Jean-Claude
Mas n'a pas fini de faire parler de lui. Mis en examen pour
« blessures involontaires », le très
controversé fabricant des prothèses PIP (Poly Implant
Prothèse) suscite l'indignation des victimes potentielles et de la
classe politique. S'il est légitime de s'inquiéter, le Ministre
de la Santé Xavier Bertrand est-il pour autant bien inspiré
de recommander l'explantation préventive des prothèses
défectueuses ?
Le
problème n'a rien à voir avec la distinction entre chirurgie
réparatrice et chirurgie esthétique. Une prothèse
mammaire défectueuse se moque de savoir qu'elle a été
implantée suite à un cancer du sein ou par pure coquetterie. Il
n'y a donc rien d'illogique à ce que les 30 000 françaises
porteuses de prothèses PIP voient leur opération prise en
charge par la Sécurité sociale.
Le
problème, c'est plutôt qu'une fois de plus, le gouvernement se
montre généreux avec l'argent des autres. Mais faut-il s'en
étonner ? La demi-mesure est un luxe que le gouvernement ne peut pas
s'offrir : dès lors que d'importantes sommes d'argent peuvent
être dépensées (fût-ce au prix de
l'équilibre budgétaire), et dans la mesure où le
principe démocratique intime aujourd'hui aux dirigeants non seulement
de gouverner, mais de « gérer » les
inquiétudes de la collectivité, le gouvernement est fortement
incité à faire du zèle.
Il n'est
certes pas nécessaire de retirer d'emblée toutes les
prothèses PIP : on peut procéder au cas par cas. D'autant plus
qu'une femme est plus susceptible de contracter un cancer du sein que ne le
sont les porteuses de PIP de subir des complications. Mais pour le
gouvernement, la question n'est pas de savoir si les risques encourus sont
importants, modérés ou négligeables : la question
est de savoir comment réagirait l'opinion si le gouvernement
tolérait des risques – même dérisoires –
qu'il pourrait prévenir.
Le coût
politique de l'inaction est sans commune mesure avec son impact réel,
et bien souvent le principe de précaution ne signifie rien d'autre
que : « tout ce que
l'État peut faire pour prévenir un risque, il doit le faire,
quelle que soit l'importance du risque, quel que soit le coût de la
prévention ».
Il est vain de critiquer la position de Xavier Bertrand si on ne prend
pas la peine d'en comprendre les raisons. Le problème est structurel,
il est inscrit dans le code génétique du
« modèle » politique et économique
français.
Car la gabegie
est le fait d'un système et d'une culture. D'un système
d'abord, qui donne aux pouvoirs publics les moyens d'intervenir dans de
nombreux domaines, exposant les décideurs politiques aux foudres de
l'opinion si des maux apparaissent qui auraient pu être
supprimés. D'une culture ensuite, qui tient pour légitime et
nécessaire de se tourner vers l'État pour résoudre nos
problèmes, sous prétexte que la plupart de ces problèmes
peuvent être résolus simplement, moyennant certes des
dépenses conséquentes (60 millions d'euros pour l'explantation
des prothèses PIP), voire insensées (869 millions pour la
campagne de vaccination contre la grippe A lancée fin 2009).
Derrière
la recommandation de Monsieur Bertrand, il y a donc un souci de la
sécurité qui n'est pas sans danger.
Mais le
danger, ce n'est pas l'abus de pouvoir. Le danger, c'est que le pouvoir soit
utilisé à fond pour rassurer l'opinion, quels que soient le
coût et l'efficacité des mesures adoptées. Une
thérapie collective que nous n'avons pas les moyens de nous offrir.
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