Dans un
article précédent,
nous soulignions que le Livret A est un produit financier qui ne
protège pas le pouvoir d’achat, mais le détruit à
cause du taux de rémunération trop faible pour couvrir ne
serait-ce que l’augmentation des prix à la consommation. Mais n’est-il
pas vrai que le Livret A permet au moins – grâce à la
garantie des dépôts, inscrite dans la loi – de dormir
tranquille sur ses deux oreilles en ces temps de crise majeure et de risque
de faillite des États ?
En apparence,
et selon les textes juridiques, les déposants sont en effet
censé bénéficier d’une garantie qui a
été remontée de 70 000 à 100 000 euros depuis
octobre 2010. Le plafond du Livret A étant de 15 300 euros, cela
signifie que chaque euro déposé sur le compte est en principe
garanti.
Les
Français ont cependant tort de se fier à cette garantie
supposée protéger leur patrimoine et leur pouvoir
d’achat. Car en y regardant de plus près, on constate
qu’elle ne pourra en aucun cas être tenue.
En pratique,
c’est le Fonds de garantie des dépôts (FGD) – un
organisme de droit privé ! – qui est censé garantir
les dépôts de l’ensemble de la population. Or, le FDG est
loin d’avoir les fonds nécessaires pour remplir les promesses
offertes généreusement par les hommes politiques aux
déposants.
En effet,
selon les dernières données – qui remontent cependant
à l’exercice 2008, le FGD n’ayant curieusement même
pas l’obligation de publier
officiellement ses comptes ! –, sa
« capacité financière
d’intervention » réelle paraît sans commune
mesure avec les montants qu’il est censé garantir.
Jugez par
vous-même. Fin 2008, par exemple, les seuls encours du Livret A –
sans compter les encours sur les autres types de livrets, sur les
dépôts à vue et les dépôts à terme
qui bénéficient eux aussi de la garantie du FDG – se
montaient à ce moment-là, selon
la Banque de France, à plus de 139 milliards d’euros (les
encours sont montés, rappelons-le, à 207,5 milliards
d’euros en 2011). Or, selon les comptes du FGD les
« disponibilités préexistantes » prévues
pour couvrir ces dépôts n’étaient que de… 1,6
milliards d’euros.
Et ce
n’est pas tout, car la quasi-totalité de ce montant n’est
pas en fait constitué d’argent liquide (trésorerie
prête pour indemniser les épargnants français) utilisable
pour rembourser les déposants, mais de valeurs mobilières,
à savoir des actions et des obligations. Il s’agit du même
type d’actifs financiers qui verront leur valeur fondre en situation de
crise majeure. Dans un tel cas, le FGD se verrait contrainte de vendre ces
actifs au pire moment afin d’obtenir des liquidités. Bien que
comptabilisées à une valeur de 1,6 milliards d’euros, les
sommes reçues en contrepartie lors d’une telle revente risquent
donc d’être largement inférieures à ce qui figure
dans les livres comptables.
En
réalité, la trésorerie
du FDG ne représentait que 0,11%
des disponibilités comptabilisées dans son bilan. Cela
signifie que, toutes proportions gardées, il n’y aurait eu
qu’environ… 1,8 millions d’euros en argent liquide en tout
et pour tout pour couvrir sur-le-champ des encours de plusieurs centaines de
milliards d’euros en 2008.
Autant dire
que c’est une goutte dans l’océan. En cas de crise
majeure, il n’y aura pas assez de fonds pour rembourser tout le monde
et le le Fonds de garantie d’être sans
doute lui-même en faillite.
Certes,
à l’automne 2010, l’État a obligé les
banques à verser
en trois tranches une cotisation exceptionnelle de 270 millions d’euros,
soit 90 millions d’euros en 2010, 2011 et 2012 afin sans doute de ne
pas pénaliser davantage les banques déjà en
difficulté. Cependant, l’objectif de cette cotisation est de
faire face au relèvement du plafond de la garantie des
dépôts (de 70 000 à 100 000 euros par déposant)
pas de faire face à un déficit structurel du fond. On voit
d’ailleurs mal comment le FDG pourrait solliciter davantage les banques
qui sont au cœur-même de la tourmente financière depuis
2008... La situation du FDG n’a donc pas dû fondamentalement changer depuis ce temps-là, ce qui explique aussi
sa réticence à dévoiler ses comptes annuels.
Le fonds ne
peut donc pas permettre de garantir les économies des Français
déposés sur Livret A en cas de crise majeure. Il aura –
à coup sûr – besoin d’être sauvé
lui-même par l’État. Mais comment ce dernier pourra-t-il
apporter une quelconque aide s’il est lui-même à
l’origine de la déconfiture des banques, à l’image
de ce que nous réserve la crise actuelle des dettes souveraines ?
La garantie
des dépôts que l’État fait miroiter aux
déposants n’est en définitive qu’une énorme
illusion. Il est temps que les épargnants français se
réveillent et qu’ils arrêtent d’attendre de
l’État qu’il leur délivre une garantie, alors
qu’aujourd’hui il est le principal facteur de risque sur les
marchés financiers.
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