Créer un
« gouvernement de la zone euro » qui va se
réunir deux fois par an et le confier à un homme qui a fait la
preuve de ce qu’il ne pouvait pas faire à la tête de
l’Union européenne est une aimable plaisanterie. Annoncer
l’adoption d’ici à l’été 2012
d’une règle européenne d’équilibre des
finances publiques laisse du champ pour d’ardues négociations
à venir sur ses modalités. Proposer en commun dès
septembre l’instauration d’une taxe sur les transactions
financières n’est pas une nouveauté et demande des
précisions pour vérifier qu’elle ne sera pas symbolique.
Enfin, harmoniser entre les deux pays la fiscalité des entreprises ne
va pas changer la face du monde, tant qu’il sera aussi facile de
s’en affranchir.
Ce que ce mini-sommet
n’a pas décidé est tout aussi significatif de sa
réelle portée. Ont été exclus,
l’émission d’euro-obligations –
présentées à tort comme une panacée par tous ceux
qui de plus en plus nombreux la proposent en Allemagne même –
ainsi que l’augmentation des moyens financiers du Fonds de
stabilité financière. Le prochain rendez-vous en catastrophe
est pour quand ?
Le plus petit commun
dénominateur franco-allemand ne mène pas loin. Mis en exergue
par la cascade de nouvelles en provenance des Etats-Unis et des pays
européens, l’essentiel est esquivé : la croissance est
partout en berne, seuls quelques points au dessus
de zéro permettant de ne pas employer l’horrible mot de
récession. L’affaire est pourtant durable, structurelle pour
employer les grands mots.
Dans un tel contexte,
l’objectif prioritaire de la consolidation financière (la
réduction des déficits publics) devient une pétition de
principe, à moins de mettre les pays censés y parvenir sous
coupe réglée. Même l’émission
d’euro-obligations, rejetée et qui aiderait à rouler
la dette en diminuant les taux du marché pour ceux qui ne peuvent
même plus s’y adresser, ne rendra pas ces pays pour autant
solvables. Du temps sera tout au plus gagné, la pente simplement un
peu moins glissante.
Dans un article publié
ce matin par le Financial Times, Christine Lagarde a cherché à
faire entendre une autre musique au nom du FMI. Sous l’adjuration
« Ne freinez pas la relance globale ! », elle rappelle
que « si les marchés n’aiment pas la dette publique
élevée – et peuvent applaudir la consolidation fiscale
– ils aiment encore moins une croissance faible ou
négative ». Comment pratiquer l’une et combattre
l’autre est une contradiction qu’elle revendique avec assurance
mais ne résout pas.
L’accueil qui va
être réservé aux résultats de la rencontre
franco-allemande risque d’être frais. Premier signal du soir,
Paul Jorion, ici-même,
parle de « coup dans l’eau », tandis que Jacques Rosselin critique « l’harmonisation de
l’austérité » et la « gouvernance
(…) du tour de vis » dans son éditorial de La Tribune
de demain, titré « La volonté de
croissance », et parle de « mesures
dérisoires ». Les premiers articles de la presse allemande
expriment un profond scepticisme.
On aimerait connaître la
réaction de la BCE, après le refus d’augmenter les fonds
du FSFE. Pour celle des marchés, il suffit de patienter
jusqu’à demain matin, mais il n’a pas
échappé que les bourses européennes avaient
anticipé la conférence de presse concluant le sommet et avaient
à nouveau chuté dans la journée.
Il ne fallait pas attendre des
miracles, nous n’avons pas été déçus.
Billet
rédigé par François Leclerc
Paul Jorion
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