Nombre d'analystes ont relevé et
commenté le fait que les placements des banques commerciales
auprès de l'Eurosystème, et tout
particulièrement les montants placés sur la facilité de
dépôt, ont atteint des sommets. Ainsi, les banques
européennes ont déposé presque 528 milliards d'euros en
usant de cette fameuse facilité au 17 janvier 2012.
Ces records successifs sont pris pour la preuve que
la confiance s'est encore détériorée au sein de la
communauté financière, que les banques restent méfiantes
en refusant de se prêter et que le fonctionnement du marché
interbancaire n'est en somme toujours pas réparé depuis la
faillite de Lehman Brothers.
S'il est vrai que la prudence semble de retour sur
le marché interbancaire, le refus par certaines banques
créditrices de prolonger leurs prêts à certaines banques
débitrices n'explique pas, à lui seul, la hausse des euros
déposés auprès de l'Eurosystème.
La cause essentielle de ce phénomène est plutôt à
chercher dans la production accrue d'euros.
En effet, le graphique permet d’observer une
corrélation flagrante (coefficient de 89,7%) entre le total du bilan
consolidé de l'Eurosystème
(comprenant donc aussi les banques centrales des 17 pays membres) et le total
des montants que les banques déposent auprès de leur banque
centrale nationale respective.
Nous allons voir que cela n’est pas le fruit du hasard.
Graphique :
Total du bilan de l'Eurosystème et
dépôts des banques commerciales auprès de l'Eurosystème, 06/01/2007 – 06/01/2012.
Source: Statistiques de la BCE.
Le mode de
production des nouveaux euros par l'Eurosystème
est tel qu'ils sont d'abord mis à la disposition des banques
commerciales. Ceci est évident dans le cas des opérations
d'open-market, où les nouveaux euros sont
prêtés directement aux banques pour une durée
déterminée, mais reconductible. Cela est aussi vrai dans les
cas des programmes de rachat d'obligations d'État ou d'obligations sécurisées,
où les nouveaux euros sont cédés aux banques en
échange de ces titres de créances.
D'une
manière ou d'une autre, les nouveaux euros produits par l'Eurosystème sont d'abord reçus par les
banques, ce qui se traduit immédiatement par une hausse
équivalente de leurs dépôts à l'Eurosystème. Il ne peut pas en être
autrement car ce sont bien les banques de la zone euro qui sont les tous
premiers bénéficiaires d'une hausse de la production d'euros.
L'évolution
secondaire de ces dépôts dépend de la manière dont
les nouveaux euros sont utilisés par les banques et de l'impact de cet
usage sur la liquidité globale au sein du système bancaire.
Imaginons que
la population augmente brusquement sa demande de billets. Les banques
commerciales vont alors céder une partie de leurs dépôts
à l'Eurosystème contre des billets
d'euros. Au passif de l'Eurosystème, les
dépôts bancaires baisseront, alors que le total des billets en
circulation augmentera d'autant.
Imaginons
encore que les banques commerciales doivent rembourser des crédits
externes, par exemple en dollars, qui arrivent à
échéance. Elles puiseront de nouveau dans leurs
dépôts qu'elles céderont contre dollars sur le
marché des changes, pour payer in fine leurs créditeurs. Sur le
bilan de l'Eurosystème, la hausse des engagements
externes (en admettant que le vendeur des dollars n'est pas une banque
européenne) compensera la baisse des dépôts bancaires.
En un mot, les
dépôts bancaires à l'Eurosystème
baissent lorsque les nouveaux euros mis à la disposition des banques sont
utilisés pour financer des fuites de liquidité au niveau de
l’ensemble des banques de la zone euro (demande accrue de billets,
paiements vers l'extérieur, paiements vers le Trésor).
Si une banque
européenne utilise les nouveaux euros qu'elle a reçus pour
rembourser le crédit que lui a fait une autre banque
européenne, il n'y a pas de fuite de liquidités au niveau du
système bancaire européen. Ce qui sort du compte de la banque
débitrice entre dans le compte de la banque créditrice. Le
total des euros déposés à l'Eurosystème
reste tel quel, même s’il est maintenant distribué
autrement entre les institutions individuelles. Le dépôt de la
banque (anciennement) créditrice ne baissera que lorsque celle-ci
utilisera ces euros pour financer ses propres fuites de liquidité.
Que se
passerait-il si cette banque décidait de redevenir créditrice
en prêtant ce montant à une autre banque de la zone
euro ? En particulier, une
telle décision conduirait-elle à une baisse des
dépôts bancaires au niveau agrégé ? Pas le moins
du monde, car il n’y aurait pas de fuite au niveau du système,
mais seulement une nouvelle redistribution des euros créés par
l’Eurosystème.
Autrement dit,
un regain de confiance entre les banques de la zone euro, et par
conséquent une
activité accrue sur le marché interbancaire, ne ferait pas
baisser les dépôts bancaires.
C’est
bien la démonstration que le regain de prudence sur le marché
interbancaire n’est pas une cause de la hausse des dépôts
bancaires, mais l’autre face d’un seul et même
phénomène : le refinancement par l’Eurosystème de banques débitrices qui se
trouvent dans l’incapacité de rembourser leur dette sur le
marché financier.
Il s’agit
d’un problème structurel des banques actuelles qui, par
construction, n’ont en liquidités qu’une partie infime de
leurs engagements à vue. Alors, pour éviter la faillite quand
un remboursement plus ou moins conséquent est demandé, l’Eurosystème doit créer de nouveaux euros et
refinancer l’établissement quasi-défaillant. Les
dépôts bancaires à l’Eurosystème
ne baisseront donc que lorsque ces nouveaux euros seront retirés par
les banques centrales nationales, autrement dit lorsque l’Eurosystème diminuera la quantité
d’euros produits.
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