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Le 25 novembre
2008, Olivier Postel-Vinay se lançait dans un pari osé mais
salutaire en créant le journal en ligne www.booksmag.fr ainsi que le mensuel papier
Books. L’usage d’un
anglicisme n’était pas anodin dans l’esprit de son
fondateur puisque celui-ci a avoué
être « frappé par le contraste des idées traitées
par la presse française et la presse anglo-saxonne ».
Plus
précisément, il est agacé par le manque de
curiosité et le déficit analytique de la presse
française.
Les
journalistes hexagonaux ne devraient pas prendre à la
légère ces critiques d’Olivier Postel-Vinay. En effet, ce
dernier n’ignore rien de ladite presse française puisqu’il
a successivement travaillé au Monde,
au Matin de Paris, au quotidien
franco-africain Le Continent, aux Dynasteurs (ex-Les Enjeux-Les Échos), à
Sciences & Avenir, au Courrier International et à La Recherche. Son constat est donc
documenté.
Son objectif
de base était de traiter l’actualité du monde et de la
culture à partir d’une veille de livres, essais et articles
internationaux. Preuve que, parfois, Internet peut, à sa
manière, relancer le marché du livre et ne pas toujours lui
faire concurrence.
Postel-Vinay
souhaitait également fidéliser un lectorat large, refusant
l’idée de s’enfermer dans une chapelle idéologique
précise. A priori, de tels projets peuvent susciter des doutes quant
à leur viabilité puisque, généralement, tôt
ou tard, les querelles idéologiques font
« exploser » ces belles intentions de départ. C’est
aussi le cas d’un point de vue purement marketing puisque le lecteur
demeure toujours plus proche de certaines idéologies que
d’autres. Ainsi, un lecteur libéral préférera
consulter des revues purement libérales de même que le lecteur
socialiste lira des textes socialistes. Ensuite, en pratique, les livres ou
journaux promettant un panel idéologique large sont souvent ceux qui
confinent le plus au politiquement correct.
De ce fait, ce
projet nourrissait la curiosité. Et nous n’avons pas
été déçus. La revue a ainsi « secoué »
une des idoles françaises, Michel Foucault, via un article
d’Andrew Scull intitulé « Michel Foucault,
crépuscule d’une idole ». De même, des auteurs
de réputation internationale – malheureusement ignorés dans
nos frontières – y ont leur tribune, tel Mario Vargas Llosa. Enfin, malgré l’absence de ton
idéologique dominant, Postel-Vinay explique clairement
que l’intelligentsia française n’a pas voix au chapitre
chez Books, ce qui est un signe
fort et appréciable envoyé au lectorat potentiel.
Le but
d’Olivier Postel-Vinay était, de toute façon,
d’évoquer des auteurs et ouvrages dont la presse
française ne parle pas, ainsi qu’il le dit dans cette interview
à France Inter. D’où son intérêt pour les
thèses « climato-sceptiques », telles que celle
de Freeman Dyson.
On pouvait
alors se poser la question de savoir si ce pari risqué allait marcher.
Si on en croit le principal intéressé, les ventes
progresseraient de façon continue. On peut néanmoins en douter
si on se réfère aux statistiques
de l’OJD.
Pour autant,
toute la presse payante grand public traverse une crise profonde. De plus, le chiffre des ventes est loin
d’être ridicule, ce qui explique sans doute pourquoi certains
journaux de l’Hexagone – et ce, alors même que Postel-Vinay
n’a jamais cessé de vilipender la presse française
– comme Le Nouvel Observateur,
Le Monde ou La Croix, se sont risqués à féliciter Books. En 2010, ce dernier a
reçu le soutien financier d’un important investisseur,
Jean-Jacques Augier, fondateur – entre autres – de la librairie
Masséna à Nice. Par ailleurs, la revue papier
s’étoffe de nouvelles rubriques.
Pourtant,
beaucoup raillaient l’absence d’approche marketing d’Olivier
Postel-Vinay dont le projet n’avait suscité initialement aucun
intérêt en provenance de groupes de presse. Son développement
est d’autant plus rafraîchissant qu’il montre qu’il
existe, en France, un lectorat à capter et que, peut-être, le
projet « Books »
était beaucoup plus innovant et malin, stratégiquement parlant
qu’il n’y paraissait au premier abord. De quoi rendre aussi un
peu plus optimiste quant à l’ambiance intellectuelle
régnant en France. Et ce, même s’il est sans doute
hâtif de tirer des enseignements définitifs d’un projet
pas encore parvenu à maturité et dont les ventes ne demandent
qu’à progresser véritablement.
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