Quand la crise a éclaté en 2007 aux États-Unis
puis en 2008 en Europe, tout le monde espérait que celle-ci serait de
courte durée et qu’il suffirait de quelques plans de relance
à la mode keynésienne pour faire repartir nos économies,
certes en difficulté, mais structurellement saines.
Or, les sommets comme les plans de relance se sont multipliés
au cours de dernières années sans que rien n’y
fasse : la crise est là et risque même de
s’intensifier. Faut-il pour autant céder au pessimisme et
à la morosité ? Ce serait dommage. Si cette crise est et
sera douloureuse, elle est aussi une formidable occasion de mieux comprendre les
maux dont souffrent nos économies. Elle nous aidera peut-être
à trouver le courage de réaliser les réformes qui nous
permettront de rebondir durablement.
Au départ la crise actuelle a été analysée
comme remettant au goût du jour les thèses keynésiennes,
justifiant le recours aux plans de relance. Après 3 ans de relances,
budgétaire et monétaire, sans effet durable sur la santé
de l’économie, elle incite au contraire à se repencher
sur le courant économique autrichien et sa théorie du cycle
économique. Cette école offre en effet une explication
pertinente de la situation et des solutions capables de nous redonner les
moyens de repartir sur des bases saines.
Selon les keynésiens, représentés
aujourd’hui par des économistes comme Paul Krugman
(prix Nobel d’économie 2008), l’économie est soumise
à des changements imprévisibles. La prospérité comme
le déclin sont le fruit dans un cas d’un optimisme inexplicable
et dans l’autre d’un pessimisme tout aussi arbitraire.
Les récessions font donc partie intégrante des
économies de marché. Ainsi, quand la demande pour
l’investissement diminue de façon soudaine du fait d’une
perte de confiance inexplicable et irrationnelle du monde des affaires
(l’esprit animal), cela déclenche une baisse de la production, une
hausse du chômage et une chute des revenus des ménages. Ces
derniers perdent à leur tour confiance et épargnent
plutôt que de dépenser, si bien que les entreprises se
retrouvent avec des invendus et diminuent encore leur production. Cela
déclenche une véritable spirale déflationniste que seul
l’État peut contrer.
En effet, les keynésiens proposent que l’État use
de ses plans de relance, budgétaires et monétaires, pour
compenser la baisse de la demande privée par la demande publique. Dans
leur vision, le taux d’intérêt est un
phénomène purement monétaire (résultat de la
confrontation de l’offre et de la demande de monnaie). Il doit
être maintenu à un niveau bas pour via la création
monétaire, susciter un niveau d’investissement élevé
et ainsi augmenter le taux de croissance.
Cette politique monétaire se révèle cependant
souvent insuffisante pour stimuler la demande car quand les taux sont trop
bas, des investisseurs privés peuvent décider de retirer leur fonds
et quand l’incertitude est trop élevée, les
individus peuvent préférer épargner leur argent
plutôt que de l’investir. Du coup, les dépenses publiques
offrent une garantie que les fonds seront effectivement investis quelque part
dans l’économie.
Pour l’école d’économie autrichienne,
représentée par des économistes comme Ludwig von Mises ou Friedrich A. von
Hayek (prix Nobel d’économie 1974), ces politiques
monétaires et budgétaires sont incapables d’offrir des
solutions à l’apparition de cycles économiques dans la
mesure où elles en sont à l’origine.
Ils expliquent, à la différence de Keynes, que le taux
d’intérêt est la conséquence d’un
phénomène intrinsèquement humain, à savoir la
préférence pour le temps des individus. Les gens comme vous et
moi préfèrent consommer maintenant un bien plus tôt que
plus tard. Cela conduit à la formation d’un taux
d’intérêt sur le marché qui récompense
l’attente entre la consommation immédiate et la consommation
dans le futur (l’épargne). Quand le taux
d’intérêt baisse, la préférence pour le
présent de la plupart des gens diminue. Si le taux d’intérêt
augmente, c’est que les préférences changent et que la
préférence pour le présent croît.
Le taux d’intérêt dans une société
est donc un indicateur de la quantité d’épargne que les
individus sont prêts à mettre à la disposition
d’investisseurs qui de ce fait seront en mesure de mener à bien
des projets. Quand on manipule à la baisse ce taux par la
création de monnaie – comme le proposent les keynésiens
– on laisse penser qu’il existe un stock d’épargne
plus important que ça n’est en fait le cas.
Cela va inciter des entrepreneurs à se lancer dans des projets
de plus longue durée puisque le taux en vigueur indique – au
moins sur le papier – qu’il est maintenant rentable de les
lancer. Or, dans la mesure où la préférence pour le
présent des individus n’a pas changé, les entrepreneurs
vont se retrouver dans l’impossibilité de trouver les ressources
nécessaires à leur réalisation complète.
Il va ainsi devenir nécessaire d’enchérir sur le
prix des facteurs de production, si bien que la marge de profitabilité
des projets va diminuer. Ce renchérissement du prix des
matières premières va aussi susciter des besoins de monnaie
supplémentaires auprès des banques. Si celles-ci sentent que
leur solvabilité est menacée, elles peuvent décider de
ne plus octroyer de nouveaux crédits, provoquant ainsi la faillite des
entrepreneurs en question. Le renchérissement des prix peut aussi créer
des tensions à la hausse du niveau général des prix,
incitant les Banques centrales à stopper la création
monétaire en remontant leurs taux directeurs, rendant le refinancement
des banques commerciales plus difficile.
C’est alors que la bulle éclate et entraîne
l’arrêt de nombre de projets, la faillite en cascade
d’entreprises et l’augmentation du taux de chômage. Ces
phénomènes sont la preuve que de nombreux malinvestissements
ont été réalisés et que des ajustements au sein
de la structure de production sont nécessaires.
Or depuis les années 1970, à chaque fois que le
système s’est essoufflé, les pouvoirs publics ont
répondu par une politique budgétaire et monétaire
toujours plus accommodante. C’était d’autant plus facile qu’avec
la fin du système de change-or (1971) et l’émergence
d’un système monétaire basé sur de la monnaie
fiduciaire, la création monétaire n’a plus de limites.
Cela explique les dérapages de pays, tels la France, incapables
d’équilibrer leurs comptes publics depuis 1974.
Si l’on en croit les keynésiens, ces plans de relance
n’ont pas été suffisants. Paul Krugman
ne cesse de rappeler que la dette et le déficit ne sont pas des
problèmes en soi et que seul le niveau d’emploi compte, emploi
qu’il faut stimuler par l’injection de liquidités aussi
importantes que nécessaire.
Pour les autrichiens, au contraire, ces
« injections » sont le poison qui tue à petit
feu nos économies et ce n’est pas en ajoutant de nouvelles
couches de dépenses qu’on leur permettra de repartir sur des
bases saines.
Il faudrait, au contraire, cesser d’empêcher le
marché de fonctionner normalement et donc laisser les taux
d’intérêt se fixer librement, arrêter de sauver de
la faillite ces entreprises et ces banques devenues insolvables et parfois
irresponsables.
Si la période de crise est douloureuse, elle n’en est pas
moins nécessaire car elle va permettre une réallocation des
ressources de production, rendue d’autant plus facile à
réaliser que sous l’impact de nombreuses faillites et de la fin
des crédits artificiels, les prix chutent. La baisse des prix va
permettre le rachat des ressources productives par des entrepreneurs qui les
utiliseront dans des processus de production plus courts et plus rentables.
Progressivement, les affaires reprennent sur des bases plus saines car plus
conformes à ce que les gens souhaitent en priorité.
Si cette crise est l’occasion pour un certain nombre de
comprendre que nous ne vivons pas dans des sociétés
capitalistes à tout crin mais au contraire, dans des systèmes
où les politiques monétaires et réglementaires
n’ont sans doute jamais été aussi lourdes, alors il y a
de vraies raisons d’être optimiste. Car en comprenant les raisons
de la récession, il sera alors possible de parler des solutions
nécessaires pour rebondir et reconstruire le dynamisme et la
compétitivité de la France.
|