publié en 1978,
et republié en 1990, par The Institute of Economic Affairs (Hobart Paper Special 70)
[Le titre de l'ouvrage
anglais est "Denationalisation of Money". On pourrait traduire par
désétatisation plutôt que dénationalisation. En
effet, pour rester conforme au principe de l'individualisme
méthodologique, il convient de garder à l'esprit que la Nation
et l'Etat sont composés d'hommes. C'est le contrôle par la
violence des hommes de l'Etat (qui prétend au monopole de la force)
qui est un problème, pas celui des hommes de la Nation, qui est un
rassemblement culturel et peut être volontaire. Une entreprise
privée, une banque privée peuvent faire partie de la Nation (si
elles ne sont pas transnationales), mais ne font jamais partie de l'Etat.
Néanmoins, Hayek (Chapitre XX) combat aussi l'idée selon
laquelle l'étendue monétaire devrait se limiter à un pays
ou une Nation, c'est en ce sens qu'il veut dénationaliser (on peut
rapprocher ce problème de la "zone optimale
monétaire", concept étudié par Robert Mundell,
supply-sider et prix Nobel 1999, cité par Hayek). NdT].
I. La proposition pratique
La proposition
concrète pour un futur proche, et l'occasion d'examiner un plan
à beaucoup plus long terme, est la suivante :
Les pays du
Marché Commun, de préférence avec les pays neutres de
l'Europe (et éventuellement plus tard les pays d'Amérique du
Nord) se lient mutuellement par un traité formel afin de ne pas mettre
d'obstacles sur leurs territoires aux transactions libres en l'une quelconque
de leurs monnaies (y compris les pièces d'or) ni à l'exercice
libre des affaires bancaires par toute institution légalement
établie dans l'un quelconque des pays.
Ceci signifie en premier
lieu l'abolition de tout contrôle des changes et de toute
régulation des mouvements monétaires entre les pays, ainsi que
la pleine liberté d'utiliser n'importe laquelle des monnaies pour les contrats
et la comptabilité. De plus, cela signifie la possibilité pour
toute banque basée dans un de ces pays d'ouvrir des succursales dans
les autres pays, dans les mêmes conditions que les banques qui y sont
déjà établies.
Le libre-échange
de la monnaie
Le but de ce plan est
d'imposer aux monnaies existantes et aux organisations financières une
discipline nécessaire en rendant impossible à chacune d'elles,
pour quelque durée que ce soit, de fournir un type de monnaie bien moins
fiable et utile que les autres. Dès que le public deviendra familier
avec les nouvelles possibilités, toutes les déviations du
chemin menant droit vers une monnaie honnête conduiront aussitôt
au remplacement rapide de la mauvaise monnaie par les autres. Et les pays,
individuellement, étant privés des astuces variées
qu'ils peuvent actuellement employer pour cacher les effets de leurs actions
menées pour "protéger" leur monnaie, seront
obligés de conserver un niveau raisonnablement stable pour leurs
monnaies.
Une proposition plus
pratique que l'utopique monnaie européenne
Cette proposition me
semble à la fois préférable et plus pratique que le plan
utopique de l'introduction d'une nouvelle monnaie européenne, qui
n'aurait comme seul effet que d'implanter plus profondément les
sources et les racines de tous les maux monétaires : le monopole du
gouvernement sur la création et sur le contrôle de la monnaie.
Il semble aussi que, si les pays ne sont pas préparés à
adopter la proposition limitée ci-dessus, ils accepteront encore moins
volontiers une monnaie commune européenne. L'idée de priver le
gouvernement de son antique prérogative de monopole de la monnaie est
encore trop peu familière et même alarmante pour la plupart pour
avoir une chance d'être adoptée dans un futur proche. Mais les gens
peuvent apprendre à voir les avantages si, au moins au début,
les monnaies des gouvernements ont le droit d'entrer en compétition
pour la faveur du public.
Bien que j’aie une
grande sympathie pour le désir d'unification économique
complète de l'Europe de l'Ouest via la libération totale des
flux monétaires en son sein, j'ai les plus grands doutes sur
l'avantage de le faire par la création d'une nouvelle monnaie
européenne dirigée par une quelconque autorité supranationale.
En dehors du fait qu'il est très peu probable que les pays membres se
mettent d'accord sur la politique à mener en pratique par
l'autorité monétaire commune (et la conséquence
inévitable que certains pays se retrouveront avec une plus mauvaise
monnaie que celle qu'ils ont actuellement), il semble également
très peu probable, même dans les circonstances les plus
favorables, que la nouvelle monnaie sera mieux gérée que les
monnaies nationales actuelles. De plus, de plusieurs côtés, une
monnaie internationale unique n'est pas meilleure mais pire qu'une monnaie
nationale, si elle n'est pas mieux gérée. Car elle ne laisse
aucune chance à un pays dont le public est financièrement plus
avancé d'échapper aux conséquences des
préjugés rudimentaires gouvernant les décisions des
autres pays. L'avantage d'une autorité internationale devrait
être principalement de protéger un état membre des
mesures nuisibles des autres, et non de le forcer à rejoindre leurs
folies.
Le libre échange
bancaire
L'extension proposée
du libre-échange de la monnaie au libre-échange bancaire est
une partie absolument essentielle du plan, si l'on veut atteindre les
objectifs recherchés. D'abord, les dépôts bancaires sur
lesquels on peut tirer des chèques, et donc une forme de monnaie
émise de manière privée, sont aujourd'hui une part, et
dans la plupart des pays la plus grande part, du montant total des moyens
d'échanges généralement acceptés. Ensuite,
l'expansion et la contraction du crédit sont à présent
les excuses principales de la gestion nationale de la monnaie de base.
Sur les effets de
l'adoption de ma proposition, tout ce que je veux ajouter à cet
instant est qu'elle a évidemment pour but d'empêcher les
autorités nationales monétaires et financières de
prendre des mesures impossibles à éviter politiquement aussi
longtemps qu'elles ont le pouvoir de les faire. Ces mesures sont sans
exception nuisibles et vont à l'encontre des intérêts
à long terme du pays qui les prend, mais elles sont politiquement
inévitables en tant qu'échappatoire temporaire à de
sévères difficultés. Elles comprennent les mesures par
lesquelles les gouvernements peuvent le plus facilement et le plus rapidement
supprimer les causes du mécontentement de certains groupes
particuliers, mais qui conduisent à long terme à
désorganiser et finalement à détruire l'ordre du
marché.
Empêcher le
gouvernement de cacher la dépréciation la monnaie
L'avantage principal du
plan proposé, en d'autres termes, est d'empêcher les
gouvernements de "protéger" les monnaies qu'ils
émettent contre les conséquences néfastes de leurs
propres mesures et, donc, de les empêcher d'employer plus longtemps ces
outils nuisibles. Les gouvernements deviendront incapables de cacher la
dépréciation de la monnaie qu'ils fournissent, incapables
d'empêcher la fuite de la monnaie, du capital et des autres ressources
à la suite des mesures qui ont rendu leur utilisation
défavorable dans leur pays d'origine, incapables d'imposer un
contrôle des prix - toutes ces mesures qui, bien entendu, ont tendance
à détruire le Marché Commun. Le plan semble de fait
satisfaire toutes les exigences d'un marché commun bien mieux qu'une
monnaie commune, sans devoir établir une nouvelle organisation
internationale ni conférer de nouveaux pouvoirs à une autorité
supranationale.
Ce plan ne conduirait,
pour ses intentions et ses buts, à remplacer les monnaies nationales
que si les autorités nationales se conduisaient mal. Même dans
ce cas elles pourraient éviter un remplacement total de la monnaie
nationale en changeant rapidement de voie. Il est possible que dans certains
très petits pays qui vivent pour une bonne part du commerce
international et du tourisme la monnaie d'un des plus grands pays y
prédomine mais, en supposant une politique raisonnable, il n'y a pas
de raisons pour lesquelles la plupart des monnaies existantes ne devraient
pas continuer à être utilisées pendant encore une longue
période. (Bien sûr, il est important que les parties ne
concluent pas un accord tacite de ne pas fournir de si bonne monnaie que les
citoyens des autres nations la préfèreraient ! Et ici, la
présomption de culpabilité devrait toujours être
portée contre le gouvernement dont la monnaie n'est pas
appréciée par le public !)
Je ne pense pas que le
plan empêcherait les gouvernements de faire ce qu'ils doivent faire
dans l'intérêt du bon fonctionnement de l'économie, ou ce
qui bénéficierait à long terme à un groupe
important. Mais ceci pose des problèmes complexes qu'il vaut mieux
discuter au cours du développement complet du principe de base.
[Suite dans le livre.]
[On aura
remarqué qu'au cours de ces paragraphes, Hayek décrit, en 1977,
la politique désastreuse du début des années 80
menée par les ignares socialistes Maurois et Delors, ce dernier
appuyant bien sûr toutes les idées dénoncées par
ailleurs (et étant, avec Martine Aubry, son ignoble fille, un symbole
du collectivisme totalitaire et la honte de la France si on s'imagine
celle-ci comme terre de liberté, ce qu'elle est de moins en moins de
nos jours) NdT]
Traduction : Hervé de Quengo
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