La
nouvelle rengaine des analystes politiques et économiques consiste
à déplorer « l’absence des
politiques » dans la gestion de la crise, appelant au retour du volontarisme,
censé remettre les marchés au service de
l’économie, au lieu de subir la dictature des
spéculateurs.
Quelle
est donc exactement la marge de manœuvre de dirigeants politiques, dont
le seul instrument depuis trente-cinq ans est l’augmentation de la
dépense publique (financée alternativement par
l’impôt ou par l’emprunt) ?
Céline
écrivait avec bon sens qu’« on ne meurt pas de ses
dettes mais de ne plus pouvoir en faire ». C’est exactement
ce qu’il est en train d’arriver aux dirigeants européens,
qui ont compris qu’à chaque annonce
« volontariste », de régulation des
marchés ou d’augmentation de l’impôt, le couperet
leur appuierait un peu plus fort sur la nuque.
Que
veut d’ailleurs dire « volontarisme » quand
après avoir fait les gros yeux aux marchés le matin, on va y
tendre la main l’après midi ?
Les
États-Unis nous offrent un exemple assez limpide de cette impuissance
désespérée :
Multiplication
des programmes de Quantitative Easing (monétisation de la dette), nouveaux
plans de relance gigantesques (450 milliards de dollars pour le dernier), et
tout récemment le twist qui
n’aura fait danser personne (il s’agit pour la Fed de
transférer les liquidités d’un poste sur l’autre,
en espérant que la baisse des taux d’intérêts
à long terme stimule la demande).
Les
marchés ne sont pas dupes. Tous les « outils économiques »
se résument au mieux à des vases communicants, et au pire
à de la création monétaire. Et quand les outils ne
marchent plus, on attend dans un coin, sans savoir s’il faut laisser
déferler la vague ou changer radicalement d’outil, corseter la
démocratie, et une fois encore installer le politique dans la toute puissance qui ne lui a jusqu’alors jamais
réussi.
Ce
scénario a été malheureusement très
précisément décrit par Friedrich Hayek dans La Route de la servitude, dès
1944. (Un résumé animé est disponible ici.)
La
seule solution, au risque de se répéter, est une diminution
drastique de la dépense publique et donc, mécaniquement et
inexorablement, de la taille de l’État.
En
attendant, devant l’enlisement de la crise, ce sont aujourd’hui
les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) qui se
réunissent pour essayer de sauver les pays européens de
l’impéritie de leurs dirigeants. Il est particulièrement
embarrassant, pour qui a passé une demi-heure à Calcutta, de se
dire que l’Inde va peut-être aller au secours de la France.
On
apprend enfin qu’Angela Merkel aurait dit au pape
lors de sa récente visite en Allemagne que « la politique
devait avoir la force d’agir plutôt que de subir ».
Peut-être
le souverain pontife dira-t-il un chapelet pour le retour de la croissance,
mais on peut raisonnablement penser que le salut de la zone euro demandera un
petit peu plus de sacrifices.
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