Officiellement,
le programme de création monétaire grâce auquel la Fed a
acheté pour $600 milliards de dette américaine (le soi-disant quantitavive easing ou QE
2) s’est terminé à la fin du mois de juin. La question
n’est pas de savoir s’il y aura un QE 3 – et peu importe d’ailleurs
le nom qui sera donné au futur programme inflationniste – mais
plutôt de comprendre à quoi il ressemblera.
Car afin de
permettre à l’État américain de se financer
à des taux d’intérêt bas – et en dépit
de l’endettement de ce dernier qui commence enfin à
inquiéter les milieux financiers – la Fed restera l’un des
principaux acheteurs de sa dette.
Il y a
déjà ce que nous pourrions appeler le QE 2,5. En effet, depuis
2008 la Fed a gonflé son bilan en acquérant massivement de la
dette notamment publique et parapublique (QE 1 et QE 2). Or, Ben Bernanke a déjà annoncé que le
« produit » de cette dette – intérêts
et remboursement du principal des obligations arrivant à
échéance – sera réinvesti dans l’achat de
nouvelles obligations émises par Washington. Le montant n’est
pas négligeable et pourrait dépasser les 300
milliards de dollars au cours de l’année à venir !
Étant
donné la situation économique américaine, il est fort
à parier que la Fed ne s’arrêtera pas là. Face à
un taux de chômage élevé, un marché de
l’immobilier plombé et des perspectives de croissance en baisse,
elle va vouloir aller plus loin.
Quelle forme
les nouvelles politiques inflationnistes pourront-elles alors prendre,
sachant que le taux directeur est toujours au plus bas, maintenu aux
alentours de 0%, inondant ainsi le marché de liquidités ?
Il y a
quelques années, Ben Bernanke donnait déjà
la marche à suivre. Dans un
discours de 2002, il énumérait justement les
différentes mesures qu’une banque centrale a à sa
disposition dans une telle situation de taux zéro. Il suffit de le
relire, de cocher ce qui a été déjà fait et de
voir ce qui reste !
Deux mesures ressortent.
D’abord, la Fed peut spécifier la période au cours de laquelle
elle promet de garder son taux à zéro, confortant ainsi les
investisseurs dans l’idée qu’elle ne le remontera pas
avant la date annoncée. La relation entre taux courts et taux longs est
complexe, mais selon Ben Bernanke, si une telle
annonce s’avère crédible, elle ne manquerait pas d’influencer
les anticipations sur les marchés et in fine aura un impact sur les taux longs qui, dixit le Fed
chairman, « représentent des moyennes de taux courts
courants et de taux courts futurs, plus une prime de terme ou de
maturité », liée à la durée de
l’obligation (term premium).
Cette mesure
est déjà partiellement mise en œuvre par la Fed. Si dans
son dernier statement du 22 juin 2011, elle parle d’un
maintien du taux zéro pour une période « prolongée »,
et donc en principe « non spécifiée », lors
de la conférence de
presse qui s’est tenue peu après, Ben Bernanke
a précisé que le taux zéro serait maintenu au minimum
pour la période allant jusqu’aux deux ou trois prochaines
réunions du comité de politique monétaire (FOMC), soit probablement
jusqu’en novembre prochain. L’incitation à continuer de spéculer
sur les obligations d’État pendant les mois à venir sans
crainte d’une remontée des taux est ainsi renforcée,
limitant au passage l’augmentation des taux longs auxquels l’État
américain emprunte !
Ensuite, dans
le cas où cette mesure ne suffirait pas pour maintenir les taux longs
bas, Ben Bernanke pourrait abattre une autre carte
de sa manche.
Le QE 3
consisterait alors à fixer un taux d’intérêt
maximum sur certaines obligations américaines. Il pourrait
s’agir d’abord de la dette à court terme jusqu’à
2 ans, puis des obligations à durée plus longue, allant de 3
à 6 ans. En cas de difficulté, même celles à 10
ans – référence sur les marchés obligataires
– seraient sans doute concernées. Serait ainsi orchestré
un véritable contrôle des prix imposant un plafond au taux
d’intérêt auquel Washington emprunte.
Cela signifie
que la Fed s’engagerait à acheter la dette américaine
tant que ce taux ne descendrait pas en dessous du seuil fixé, avec un
impact sur toute la courbe des taux longs. Contrairement à QE 2, la
banque centrale américaine aurait donc le feu vert pour créer
des quantités illimitées de nouvelle monnaie afin d’acheter
cette dette.
Cependant, la
solvabilité de l’État américain est de plus en
plus remise en question de nos jours. L’inflation transparaît
également de plus en plus dans les indices officiels des prix. Il est alors
fort à parier que les investisseurs ne voudront pas prêter au
taux fixé par la Fed et celle-ci sera par conséquent effectivement
obligée de se servir davantage de sa « planche à
billets » pour « éponger » une dette
américaine dont personne ne veut. Un tel QE 3 pourrait ainsi
être beaucoup plus inflationniste que le QE2.
Ceci n’a
rien d’une fiction. En réalité, le FOMC a
déjà évoqué cette mesure en octobre 2010 lors
d’une vidéoconférence,
peu avant que la décision du QE2 fut prise.
Telle
qu’elle apparaît, la feuille de route d’oncle Ben a pour
destination finale une hyperinflation et la destruction pure et simple du
dollar qui sert encore de monnaie de réserve dans le système
monétaire international. Pour éviter d’en subir les
conséquences désastreuses, mieux vaut rester vigilant quant aux
formes que prendra le QE 3 et se chercher, par prudence, une valeur refuge à
l’image de l’or dont on sait les vertus dans de telles situations
de désordre monétaire.
Valentin Petkantchin
Institut Economique Molinari
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