenserait son énergie toute entière à tenter de
conserver ce revenu. Le contribuable se voit marcher dessus par ce genre de
situation. Il possédait auparavant une arme pour se protéger de
cette injustice, et cette arme était l’or. Il avait un droit
individuel à se procurer de l’or afin de protéger sa
propre personne.
Par
un retour à l’étalon or, le Congrès aurait
à faire stopper les dépenses du gouvernement, sans quoi la
demande d’or à l’intérieur du pays deviendrait
sérieuse. Les hommes de loi apprendraient bien assez tôt de
leurs banques et des officiels du gouvernement que la confiance en la
Trésorerie est en danger.
Le
Congrès serait forcé de se confronter fermement aux
dépenses excessives. L’étalon or équivaut à
un contrôle silencieux des dépenses publiques. Je n’ai que
brièvement développé l’incapacité du
Congrès à résister aux dépenses excessives en
période de prospérité. Pour ce qui est de ce que le
Congrès ferait en période de récession, je vous laisse donner
libre cours à votre imagination.
Je
n’ai pas assez de temps pour m’expliquer plus sur ce sujet.
La
situation est bien plus grave encore que toutes ces incessantes augmentations
de prix dont vous avez entendu parler. Le chaos monétaire a vu
apparaître Hitler en Allemagne, les bolcheviques en Russie, et bien
d’autres tyrans encore… Il peut entraîner à lui seul
toute une nation vers le communisme. Imaginez l’épargne des
Américains se détériorer ces dix prochaines
années de la même manière qu’elle l’a été
ces dix dernières années.
Viendra un jour où les citoyens se tourneront vers un nouveau
Napoléon qui leur promettra un redressement de
l’économie. Lorsqu’une devise perd de sa valeur, les
processus de production et de distribution s’en trouvent atteints.
Notre
marché immobilier est, par exemple, dans un état plus que
désespérant.
Durant
longtemps, les citoyens ont tenté de thésauriser des biens de
valeurs d’une manière ou d’une autre. Cela se transformera
d’ici peu en une ruée si aucune action collective ne se voit
lancée.
Voici
venu le temps des propositions
Beaucoup
de ceux s’opposant à la monétisation libre de l’or
admettent qu’elle est essentielle, mais que la situation actuelle
n’y est pas propice. Certains disent qu’il y aurait une sorte de
ruée vers l’or et que nos très importantes
réserves d’or se verraient très rapidement
épuisées.
S’il
existe en notre devise une confiance si obsolète que la restauration
d’une pièce d’or mènerait nos réserves
d’or à disparaître, alors nous nous devons d’agir
rapidement.
Le
danger ayant récemment été souligné par Mr. Alan Sproul, président de la Réserve
Fédérale de New York, est le suivant :
‘Sans notre support (celui de la
Fed), et dans les présentes conditions, toute vente d’obligation
du gouvernement, pour quelque raison que ce soit, se verrait
immédiatement plonger dans un marché sans fond’.
Nos
finances ne seront jamais redressées tant que le Congrès
n’aura pas décidé de faire de notre dollar une monnaie
à nouveau convertible en or. Il semble tout aussi insurmontable de se
débarrasser de la maladie de notre papier monnaie que de
l’addiction d’une personne envers ses narcotiques. Dans chacun
des deux cas, les prescriptions à suivre afin de pouvoir voir le bout
du tunnel n’ont rien d’alléchant.
Je
ne parviens à trouver aucune preuve justifiant du fait que notre
papier monnaie puisse un jour se relever comme cela s’est produit
auparavant. Du fait de notre puissance économique, la maladie de notre
monnaie pourrait aisément encore durer des années.
Nous
ne nous trouvons pas à grande distance du point critique. Tout au long
de cet article, je n’ai abordé qu’une partie des
problèmes. J’espère vous avoir apporté
suffisamment d’éléments pour que vous puissiez vous faire
une idée claire de la situation.
Les
hommes politiques, quel que soit le parti auquel ils appartiennent,
s’opposeront bien évidemment à la restauration de
l’or, peu importe ce qu’ils peuvent en laisser entendre. Tous
ceux s’étant enrichis à l’étranger en
profitant de l’inflation dont souffrent les Etats-Unis s’y
opposeront également. Attendez-vous donc à ce que la bataille
soit rudement défendue.
Cependant,
à moins que vous soyez tenté de voir vos enfants et votre pays
s’empêtrer encore plus dans l’inflation, la guerre et
l’esclavage, vous vous devez d’agir. Si libertés humaines
se résument aux Etats-Unis au droit de survivre, alors nous nous
devons de livrer bataille pour un retour à une monnaie honnête.
Nous
n’avons aujourd’hui pas de problème plus grave que celui
qui consiste en la restauration de notre liberté par le retour de
l’or sur la scène financière.
Hon.
Howard Buffett
Membre du Congrès Américain, Nébraska
The
Commercial and Financial Chronicle, le 5 Juin
1948.
June 5, 1948
Howard Buffett
fut member du Congrès des Etats Unis, et un
homme d’affaires d’Omaha, au Nebraska. Murray Rothbard
fut un de ses assistants, et son fils est Warren Buffet.
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