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Notre
précédent article défendait la thèse que l'insolvabilité
d'une banque centrale ne pouvait être que comptable, et que de ce fait
elle n'avait pas d'incidence directe sur la situation économique de la
banque centrale elle-même. En revanche, nous avons évoqué
la possibilité d'une incidence indirecte, notamment à travers
le comportement des détenteurs de monnaie. C'est l'analyse de ce
dernier point qui clôturera cette trilogie sur la question de la
faillite des banques centrales.
Une
monnaie continue à être détenue et utilisée dans
les transactions uniquement dans la mesure où les individus anticipent
pouvoir l'échanger contre d'autres biens et services à
l'avenir. Cette anticipation, aussi subjective soit-elle, se nourrit de
facteurs objectifs, tels l'attitude observée des autres participants
au marché ainsi que la stabilité du pouvoir d'achat de la
monnaie. Si, par exemple, les prix monétaires se mettaient à
grimper contre toute attente, les anticipations quant à la
capacité de la monnaie de garder le pouvoir d'achat de
l'épargne individuelle seront revues. Une baisse de la demande de
monnaie s'ensuivrait, laquelle impliquerait de fait une demande accrue
d'autres biens et services, et donc une hausse effective des prix
monétaires.
C'est
bien ce comportement individuel en matière de demande de monnaie qui explique
tant la genèse que la mort des monnaies, et donc par extension de
leurs producteurs. Dans le monde moderne des monnaies-papiers, une banque
centrale peut être mise à mal si la demande pour sa monnaie
(euro, dollar, yen) venait à diminuer sensiblement jusqu'à
disparaître. La hausse des prix monétaires qui s'ensuivrait
nourrirait des anticipations de baisse future du pouvoir d'achat, ce qui
inciterait les individus à détenir encore moins de monnaie.
Il
n'est pas rare que cette situation qui, à cause du refus d'utiliser la
monnaie, donne l'illusion d'une rareté de celle-ci pousse la banque
centrale à injecter encore plus de monnaie, soi-disant pour pallier
l'insuffisance d'encaisses. Le processus accéléré de détérioration
du pouvoir d'achat de la monnaie, qu'on appelle encore hyperinflation,
résulte alors en une annihilation pure et simple de la valeur de la
monnaie. D'un point de vue économique, la banque centrale a fait
faillite.
Certains
arrangements monétaires différents de celui décrit dans
notre série d’article, tels la convertibilité en une
monnaie marchandise (l’étalon-or par exemple), présentent
l’avantage d’envoyer des signes annonciateurs de
détérioration du pouvoir d’achat de la monnaie en
question qui permettent alors d'éviter la faillite définitive
d'une banque émettrice.
Ainsi,
la baisse de la demande de signes monétaires (à savoir les
billets convertibles dans la marchandise choisie comme monnaie), surtout
grâce à des spéculateurs entreprenants et avisés,
se traduit alors par une perte de réserves en monnaie-marchandise.
Cela rend bien plus difficile le maintien de la convertibilité, et
oblige la banque centrale émettrice à adopter une politique
conservatrice, dans la mesure où elle souhaiterait ne pas
dévaluer ses émissions. Le risque de dévaluation, et la
perte de réputation qu'il impliquerait, agit alors comme un facteur
responsabilisant. Ce mécanisme est cependant absent du monde moderne de
monnaies-papiers inconvertibles.
La
faillite d'une banque centrale moderne apparaît in fine comme tout
à fait possible, non pas à cause de l'inconvertibilité
de la monnaie-papier, mais à cause du comportement que les
utilisateurs de la monnaie pourraient adopter. A son tour, ce comportement
est intimement lié à la politique suivie par la banque centrale,
notamment en matière de création monétaire. Plus une
banque centrale est expansionniste, plus elle s'expose au risque de faillite
car elle nourrit la réticence des individus à utiliser sa
monnaie.
Au
fond, ce sont donc les fausses théories économiques lesquelles,
en faisant croire à un lien causal entre création
monétaire et richesse, justifieraient les politiques monétaires
expansionnistes, qui expliquent la possible faillite des banques centrales.
Il s'agit là d'une conclusion, somme toute, positive car elle
suggère que des institutions incapables d’atteindre
l’objectif qui leur a été assigné (dans le cas
d’une banque centrale, le maintien du pouvoir d’achat de la
monnaie) finissent par disparaître d'elles-mêmes.
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