Les
crises économiques sont un signe que notre système financier
actuel présente des dysfonctionnements et nécessite des
améliorations. Lorsque l’on commence à se poser des
questions quant aux fondements de notre système monétaire, il
est alors également nécessaire de se demander si notre moyen
d’échange privilégié continuera de
l’être encore longtemps.
Il
y a un mois, les rumeurs au sujet de paiements en or de la part de
l’Inde contre du pétrole provenant d’Iran, faisant
l’objet de sanctions de la part des Etats-Unis et de l’Europe,
venaient secouer les marchés. En termes de principes aussi bien que de
volumes, ces rumeurs n’étaient pas à prendre à la
légère : l’Inde compte parmi les plus importants
partenaires commerciaux de l’Iran sur le marché
pétrolier, responsable d’environ 22% de ses exportations totales
de brut, ce qui représente plus de 12 milliards de dollars par an. La Chine
est le deuxième plus important partenaire commercial de l’Iran,
avec 13%, et le Japon est troisième, avec environ 10%. Ces trois pays
éprouvent des difficultés à maintenir leurs
activités commerciales avec l’Iran, du fait des sanctions lui ayant
été imposées par les pays occidentaux inquiets de ses
éventuels programmes d’armement atomique.
Une
chaîne d'information israélienne a tout d’abord
clamé avoir eu accès à des documents confidentiels
concernant des accords commerciaux passés entre l’Inde et
l’Iran, et mentionnant l’utilisation de l’or comme moyen
d’échange. Les membres du gouvernement Indien ont refusé
de s’exprimer à ce sujet, ce qui n’a fait
qu’accentuer les spéculations.
Cet
arrangement avait à première vue l'air d'être un
excellent moyen pour ces pays de maintenir leurs échanges grâce
à un intermédiaire stable : la devise iranienne, le rial,
n’est quasiment pas utilisée en dehors des frontières du
pays ; et le caractère anonyme de l’or aurait pu leur
permettre d’éviter l’attention de la communauté
internationale. Ironiquement, c’est le fait même que l’or
fasse partie de cet arrangement qui a attiré tant d’attention.
Il
semblerait que cette affaire n'ait été autre qu'une rumeur: les
deux partis se seraient en réalité arrangés d’une
toute autre manière. L’Inde paiera une partie de ses achats de
pétrole grâce à sa propre devise, et l’Iran
utilisera plus tard ces fonds afin de financer ses propres importations.
Mais
l’or n’est pas encore entièrement exclu de
l’équation. Les sanctions initiées par les Etats-Unis ont
été efficaces, du moins dans le sens où elles ont
poussé les institutions internationales à éviter
l’Etat paria. Reuters rapportait récemment que l’Iran avait
échoué à organiser ses importations de biens
alimentaires de base nécessaires à ses 74 millions
d’habitants. Les prix sur les marchés locaux ont
sévèrement augmenté. Peu de temps avant les
élections parlementaires le 2 mars dernier, le gouvernement a pris des
mesures radicales afin de fournir aux citoyens les produits de base dont ils
avaient besoin. L’une des solutions qui a été
trouvée fut d’échanger de l’or contre de la
nourriture.
‘Les
achats de céréales sont négociés en or’,
indiquait un trader international de céréales lors d’un
entretien au sujet de l’anonymat des accords commerciaux.
‘Quelques-unes des plus importantes maisons de courtage sont
impliquées dans ces échanges’.
Un autre trader a ensuite indiqué, ‘Du fait
des importantes quantités représentées par ces achats de
céréales, le troc ou les paiements en or sont les options les
plus efficaces’.
Utiliser
de l’or plutôt qu’une devise fiduciaire évite toute
transaction en espèces. Cela sonne comme une absence de moyen
d’échange, mais c’est bien évidemment une
idée fausse : l’or est le moyen d’échange
ayant été le plus utilisé tout au long de
l’Histoire.
Tant
que les sanctions demeureront en place et que le gouvernement iranien
n’aura qu’un accès limité aux marchés
internationaux, l’or restera le moyen le plus évident dont le
pays disposera afin de mener à bien ses échanges commerciaux.
Diminuer les exportations de pétrole vers le Japon, troisième
importateur de pétrole du monde, aurait un impact catastrophique sur
l’économie iranienne, épuisant les flux entrants de
devises étrangères. Un manque de flux entrant de devises
étrangères pourrait pousser le pays à utiliser toujours
plus ses réserves de devises étrangères existantes ainsi
que son or pour couvrir ses obligations internationales. Le pétrole,
bien qu’étant moins pratique, pourrait lui-aussi
éventuellement servir d’intermédiaire.
L’économie
iranienne est en état de crise. Du fait du manque de confiance dont
souffre sa devise, les dirigeants du pays proposent des offres toujours plus
extraordinaires à leurs partenaires commerciaux. La situation
viendrait clairement à s’aggraver si le pays était en
état de guerre. Bien que ce ne soit que pure spéculation,
imaginez ce qu’il arriverait au prix de l’or si les 29 millions
d’onces que possède l’Iran devenaient un moyen
d’échange réel sur la scène internationale.
Cette
réduction des réserves potentielles changerait la donne, non
seulement du fait de la crise iranienne, mais également parce que
d’autres pays pourraient décider de suivre son exemple.
L’impact que cela aurait sur le prix de l’or serait pour le moins
extraordinaire.
Ce
scénario, bien qu’il soit plausible, pourrait ne pas
apparaître de suite : les échanges d’or à
grande échelle n’ont été que très peu
nombreux ces quelques dernières années. Les transactions faites
en or sont difficiles à traquer du fait du caractère anonyme du
métal jaune. Cela souligne mon idée quant au rôle de
l’or en tant que monnaie : lorsque l’économie globale
s’effondrera, l’or détrônera tout autre moyen
d’échange en circulation. Comme le prouve le cas de
l’Iran, même les gouvernements – qui dirigent les banques
centrales – finiront par se tourner vers la plus ancienne forme de
monnaie que nous connaissions lorsqu’ils n’auront plus
d’autre choix.
Ce
qui nous mène à notre conclusion : l’or est
l’un des meilleurs actifs qui soit, à la fois quand tout va bien
et quand les temps sont durs. Il a la capacité de voir son prix
augmenter en période d’inflation, et peut être
utilisé comme moyen d’échange lorsque les devises
fiduciaires ne remplissent plus leur rôle.
L’or
n’est pas uniquement un moyen de protection financière : il
est une monnaie.
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