La raison pour
laquelle nous utilisons l’or, un système basé sur
l’étalon or, plutôt qu’un système basé
sur le jus d’orange par exemple, est que nous tentons d’atteindre
un objectif spécifique pour lequel l’or s’avère
être notre meilleur allié. Cet objectif, c’est de
créer une devise à la valeur stable.
Quelqu’un
pourrait se poser les questions suivantes : ‘Pourquoi
utilisons-nous du titane pour construire un sous-marin nucléaire ?
Pourquoi pas du cuivre ? Ou de la poitrine de porc ? Est-ce
là une raison purement arbitraire ? Ou de simples
superstitions ?’.
Je
m’imagine parfaitement un ingénieur Russe tenter de
répondre patiemment aux questions de l’imbécile qui lui
fait face, et de lui expliquer qu’un sous-marin ne pourrait pas fonctionner
s’il était fabriqué avec du bacon.
Le sujet sur
lequel j’aimerais que nous nous penchions aujourd’hui est la
notion de ‘stabilité de valeur’. Je l’ai
déjà évoqué auparavant, mais il me semble
important de m’y pencher à nouveau. Nous comprenons tous
instinctivement ce que cette notion signifie. Nous utilisons de la monnaie au
quotidien. Il est cependant une tâche des plus complexes que de
l’expliquer avec des mots.
Les gens
confondent trop souvent stabilité de valeur avec stabilité de
pouvoir d’achat. C’est là une confusion vieille de
plusieurs siècles. En 1817, David Ricardo déclarait :
‘J’ai
concentré mes études sur la distinction entre une diminution de
la valeur de la monnaie et une augmentation de la valeur du maïs, ou de
toute autre matière première avec laquelle la monnaie pourrait
se voir comparée. Ces deux phénomènes ont souvent
été considérés comme étant une seule et
même chose, mais il est évident qu’une augmentation du
prix du boisseau de maïs de 5 à 10 shillings pourrait être
due soit à une augmentation de la valeur du maïs, soit à
une diminution de la valeur de la monnaie’.
‘Les
effets d’une hausse du prix du maïs due à
l’augmentation de la valeur de ce dernier sont autrement
différents des effets d’une hausse du prix du maïs due
à une diminution de la valeur de la monnaie’.
Voici un
passage similaire, extrait d’un ouvrage de Ludwig von
Mises datant de 1949 :
‘Les
changements en termes de pouvoir d’achat d’une monnaie,
c’est-à-dire en termes de taux de change entre la monnaie et les
matières premières et biens à la consommation, peuvent
provenir aussi bien de la monnaie que des matières premières et
biens à la consommation. Ils peuvent être provoqués par
des changements en termes d’offre et de demande monétaire, ou
encore par des changements en termes d’offre et de demande de biens et
services’.
Nous
devons d’abord reconnaître
le fait que la monnaie ait une valeur. Par exemple, la valeur du dollar, en
termes d’euros, est déterminée de manière
précise par le marché des changes ; Nous pouvons y
observer la valeur du dollar fluctuer à la hausse et à la
baisse, du moins en termes relatifs, par rapport à l’euro. Le
dollar est une devise flottante, ce qui est la raison pour laquelle sa valeur
fluctue.
Les
dollars que nous avons dans nos poches (notre monnaie de base) sont les
mêmes que ceux échangés sur le marché des changes.
Il existerait dans le cas contraire des opportunités
d’arbitrage. Pour différentes raisons, nous sommes
encouragés à penser que ces deux univers sont
entièrement déliés l’un de l’autre, mais ce
n’est en réalité pas le cas. Nous devrions donc penser ces
dollars que nous avons dans nos poches comme fluctuant chaque jour, chaque
minute, et ce malgré le fait que le prix du Happy Meal
ne change que très lentement.
Le
dollar est une devise flottante. Sa valeur fluctue. L’euro est
également une devise flottante. Sa valeur, elle aussi, fluctue. Ainsi,
comparer une valeur fluctuante avec une autre peut être assez
déroutant.
J’aimerai
que vous puissiez vous imaginer un concept de fluctuation du dollar en
‘termes absolus’.
Nous mesurons toutes les choses qui nous entourent en termes absolus.
Lorsque nous déclarons qu’un objet mesure exactement 467
millimètres de long, alors nous parlons d’une longueur exacte,
absolue. Le dollar a une valeur absolue, qui peut également augmenter
ou diminuer.
Malheureusement,
nous n’avons aucune loi pouvant nous permettre de mesurer cette notion
de ‘valeur absolue’ avec une précision scientifique.
Cependant, nous pouvons observer les effets des fluctuations de valeur, les
formes de distorsion monétaire qui correspondent à une augmentation
ou une baisse de la valeur d’une devise. Ces effets ne sont pas
imaginaires, mais des plus concrets.
Après
plusieurs siècles d’expérimentations, il a
été prouvé que l’or représente la meilleure
approximation qui soit de ce ‘standard de valeur absolue’,
puisque de tous les biens, il est celui dont la valeur est la plus stable. Il
jouit non seulement d’une valeur plus stable que celle de tout autre
bien, il est également si proche de l’idéal qu’il
empêche l’apparition de problèmes majeurs.
Il
représente ainsi la meilleure chose que nous puissions utiliser pour
façonner un système monétaire dont l’objectif
premier est la création d’une devise à la valeur stable,
de la même manière que le titane est la seule matière que
nous utilisons pour créer des sous-marins nucléaires.
Laissez-moi
vous poser la question suivante : disons que votre but soit de
créer la devise qui soit la plus stable possible, mais que vous ne
puissiez utiliser l’or, aussi bien en tant qu’actif de
réserve qu’en tant qu’indicateur ou point de
référence. Comment vous y prendriez-vous ?
Tentez
d’y réfléchir un instant. De nombreuses personnes se sont
déjà, au fil des siècles, posé cette même
question.
Je
suppose que quelqu’un tenterait d’expliquer la manière
dont un indice de prix ou un indice de type ‘panier de la
ménagère’ pourrait faire l’affaire. Cela
signifierait que le ‘prix’ (ratio entre la devise et
l’indice) demeurerait identique. L’indice continu CRB, pour citer
un exemple, aurait donc une valeur de 100 pour une durée de cent ans.
Est-ce vraiment là ce que nous recherchons ? Autoriseriez-vous
des changements des composants de l’indice en termes de valeur ou de
poids ? Comment seraient déterminés ces changements ?
Que se passerait-il si nous assistions à une augmentation
générale de la valeur réelle des matières
premières, comme cela s’est souvent produit en temps de guerre,
par exemple ?
Comment
une telle chose fonctionnerait-elle dans la vie de tous les jours ?
Mettriez-vous en place un système de remboursabilité ? Un
système de caisse d’émission monétaire ? Ou
est-ce que votre indice du panier de la ménagère vous servirait
simplement en tant que comité fédéral
d’intervention sur les marchés monétaires ? Dans ce
cas, utiliseriez-vous une sorte d’objectif de taux
d’intérêt tel que nous l’utilisons
aujourd’hui ? Existe-t-il un seul pays qui ait déjà
mis un tel système en place (oui : le Brésil) ? Un
tel système a-t-il déjà été testé ?
Que feriez-vous s’il ne fonctionnait pas de la manière dont vous
l’espérez ?
Faites-moi
part de vos idées. Je serai heureux de les lire. Il est
extrêmement improbable que vous puissiez imaginer quelque chose qui
n’ait pas déjà été étudié
puis rejeté ces quelques derniers siècles. Si vous étiez
un génie monétaire capable d’imaginer un système qui
soit meilleur que celui de l’étalon or en termes de
stabilité monétaire – quelque chose qui soit
jusqu’ici unique en termes d’expérience humaine -, nous
serions déjà amis. Mais tentez l’expérience, si
vous vous en sentez capable.
Vous
finirez bien vite par vous rendre à l’évidence que
l’étalon or est le meilleur moyen qui soit d’achever un
tel objectif. Nous en sommes certains, parce que nous l’avons
déjà étudié au fil des siècles. J’ai
mentionné il y a quelque temps les records atteints par les rendements
des obligations Britanniques à l’époque où
l’étalon or était de rigueur.
Vous
pourriez construire un sous-marin d’acier. Vous pourriez parvenir
à le faire fonctionner, mais il ne s’avèrerait pas aussi
efficace qu’un sous-marin de titane. Vous pourriez construire un
sous-marin en aluminium, mais il serait encore une fois moins efficace que le
sous-marin de titane. Vous pourriez construire un sous-marin de cuivre
– un métal mou -, et celui-ci coulerait. La
créativité est quelque chose de divertissant, du moins pendant
quelques temps. Mais vient un moment où il est nécessaire de
s’attaquer aux choses sérieuses.
En
1900, après avoir vécu deux cents ans sous un système
basé sur l’étalon or, les britanniques en étaient
toujours pleinement satisfaits, dans la mesure où ce système
leur apportait encore une stabilité monétaire. Après une
expérience longue de deux cents ans, penseriez-vous vraiment
qu’ils auraient pu se tromper ?
C’est
seulement lorsque leur objectif changea – lorsqu’ils eurent
besoin d’une devise qui puisse être manipulée, pour de
multiples raisons – que la Grande Bretagne décida de se tourner
vers un autre système.
A
l’heure actuelle, nous sommes encore fascinés par
l’idée que les devises puissent être manipulées. Ce
n’est pas la première fois qu’une telle situation se
produit. Cependant, les pays les plus prospères ont toujours
été ceux ayant choisi la voie de la stabilité
monétaire, plutôt que de la manipulation monétaire. La
raison à cela est très simple : il est beaucoup plus
facile et efficace de faire des affaires de cette manière. La
productivité est améliorée. Les gens deviennent plus
riches. Ce n’est pas plus compliqué que cela.
Nathan Lewis
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