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Les commandements de la rigueur

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Published : January 30th, 2012
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Category : Editorials

 

 

 

 

Tout étonnés de bénéficier d’une accalmie dans la tourmente (tout est relatif), les dirigeants européens en profitent pour avancer leurs pions, espérant que cela finira par tourner à leur avantage. Afin de faire bonne figure, les discours avantageux peuvent se multiplier dans les salons du forum de Davos, tandis que l’austérité étend son ombre qui grandit.


La baisse des taux italiens à court terme (ainsi que celle des taux espagnols à dix ans sur le marché secondaire) alimente leur optimisme, les banques du pays puisant dans les crédits de la BCE sans prendre trop de risques, puisque les maturités sont inférieures à la durée de ses prêts. Il est désormais espéré la poursuite des bienfaits du LTRO – l’opération de prêts à trois ans de la banque centrale – puisqu’elle va elle-même être renouvelée, ce qui procurerait aux gouvernements le répit qu’ils n’ont jamais trouvé, pouvant même leur faire trop vite croire que c’est gagné ! En oubliant qu’ils créent eux-mêmes les conditions de nouveaux rebondissements.


Leur durcissement va dans l’immédiat atteindre la Grèce, où le coût de la restructuration de la dette que les banques privées ont refusé de régler dans son intégralité fait l’objet de conciliabules de la dernière heure afin de le répartir. Celles-ci étant, comme Josef Ackermann de la Deutsche Bank l’a fait suavement remarquer, déjà bien bonnes d’accepter presque 70% de pertes sur leurs créances, elles n’iront décidément pas au-delà et il ne reste plus qu’à se partager ce qui a été qualifié par Jean-Claude Juncker de “petit ajustement”, soutenu par la Commission. Celui-ci pourrait quand même représenter quelques 11 milliards d’euros – qui viendront s’ajouter au prêt de 130 milliards d’euros – une fois accepté l’accroissement du ratio dette/PIB du pays à 125% en 2020 au lieu de 120%.


Les gouvernements allemand et français accueillent fraîchement la perspective de devoir augmenter leurs garanties financières au FESF, non sans espérer pour certains que la BCE se résolve à boucler le dossier à leur place, si les banques ne bougent pas. Dans tous les cas de figure, cela impliquera d’imposer des sacrifices supplémentaires aux Grecs, afin de rester dans l’épure du second plan de sauvetage, pour ne pas y revenir une troisième fois, est-il expliqué, ou pour gagner suffisamment de temps, est-il intérieurement pensé.


Le commissaire européen Olli Rehn a annoncé “un train de mesures qui ouvrira la voie à une solution viable pour la Grèce”, que les Grecs qui en ont pris connaissance par la presse ont immédiatement qualifié de “dix commandements” : coupes dans les pensions complémentaires, nouvelle hausse de 25% des impôts sur l’immobilier, mesures de dérégulation du marché du travail débouchant sur des baisses de salaires dans le secteur privé, suppressions d’organismes et d’emplois publics (150.000 d’ici 2015)… et réduction des crédits militaires.


Afin de respecter leurs objectifs 2012 de diminution du déficit public, en dépit de la récession et du chômage qui ne cesse d’augmenter, les Espagnols sont aussi sommés de monter en première ligne. En visite à Berlin, Mariano Rajoy semble avoir été convaincu de cette nécessité, après avoir envisagé de renégocier l’objectif établi à 4,4%, avec comme contrepartie significative “l’extraordinaire respect” de la chancelière. Devant la douleur des autres, on s’incline.


Fin 2011, l’Espagne comptait officiellement près de 5,3 millions de chômeurs, soit un taux de 22,85%. Plus d’un jeune sur deux de moins de 25 ans n’a pas d’emploi et le nombre de foyers dont tous les membres actifs sont au chômage est de 1,5 millions. 3 à 4% du PIB sont dépensés pour soutenir et encadrer les chômeurs, qui se réfugient quand ils le peuvent dans l’économie informelle pour survivre.


Très endettées, les 17 régions espagnoles ont lancé ces derniers mois de sévères plans de rigueur afin d’assainir leurs finances, amputant notamment leur budget santé et éducation. Mais au troisième trimestre, leur déficit global était encore de 135 milliards d’euros et elles doivent atteindre l’objectif du déficit zéro à l’horizon de 2020, de même que l’État.


Les fonctionnaires manifestent par dizaines de milliers dans les régions les plus touchées, les pharmacies qui approvisionnent les hôpitaux baissent leur rideau pour protester contre les impayés, de nombreux établissements d’enseignement ne sont plus chauffés.


Des coupes budgétaires de 8,9 milliards d’euros ont par ailleurs été annoncées à Madrid, ainsi que des hausses d’impôt de 6,3 milliards d’euros. Mais, pour parvenir à réduire comme promis le déficit à 4,4% du PIB cette année, 40 milliards d’euros devront être trouvés alors que la Banque d’Espagne prévoit une chute de 1,5% du PIB.


La situation n’est pas meilleure au Portugal, les deux économies étant très interdépendantes et le transfert au budget de l’État des fonds de pension des employés des banques ayant permis de respecter les objectifs de réduction du déficit de 2011. Mais cette opération ne pourra pas être renouvelée en 2012, alors qu’une contraction de 3,2% du PIB est officiellement envisagée pour cette année. Le retour sur le marché étant prévu pour 2013, un second plan de sauvetage pourrait se révéler vite nécessaire, afin d’obtenir de nouveaux prêts en plus des 78 milliards d’euros du premier. Car le rendement de la dette à dix ans, dont la note est maintenant dans la catégorie “spéculative”, est monté à 14% sur le marché obligataire, et le niveau des CDS a atteint 1.305 points de base (correspondant à une prime d’assurance contre le défaut de 1,3 millions d’euros par an pour un emprunt de 10 millions d’euros sur 5 ans).


Enfin, signe de l’ampleur des difficultés que rencontrent les Portugais, l’Université de Porto vient d’estimer que l’économie informelle représente désormais 25% du PIB du pays et ne cesse de croître, aboutissant à une diminution des recettes fiscales de l’État. Dans ce contexte, une restructuration de la dette pourrait aussi s’imposer, qui toucherait à nouveau les banques allemandes et françaises, les banques espagnoles détenant surtout la dette privée, beaucoup plus importante.


La Grèce pouvait jusqu’à présent être présentée comme le mouton noir de la famille, une exception. Cela ne va plus être le cas.


Billet rédigé par François Leclerc


 

 

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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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Nous sommes dans l'oeil du cyclone. La seule date qui importe est le 20 Mars, date à laquelle la dette grecque ne sera pas refinancée (on parle de plus de 148 milliards d'euros).

Il n'est pas possible de prédire les bouleversements qui seront produits par ce défaut, comment l'Europe et l'euro seront restructurés, les parités des monnaies, etc., etc.

Une seule chose est certaine : il vous reste deux mois pour numéroter vos abatis
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Bah , que ce système s'écroule , j'en serai heureux.

Avoir pour tout avenir et sur plusieurs génération la servitude par la dette ,la précarisation , la malbouffe, la guerre et les souffrances des hommes pour piquer les ressources indispensables à la continuité d'un non sens bien côté en bourse , l'immigration invasion pour faire baisser les salaires insensibles aux délocalisations, la paupérisation continuelle permanente depuis 40 ans et surtout les dirigeants minables et corrompus , alors si c'est ça le progrès , que tout craque.

Certes , nous aurons un corralito et alors , il faut sortir du papier vers le réel et l'indispensable , le nécessaire à notre existence ,les écrans plats et les I machin seront plus cher mais ce n'est pas de l'indispensable.

La course du rat c'est fini.
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Votre discours pessimiste ne correspond pas à la réalité. Regardez autour de vous la richesse colossale qui a été crée en 40 ans, et le nombre de gens dont les conditions de vie se sont améliorées de manière considérable !

Que notre monde à nous soit sur le déclin, j'en conviens, mais il l'a choisi, et ce n'est pas faute d'avoir été prévenu.
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ELS - 1/30/2012 at 3:22 PM GMT
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