Fátima
Báñez, la ministre de l’emploi
et de la sécurité sociale du gouvernement Mariano Rajoy, s’est appuyé sur les derniers
chiffres du chômage espagnol (au taux avoisinant 23% en fin
d’année), pour justifier sa prochaine réforme du travail.
Avec comme intention déclarée de « redonner confiance aux
travailleurs et aux chefs d’entreprise, pour qu’ils puissent
surmonter la crise ensemble et que le licenciement soit la dernière
option ».
Javier
Diaz-Gimenez, économiste à
l’IESE Business School de Madrid, a présenté
plus crument les objectifs de cet assouplissement de la législation
du travail : « la première mesure à prendre est de
réduire les coûts du travail, qui sont excessifs, en limitant
les indemnités de licenciement, et la deuxième est de se
débarrasser des contrats temporaires pour établir un seul
contrat à durée indéterminée » (plus facile
à interrompre).
Parallèlement,
le nouveau gouvernement tente de faire face à l’endettement des
régions pour le réduire et à l’état
sinistré du secteur bancaire pour y remédier. A
l’intention des premières, étranglées
financièrement, une ligne de crédit de 10 milliards
d’euros a été ouverte; en contrepartie, le gouvernement
entend contrôler les budgets régionaux : toute aide sera
conditionnée à l’adoption et la validation par Madrid
d’un plan de réduction du déficit, impliquant la
poursuite des réductions budgétaires qui affectent
déjà les secteurs de la santé et de
l’éducation. Madrid procède vis à vis des
régions comme il est tenté de le faire au sein de la zone euro.
Les
banques sont pour leur part placées devant l’obligation de
constituer rapidement un matelas de provisions et de réserves de 50
milliards d’euros, en raison de la détention de quelques 176
milliards d’euros d’actifs estimés douteux (crédits
dont le remboursement est menacé, immeubles et terrains saisis
après défaut), sur un total de 320 milliards de crédits
immobiliers inscrits à leurs bilans.
La
réforme de Luis de Guindos, le ministre de
l’économie, prévoit d’augmenter les provisions pour
perte jusqu’à 80% de la valeur des terrains, 65% pour les
activités de promotion en cours et 35% pour les logements non vendus.
Les établissements qui ne parviendront pas à financer ces
dépréciations – alors que l’EBA, le
régulateur bancaire européen, réclame parallèlement
l’augmentation de leurs fonds propres – pourront
bénéficier de l’aide du FROB (Fondo
de Reestructuración Ordenada
Bancaria), dont le capital sera augmenté de
9 à 15 milliards d’euros par l’État pour si besoin
acheter des obligations convertibles émises par ceux-ci.
L’objectif
recherché est que les banques puissent ensuite vendre ces actifs
à bas prix, une fois les pertes constatées. Un an est
accordé afin de réaliser ce processus, pouvant devenir deux ans
pour les établissements engagés dans des fusions (ce qui risque
d’être en règle générale le cas).
Officiellement, afin de vendre le stock de logements à bas prix aux
particuliers, et dans la pratique de réaliser de juteuses bonnes
affaires financières pour les acheteurs des actifs dont les banques
vont se délester. Celles-ci doivent déjà mettre en place
les circuits et les instruments financiers avec pour but d’en
être parmi les bénéficiaires…
Deuxième
volet du plan, les banques sont incitées à poursuivre et
accélérer le processus de concentration dans le secteur. Les
grandes banques vont pouvoir faire leur marché en s’appuyant sur
des montages financiers accommodants, les petits établissements
laissés à la dérive et vulnérables. Plus
question, comme elles s’y opposaient, de créer une bad bank à
laquelle tout le monde aurait eu accès. Oubliée, la
problématique des too big to fail.
Cette
tentative d’assainissement va donc être l’occasion de
bonnes affaires ; elle intervient après une longue période
pendant laquelle la situation sinistrée des banques espagnoles avait
été niée. Devant la contraction du crédit qui en
résultait, à laquelle le gouvernement voudrait à terme
remédier, il tente de soulager le secteur par un plan dont la
transparence ne va pas être la première des qualités, en
passe d’établir les règles floues d’un grand jeu de
construction. Celui-ci est présenté comme allant contribuer
à rendre le secteur « plus sain et mieux dimensionné
», afin de mieux supporter la poursuite de l’éclatement de
la bulle immobilière. Mais les provisions annoncées ne vaudront
pas nécessairement solde de tout compte, et la relance de
l’économie par le crédit, présentée comme
l’aboutissement du plan, va se résumer à la contemplation
bien pensante d’une image pieuse. C’est
toujours une consolation.
Comme
en Grèce et au Portugal, la grande inconnue est la capacité de
la société espagnole à encaisser les mesures
d’austérité qui s’accumulent et n’ont pas de
fin. Les cris muets des indignés de la Puerta
del Sol n’ont malgré les apparences
pas fini de résonner.
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