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J’ai
toujours écrit l'impossibilité, pour la BCE, de s'engager dans
la voie de la monétisation des dettes souveraines, parce que personne
n'aura confiance dans l'aptitude de chaque pays qui compose l'UE de ne pas se
comporter en passager clandestin de l'Euro, alors qu'un instrument de
"Aléa Moral" (en anglais, Moral hazard)
leur sera fourni sur un plateau, et que par conséquent, toute
monétisation directe de dettes souveraines provoquera rapidement une
très forte poussée inflationniste.
La zone euro : dans une impasse ?
J'ai donc successivement tordu le cou à l'EFSF (et au MES, qui en est
une déclinaison), et à la monétisation. Maintenant que
l'on sait ce qui ne peut pas être fait, la question qui se pose est :
"que faire" ?
Non, je ne vais pas vous ressortir pour la cinquantième fois mon
obsession de la faillite bancaire ordonnée. Quoique je persiste
à penser que ce soit une étape indispensable au retour de nos
économies dans le vert, vous devez en avoir marre de me voir radoter
à ce sujet.
La question du jour, plus précisément, est "que faire avec
l'Euro ?", puisqu'il semble impossible de mettre en place une gestion
optimale de cet instrument monétaire.
Le scénario que je vais esquisser ci-dessous n'est pas le plus
probable, mais je le trouve de moins en moins farfelu. Il ne se
matérialisera que si Mme Merkel et M.
Sarkozy ont pris conscience qu'ils ne trouveront jamais un accord politique
stable pour gérer une monnaie commune sans engendrer les comportements
de flibustiers décrits précédemment. Et dans ce cas, la
seule conclusion qui s'impose est qu'il faut en finir de façon ordonnée
avec l'Euro, sans attendre qu'un pays (l'Allemagne) fasse cavalier seul et
sorte par surprise, plongeant les autres dans le désarroi.
Voyons tout d'abord quelles
options s'offrent à nous.
La sortie "par le bas" d'un pays comme la Grèce provoquerait
une fuite de capitaux de ce pays vers des monnaies fortes dans les heures qui
précéderaient un tel mouvement : pas forcément mauvais
à longue échéance, mais ingérable à court
terme pour le pays en question. Si c'est la Grèce, cela reste
peut-être gérable. Par contre, si l'Italie est dans la même
situation, les remous européens seront dantesques.
A contrario, la sortie par le haut de l'Allemagne sans préparation
provoquerait une chute de la monnaie "unique" qui serait
difficilement contrôlable. En effet, la perte de confiance dans
"l'euro sans Allemagne" forcerait une hausse stratosphérique
de tous les taux d'intérêts des dettes des pays hors Allemagne,
et avec plus de 500 milliards de Roll-Over* à venir dans les mois qui
suivent, ce serait, pour tous les passagers encore dans l'Euro-titanic, le naufrage assuré.
* Roll Over : renouvellement des tranches obligataires arrivées
à échéance.
Mais d'un autre côté, conserver l'Euro est devenu intenable pour
les pays les plus faibles, car leur dette étant objectivement irremboursable, ou du moins très difficile
à rembourser, leurs taux d'intérêts atteindront tout de même
des sommets les forçant au défaut de paiement, et les abandons
de souveraineté nécessaires pour faire fonctionner les
mécanismes de partage des risques imaginés récemment au
niveau européen sont tout simplement intenables politiquement dans le
temps.
Vous avez dit : impasse ?
Et si tout le monde sortait de l'Euro en même temps ?
Une sortie simultanée de TOUS les pays de la zone euro vers de
nouvelles monnaies nationales pourrait résoudre en partie le
casse-tête actuel. Elle serait le moyen de rendre chaque monnaie
à l'échelon politique qui a la maîtrise de son budget,
à charge pour chaque pays de gérer sérieusement
l'après Euro, ou au contraire, de plonger.
Comment faire ? La période comprise entre Noel et le jour de l'an
paraitrait propice à décréter un "bank holiday" de quelques
jours visant à remplacer les billets "Euro" en billets
"nationaux". Les comptes en banques seraient simplement convertis
électroniquement. Les opérations électroniques seraient
toujours possibles, par contre, les retraits seraient bloqués pendant
quelques jours. L'annonce serait faite un vendredi après-midi pour
entrer en vigueur le Lundi matin suivant, pour éviter les transferts
massifs de dernière minute des comptes en banques de pays à
"Euro faible" vers un pays à "Euro fort".
Pour faire simple, les nouvelles monnaies pourraient avoir, par
décret, au premier jour, une parité de 1 Nouveau
Franc/lire/drachme/mark pour un ancien euro, lequel serait très vite
(quelques jours tout au plus) démonétisé. Les dettes de
chaque état, et de chaque collectivité, seraient arbitrairement
libellées dans chaque nouvelle monnaie nationale à ce
même taux nominal de 1 pour 1. Et au bout de trois jours, le temps
d'avoir converti tous les avoirs, chaque monnaie serait échangeable
sur un marché de changes flottants, comme l'ex euro ou la livre, ou le
dollar. L'avantage d'avoir une monnaie égale à 1 pour 1 le
premier jour permettrait d'évaluer assez facilement les fluctuations
futures, mais cela n'a rien d'indispensable. On pourrait aussi imaginer de
revenir aux parités antérieures à l'Euro à J+0 au
début du millénaire, et laisser fluctuer librement les monnaies
au bout de quelques jours, le cours de départ n'a pas d'importance
économique, seule la méthode compte.
Les états à monnaie faible (Grèce...), verraient leur
nouvelle monnaie se dévaluer rapidement. Le DM se
réévaluerait, ainsi que quelques monnaies du nord.
Seul point de blocage, à nouveau... Les banques des pays riches !
Le mouvement serait salutaire pour les banques des pays à monnaie faible
mais problématique pour celles des pays à monnaie forte. Dans
un pays comme la Grèce, les comptes des déposants (au passif)
verraient leur valeur fondre, et les actifs détenus en euros "non
grecs" (obligations allemandes, par exemple), se
réévalueraient considérablement, améliorant leur
bilan, sous réserve qu'elles n'aient pas trop emprunté hors de
Grèce (dans ce cas, la baisse de valeur des comptes risquerait
d'être contrebalancée par la hausse de la dette... Chaque cas
serait particulier). Chaque pays retrouverait une pleine et entière
souveraineté économique, et à chacun d'en faire bon
usage sans compter sur la productivité des autres pour se sauver des
situations ingérables dans lesquelles ils se seraient mis.
Par contre, les banques allemandes, à l'autre extrémité
du spectre, subiraient un coup de ciseau inverse et problématique :
les comptes de leurs déposants se réévalueraient par
rapport à la valeur moyenne de leurs actifs, comportant nécessairement
une part certaine libellée en monnaie plus faible. L'Allemagne serait
donc obligée de restructurer son secteur bancaire, et sans aucun doute
également les Pays Bas, l'Autriche, et la France. Comment ? et bien...
non, je l'ai promis au début de ce texte, je ne déroulerais pas
in extenso pour la dixième fois mes propositions en ce sens.
Toutefois, l'absence de mécanisme de résolution ordonné
des faillites bancaires (je vous dis : c'est une obsession chez moi) est un
obstacle à beaucoup de choses, et notamment à la mise en oeuvre du plan ci-dessus, ce qui me fait dire que le
scénario que je propose est sans doute encore improbable. Mais on en
reparlera dans quelques mois. En tout cas, si l'euro devait exploser (et il
me parait aujourd'hui souhaitable qu'il le fasse), alors cette sortie
simultanée de tous les états concernés serait de loin la
façon la moins nocive de procéder.
Certains affirment que la fin de l'Euro serait une catastrophe : mais
l'Europe a fort bien géré sa croissance avant la
création de la monnaie unique. On ne voit guère en quoi, hormis
les blessures d'amour propre des promoteurs de cet échec, un retour
à des monnaies nationales flottantes et au traité de 1986
(L'acte unique européen) serait un drame, à condition, bien
sûr, que chaque banque centrale gère sa monnaie
sérieusement.
Quant à ceux qui vivent comme une calamité le fait que les
états ne pourraient plus faire la fête avec de l'argent qui
n'existe pas, à ce stade, aucune explication ne peut plus rien pour
eux. Il n'y a aucun miracle, quelqu'un doit payer pour l'excès de
dette, le peuple débiteur comme le créancier
imprévoyant, point final. La correction arrivera tôt ou tard,
c'est sous un régime de monnaies nationales qu'elle sera
Conclusion : un blitzkrieg peu probable, mais
sait-on jamais ?...
En tout état de cause, un tel plan "éclair" de sortie
de l'Euro, s'il existait, ne pourrait en aucun cas être annoncé
à l'avance et devrait prendre les agents économiques par
surprise. C'est la deuxième très grande difficulté de
cette idée, qui suppose qu'au moins quatre à cinq
"grands" pays y travaillent de concert en très petit
comité hors de toute consultation démocratique, les petits
adhérents de la zone euro étant mis devant le fait accompli et
priés de se taire le moment venu.
Mais cela pourrait expliquer la volonté de faire trainer la conclusion
de pseudo-accords à l'issue de chaque désolant sommet
européen, faux accords dont nos dirigeants auraient conscience qu'ils
seraient impraticables dans la réalité, pour faire croire que
l'on avance dans une direction opposée avant d'abattre le plan
surprise au meilleur moment. La nullité des propositions issues des
discussions européennes me laisse à penser qu'il existe une
toute petite possibilité pour que cela cache effectivement un
"Plan B", et à part une dissolution de la monnaie unique, je
ne vois pas lequel.
Mais plus probablement, nos dirigeants sont dans un brouillard tel qu'ils
naviguent à l'aveugle, et n'ont en fait AUCUN plan, à part
bricoler au fil de l'eau et durer. Auquel cas, le jour où la
réalité économique, telle la loi de la gravité,
nous rattrapera, elle nous fera particulièrement mal.
Vincent
Bénard
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