En ces
périodes où, pour cause d’assainissement
budgétaire, nos politiciens rivalisent de créativité
pour inventer de nouveaux impôts, la pression fiscale qui pèse
sur les entreprises occupe une place de choix dans les débats. Mais
les obligations administratives représentent elles aussi un fardeau
difficilement supportable. Petit exemple.
En Belgique comme
dans beaucoup de pays, la « mobilité »
fait beaucoup parler d’elle. Pour lutter contre, pêle-mêle,
le réchauffement climatique, les pics d’ozone, les particules
fines et j’en passe, les pouvoirs publics entendent réglementer
le comportement de chacun. Puisque les particuliers, ces têtes de bois,
continuent obstinément à utiliser la voiture, l’État
a donc décidé de forcer les entreprises à leur forcer la
main.
L’État fédéral au secours de
la mobilité
Première
étape: en 2003, le législateur impose aux entreprises de plus
de 100 travailleurs de faire tous les trois ans un diagnostic des déplacements des
travailleurs entre le domicile et le lieu de travail. Entre autres
joyeusetés, cette obligation force les entreprises à
réaliser un sondage auprès de leurs travailleurs pour savoir
comment ils se rendent à leur travail, et à grouper les
résultats recueillis par code postal du domicile. Mais bien entendu,
ces données doivent être récoltées dans le respect
des dispositions en matière de respect de la vie privée, ce qui
empile une deuxième série d’obligations sur la
première.
La Région s’en mêle
Si les choses en
étaient restées là, ce serait sans doute resté
supportable. Mais il fallait que les pouvoirs locaux s’en mêlent
également. Ainsi, en 2009, la Région bruxelloise adopte une ordonnance « plans de
déplacement ». Cette ordonnance oblige les entreprises de plus de 100 travailleurs à
concevoir tous les trois ans un plan de déplacements d’entreprise
(PDE). En gros, il s’agit donc d’empiler de nouvelles obligations
sur le diagnostic imposé par le gouvernement fédéral. Le
PDE comporte trois parties: des renseignements sur l’entreprise, un
diagnostic des déplacements, et surtout, un plan d’action pour
(je cite) « promouvoir
une gestion durable des déplacements liés à
l’activité de l’entreprise ». Outre la
réalisation du PDE, l’ordonnance impose une série
d’obligations aux entreprises:
•
désigner
une personne de contact. Là, le coût est clairement
identifié, puisque le site lui-même reconnaît candidement
que le « Coordinateur de mobilité »
devra consacrer, selon la taille de l’entreprise, de 1/10ème de
son temps jusqu’au temps plein. On attend aussi de lui de se concerter
avec les représentants syndicaux, lesquels ont, bien sûr, leur
mot à dire sur le PDE, sinon ce ne serait pas drôle.
•
informer
et sensibiliser chacun à l’usage des modes de transports
alternatifs à la voiture. La cible est toute désignée :
le vilain méchant qui se rend tout seul en voiture au travail,
comportement désormais affublé d’une étiquette
infâmante: l’autosolisme (c’est dans le texte du site officiel de
présentation du PDE, à la troisième ligne). Et pour cela, l’entreprise devra
organiser chaque année des actions de sensibilisation.
•
établir
un plan d’accès multimodal pour
les travailleurs et les visiteurs. Plan qui doit être
régulièrement mis à jour, proposer des conseils
pratiques de mobilité, figurer sur le site web de l’entreprise.
L’entreprise peut - comme c’est gentil - acheter des fiches
d’accessibilité auprès des sociétés de
transport en commun. À moitié prix, parce que l’autre
moitié est subventionnée, délicate attention des
autorités.
•
encourager
l’usage des transports publics. Avec une liste de mesures obligatoires dont certaines peuvent
s’avérer bien coûteuses.
•
installer
un parking à vélos. Mais pas n’importe quel parking: il y
a des normes à respecter, par exemple le
nombre de places. Apparemment, les règles sont tellement complexes
qu’il a fallu un arbre décisionnel et une série de cas
pratiques façon « problèmes de
robinets » pour expliquer la chose. Je ne résiste pas au
plaisir de vous citer un extrait : « L’entreprise
u accueille 5 cyclistes et dispose de 50 emplacements pour véhicules
motorisés, combien doit-elle installer de vélos? »
Vous pensiez 5? Que nenni, il en faudra 12. C’est comme ça !
•
prévoir
un plan d’action en cas de pics de pollution. Cela implique entre
autres de permettre une réorganisation des horaires de travail, de
désigner un responsable « pics de pollution »
que les travailleurs pourront appeler pour savoir que faire... et de
prévoir une « journée
gros pull » (sic) en réduisant la température des
bureaux
•
tenir
compte de l’écoscore des
véhicules dans la politique de gestion du parc de
véhicules de l’entreprise.
La mise en œuvre de ces
obligations doit être effective avant le 31 décembre 2012. Et
après, on s’étonnera encore que les entreprises quittent Bruxelles.
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