Le cru 2011 du
Baccalauréat aura fait couler beaucoup d’encre. De
l’origine de la fuite du sujet de Maths au bricolage de dernière
minute du ministère pour éviter les frais et les pleurs. L’occasion était trop
belle, et les ennemis du bac n’ont pas tardé à agiter la
fuite, Internet, les téléphones portables et les lunettes de
James Bond pour justifier l’urgente nécessité d’enterrer
le diplôme fétiche de la République.
Derrière
le plaidoyer pour le contrôle continu se cachent souvent les
mêmes avocats qui, dès les années Lang, rêvaient
d’amener quatre-vingts pour cent d’une classe d’âge
au bac. Ces hystériques de l’égalité ont ainsi
détricoté l’examen depuis trente ans, pour finalement
dépasser leur objectif et arriver à ce que quatre-vingt-sept
pour cent des élèves candidats l’obtiennent
l’année dernière.
Mais
quatre-vingt-sept ce n’est pas cent. Et pour supprimer ce résidu
de discrimination, il faut aller plus loin : miser sur les ajustements
possibles en contrôle continu et sur la mansuétude
d’enseignants compréhensifs. Mansuétude d’ailleurs
sollicitée dès l’école primaire, qui après
avoir vu les notes disparaitre progressivement au profit des lettres (sans doute
plus douces), voit disparaitre à leur tour les lettres qui persistent
à différencier des élèves pourtant tous
égaux !
Plus
d’examen, plus d’échec, et quand tout le monde sera enfin
égal puisque pareil, avec un bac offert au contrôle continu, la
société sans classe pourra enfin se poser sur la France et
faire chanter nos lendemains.
La position bourdieuso-marxiste digérée, il faut tout
de même revenir sur la pertinence de ce Baccalauréat public et
républicain dans un marché ouvert valorisant des compétences
multiples.
Outre le fait
qu’un diplôme que tout le monde peut obtenir ne vaut plus rien,
un examen aussi formaté que le bac est totalement anachronique devant
la diversité des possibilités et des chances qui
s’offrent sur le marché du travail. Diversité qui ne peut
évidement pas être
appréhendée par un pouvoir central, soucieux de
l’indivisibilité de son vieux moule.
La solution
est en réalité assez simple et consiste à laisser les
établissements libres de choisir leur méthode
d’évaluation. L’expérience prouve que cela
fonctionne très bien dans l’enseignement supérieur. En
effet, qui conteste aujourd’hui la valeur des diplômes
délivrés par les grandes écoles de commerce
privées comme l’EDHEC ?
Le monopole de
l’État sur le diplôme de sortie du secondaire n’a
qu’un effet de dévaluation progressive, là où la
liberté de validation embrasserait toute la richesse des parcours, des
compétences et des territoires. Évidement,
cette approche souple et efficace de la formation implique de
déverrouiller le monopole de l’État sur
l’éducation et sur les diplômes.
Une vidéo mise en ligne sur le site
lewebpedagogique.com vient apporter un contrepoint savoureux à cette
histoire. Il s’agit des conseils d’une spécialiste pour
réussir son épreuve de philosophie. La question porte sur le
risque des sujets à caractère politique.
Première
remarque de la spécialiste : Ne vous inquiétez pas, toutes
les positions sont recevables, le professeur vous jugera selon des
critères formels. Elle précise finalement : Sauf des
positions insoutenables, comme la remise en cause de l’État,
« position absurde sur laquelle il n’est pas la peine
d’insister » !
Un
exemple : Devant le sujet « Doit-on tout attendre de l’État ? »,
l’élève qui va répondre « Non,
absolument pas, l’individu doit se prendre en charge, ce n’est
pas à l’État de nous garantir un travail, la
sécurité, la sécurité sociale » ne
passera pas le test. Bref, si vous défendez une thèse
« ultralibérale », c’est une provocation.
Non content de formater la
structure de la dissertation en trois partie, l’enseignement public
veut sans doute également former des esprits libres en gravant ce
Onzième Commandement de l’Éducation nationale : Tu
ne critiqueras pas l’État (et on te donnera un diplôme).
Renaud Dozoul
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