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Ce qui bloque aujourd'hui la résolution du
problème gréco-portugais (pour faire court), c'est la peur
panique de nos gouvernants d'avoir à faire face à une
série de faillites bancaires entrainant un arrêt total de la
liquidité des échanges. En effet, la somme des
réglementations applicables aux banques les a poussées à
garnir l'actif de leur bilan avec des titres de dettes souveraines
émis par des états aujourd'hui en grand danger d'insolvabilité,
alors qu'ils étaient censés être les plus sûrs qui
soient. Que ces titres perdent une partie de leur valeur, et nos banques
deviendront insolvables.
Gérer la faillite des TBTF, deux approches
Quelques rares grands noms de l'économie, de droite comme de gauche
(Stiglitz, Zingales, Hummler,
etc...) ont milité pour une évolution législative
permettant une conversion rapide des dettes financières en capital de
toute institution financière en situation d'insolvabilité,
proposition que je soutiens pleinement.
L'objectif d'une telle procédure est d'éviter que la faillite
de grosses banques "Too Big To Fail" n'empêche les entreprises
ordinaires de faire des affaires, et que les déposants individuels ne
soient spoliés ; et donc, d'éviter la panique des
déposants, qui déclencherait des faillites en cascade.
Seul inconvénient de la proposition, mais de taille : aucun pays n'a
de législation permettant d'entreprendre une telle action dans un
délai très court. Et le seul fait de discuter d'une telle
législation en période de peur pourrait précipiter la
chute des marchés.
Il existe une autre méthode, pour gérer ces
événements très délicats, sur le fil du rasoir,
qui permet d'arriver au même résultat. Elle a, par rapport au
échanges dette-capital, quelques inconvénients, mais elle est
peut être législativement nettement plus facile à mettre
en oeuvre, sous réserve que la loi du pays
donne autorité à la banque centrale pour fermer les banques
insolvables, ce qui semble être le cas dans la plupart des pays
d'Europe.
Et surtout, cette façon de gérer les faillites bancaires a
déjà été testée concrètement,
notamment en Serbie et en Slovaquie.
Cette méthode nous est résumée par Charles De Smet,
collaborateur émérite de l'institut Hayek, qui a
participé au redressement des systèmes bancaires mis à
mal par le communisme dans les années 90 et 2000, dans des pays tels
que la Slovaquie et la Serbie.
L'opération
commando de Dinkic contre les amis de Milosevic
L'expérience Serbe de 2001 mérite d'être comptée.
Quelques grandes banques serbes étaient devenues des
pétaudières gérées par des anciens amis du
dictateur Slobodan Milosevic, dans l'intérêt exclusif de leurs
dirigeants. Le pays était exsangue après des années de
conflit, la confiance bancaire très faible, et l'inflation
élevée parce que la banque centrale servait de planche à
billet aux opérations frauduleuses des "banksters"
serbes. Lorsqu'un très jeune gouverneur, Mladjan
Dinkic, fut nommé à la tête de
la banque centrale en 2000, celui-ci constata très vite que la
situation ne serait pas résolue tant que ces grandes banques ne seraient
pas mises hors d'état de nuire. Celles-ci, confiantes dans leur statut
de Too Big To Fail, et
persuadées qu'un blanc-bec de 36 ans ne saurait résister
à leur pouvoir, ne virent pas venir l'action éclair qui aboutit
à leur fermeture dès le 1er Janvier 2001.
La méthode retenue fait appel à la banque centrale. La banque
insolvable est fermée. Les déposants sont avertis que leurs
avoirs seront désormais gérés par la banque centrale,
que leurs chèques et échéances seront honorés,
qu'ils pourront retirer du liquide en quantité limitée
immédiatement, et que surtout qu'ils ont 6 mois pour désigner
la banque de leur choix pour que la banque centrale transfère leur
compte vers une autre banque, laquelle leur permettra de retrouver un usage
tout à fait normal de cet instrument (carte de crédit, etc...).
Pour que la banque recevant le nouveau titulaire du compte puisse honorer des
retraits ou des paiements, celle-ci recevra soit des actifs sains restant en
portefeuille de la banque déchue, soit des actifs pourris mais avec
une décote définie contractuellement avec la banque centrale,
soit une dotation en cash de la banque centrale, celle-ci étant
refinancée par la liquidation des actifs de la banque saisie au sein
d'une "bad bank",
une structure recevant l'actif de la banque failli et chargée de
compenser au mieux les pertes des ayants droits (le passif).
Dans cette optique, tout comme dans la procédure d'échanges de
dette contre capital, les actionnaires de la banque faillie
seraient les premiers touchés, puis les détenteurs de dette
financière à plus de 5 ans, puis de 2 à 5 ans, etc... Ce
qui assurerait un excellent matelas de protection aux déposants,
individuels comme entreprises. Il serait peu probable que la banque centrale
ait à faire marcher la planche à billets pour combler un
éventuel passif résiduel une fois les comptes soldés. La
manoeuvre ne serait donc pas inflationniste.
Naturellement, les détails de l'opération sont bien plus
complexes, car les grandes banques ne sont pas la boulangerie du quartier, en
terme de complexité de gestion. Mais le
principe est là.
Pas de panique !
Lorsque M. Dinkic fit fermer la première
banque de Serbie durant le weekend du nouvel an, après quelques
interrogations légitimes de la population, il n'y eut aucune panique,
pas de Bank Run. Et surtout, la confiance dans le
milieu bancaire serbe revint assez vite, permettant aux entreprises non
financières de recommencer à évoluer dans un climat
sain.
L'inconvénient de la méthode est qu'elle suppose que la banque
centrale dispose des compétences pour mener à bien
l'opération, et qu'elle puisse le faire sur un grand nombre de banques
simultanément si la situation devient trop "chaude". Elle ne
responsabilise pas les créanciers, qui ne deviennent pas actionnaires
de la banque faillie. Elle suppose que la banque
centrale ne soit pas corrompue, ni corruptible. Il faut qu'il reste des
banques saines en quantité suffisante pour absorber les flux de
nouveaux déposants en provenance des établissements en
faillite. Enfin par rapport à la conversion dette-capital, le risque
de devoir faire marcher la planche à billets, s'il est faible, n'est
pas nul.
Pour toutes ces raisons, je pense que la proposition "Zingales", qui se passe de banque centrale, est
meilleure, mais si les obstacles législatifs à sa mise en oeuvre sont insurmontables, la méthode Dinkic reste une excellente solution de repli.
Quels en sont les avantages par rapport à la procédure
américaine actuelle gérée par la FDIC pour les petites
banques ? Dans ce cas, une banque jugée saine par l'organisme public
d'assurance des déposants reçoit la totalité de l'actif
de la banque faillie, avec une décote, ce
qui peut se révéler catastrophique pour la banque
réceptrice en cas de mauvaise évaluation des pertes. Dans la
méthode Dinkic, ce sont les clients qui
déterminent leur point de chute, ce qui les incitera à choisir
plutôt une banque saine, et l'ensemble des procédures de
transferts d'actifs de la banque centrale vers la banque réceptrice
limite les risques de perte ultérieure sur les actifs reçus
pour la banque réceptrice. Et surtout, même une banque de grande
taille peut être cassée suivant ce principe, alors qu'avec une
reprise en bloc "façon FDIC", il est difficile de trouver un
très gros repreneur pour une très grosse faillite.
Conclusion : les grosses faillites bancaires sont gérables
Entre la proposition Stiglitz-Zingales, ou la
méthode Dinkic, il existe au moins deux
approches possibles d'une liquidation des mauvaises banques en cas de panique
sur le front des dettes souveraines. Il est donc absolument faux de
prétendre, comme le font certains, que la seule solution contre un
"risque systémique" réside dans un sauvetage des
grandes banques TBTF par les contribuables sous peine de chaos.
Vincent
Bénard
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