L’Internet
« grand public » est un jeune bébé bien
prospère grandissant à la vitesse de l’éclair. Je
l’ai vu naître comme tous ceux qui ont aujourd’hui plus de
30 ans. Les plus jeunes n’auront pas connu un monde sans Internet.
Indéniablement, son avènement a marqué une vraie
révolution économique, politique et culturelle bousculant bien
des modèles.
J’ai
fait mes premiers pas sur le net en 1996 aux États-Unis. J’ai
connu la connexion bas-débit avec le modem 56k puis la
révolution de l’ADSL qui marqua le coup d’envoi d’un
essor effréné. J’ai assisté avec passion au
développement du web communautaire qui en a fait un outil de
collaboration, d’échange et de liberté, notamment
d’expression. Il a pu ressembler à une jungle touffue où
tout est permis. Désormais, de nombreux textes et jurisprudences
l’encadrent.
Afin de
maintenir un équilibre entre le respect de la propriété
intellectuelle et des droits d’auteur d’un côté et
la liberté sur Internet de l’autre, le législateur a
trouvé un modus vivendi. Il a distingué l’éditeur
de l’hébergeur de contenus. YouTube
par exemple offre aux internautes une plateforme d’hébergement
et de partage de vidéos, tandis qu’un journal comme le monde.fr rédige ses contenus
(les blogs hébergés par lemonde.fr
ont un régime juridique différent puisque la plateforme du monde.fr ne fait que les
héberger). Dans le cas de l’hébergeur, la
responsabilité juridique et la modération se font à
postériori. L’éditeur de contenu est lui responsable
à priori.
Cet
équilibre s’est vu menacé par deux lois
déposées au Congrès Américain : le Stop
Online Piracy Act et le Protect Intellectual Property Act. La loi SOPA déposée par
l’élu texan Lamar S. Smith (Républicain) propose de
renverser cette règle et de rendre les fournisseurs
d’accès et les hébergeurs responsables des contenus
qu’ils acheminent. En dépit de l’opposition des grands
acteurs du Web qui dénonçaient l’aspect liberticide de la
loi, les textes étaient sur le point d’être
examinés et adoptés. Le Web a alors lancé une
contre-offensive en faisant « une grève » le 18
janvier 2012. Des sites comme Wikipedia US ont
fermé leur plateforme avec en
page d’accueil un message d’information destiné aux
internautes.
Ce jour de
grève pacifique a fait plier provisoirement les élus du
Congrès qui ont reporté la date d’examen des lois tandis
que la plupart se désolidarisaient progressivement du projet.
Jusqu’ici
tout va bien.
Le lendemain
de la grève, l’effervescence sur Internet reprend de plus bel.
C’est bel et bien la stupeur qui règne ! Le site Megaupload vient d’être fermé par le
FBI tandis que ses principaux dirigeants sont mis en examen pour violation de
droits d’auteur et blanchiment d’argent entre autres. Pour
rappel, Megaupload est un hébergeur de
contenus. Il met à disposition des serveurs dans le monde entier pour
stocker des données. L’une des conséquences de la loi Hadopi a été de transformer l’
hébergeur en outil de téléchargement
« pirate ». Les internautes y stockaient des films, des
séries, de la musique et des jeux vidéos
qu’ils s’échangeaient grâce à des liens. Les
sites similaires à Megaupload sont
légions, ce dernier a juste fauté en étant le plus
populaire. En France, il était le 22ème site le plus
consulté.
On dira,
après tout qu’il est logique d’arrêter une bande de
mafieux qui s’engraissent sur le dos des auteurs. On ne comprend
pourtant pas ce que le FBI vient faire dans l’histoire puisque
l’entreprise était basée à Hong-Kong.
L’intervention choc et musclée de la police
fédérale aux lendemains de la grève d’Internet
n’est pas un hasard. Ils ont fait une déclaration de guerre aux
défenseurs de l’Internet libre et ouvert. Ils ont
enclenché la plus efficace des guerres : celle des médias.
L’enjeu étant sans aucun doute de rallier l’opinion
publique aux lois SOPA et PIPA.
En effet, la
réaction ne s’est pas fait attendre. Les anonymous
ont lancé une attaque : « Plus de 5000 hackers ont œuvré de concert en
s’attaquant à des sites qui soutenaient SOPA, le projet de loi
américain contre le piratage sur Internet. Si l'on en croit Anonymous, cela ne serait qu'un début... »
(Source atlantico.fr). Objectif atteint pour le FBI qui obtient par là-même
une radicalisation du mouvement. Un bel emballage médiatique pour SOPA
que l’on va vendre aux américains comme une loi permettant
d’éradiquer les mafieux d’Internet et les hackers
révolutionnaires !
Pour rappel encore une fois, Anonymous n’est pas une entité à part
entière, il ne s’agit pas de hackers professionnels. Non, il
s’agit d’un regroupement anonyme d’individus ne se
connaissant pas entre eux, qui utilisent un outil très basique consistant
à envoyer un tellement grand nombre de requêtes au serveur
d’un site qu’il se révèle incapable de les traiter. Ils le font ainsi « planter »
de manière très artisanale. Leur seule arme : l’union fait la
force. Leurs actions sont diverses et ne peuvent pas toujours être
cautionnées. Il ne faut pourtant pas se tromper de débat comme
tentent de le faire certains.
|