Dans
la lignée de son annonce surprise d’il y a quelques semaines,
selon laquelle le gouvernement espagnol n’allait pas réaliser
ses objectifs de réduction de déficit de cette année
– qui lui a permis d’obtenir leur révision – Mariano
Rajoy vient encore de ruer dans les brancards pour
tenter échapper à un sauvetage européen.
Ne
pouvant battre monnaie, il se prépare à émettre de la
dette souveraine pour recapitaliser Bankia; ainsi
que les autres banques qui en auraient besoin laisse-t-il entendre.
S’abritant derrière le fait que la décision n’est
pas prise pour justifier de ne pas avoir consulté la BCE – qui
doit fournir au final la liquidité dans ce montage – il
prétend que cette injection de 19 milliards d’euros de
reconnaissance de dette n’aura pas d’impact sur le
déficit, puisque cet argent serait récupéré plus
tard, Bankia ayant retrouvé sa santé.
À
une question portant sur l’impact sur la dette, il a
préféré répondre par une pirouette à
propos d’« élucubrations » qu’il valait mieux
ignorer. Pour justifier que ce montage scabreux « est valide »,
l’entourage de Mariano Rajoy se
réfugie selon Reuters et sans plus de précisions
derrière le fait que « l’Allemagne et l’Irlande
l’ont déjà utilisé dans le passé ».
Sans doute s’agit-il d’une insinuation, concernant
l’Allemagne, relative à sa création de bad banks
parquant les actifs toxiques, dont le sort futur est resté dans le
vague, avant que la dette allemande n’en prenne en compte la charge.
«
Quand la situation est difficile, la meilleure chose à faire est de
dire la vérité et de partir de là », a
effrontément déclaré Mariano Rajoy
lors de sa conférence de presse exceptionnelle. Celle-ci a
été présentée comme destinée à rassurer
les marchés, ayant en réalité comme but de faire
monter les enchères vis-à-vis des autorités
européennes. Tout en affirmant contre toute vraisemblance que la
hausse des taux obligataires espagnols n’avait « rien à
voir » avec le sauvetage de Bankia, mais avec
la crise générale de l’euro.
On
attend avec intérêt la réaction de la BCE, de la
Commission de Bruxelles, ainsi que de l’Autorité de
régulation des banques (EBA). Mais c’est lundi de
Pentecôte. La semaine dernière, et pour la onzième
semaine consécutive, la BCE n’était pas intervenue sur le
marché obligataire secondaire et n’avait donc pas cherché
à soulager les tensions sur les taux espagnols.
Mariano
Rajoy a deux fers au feu. Soit il obtient
l’accord tacite des uns et des autres et peut ensuite envisager de
poursuivre la recapitalisation de l’ensemble du système bancaire
sur le même mode (les audits bancaires devraient confirmer en juin des
besoins de financement pour l’instant estimés de 50 à 60
milliards d’euros), soit il obtient que les banques espagnoles soient
directement financées par le Fonds de stabilité
européen, afin que tout rendre dans l’ordre.
Si
cette dernière option se concrétise, il aura montré que
des deux voies qui s’ouvraient à lui – la
négociation ou le coup de force – la seconde
est la plus efficace. Ce qui risque fort de rajouter à la cacophonie
ambiante, alors que la date des élections grecques se rapproche
dangereusement.
Billet
rédigé par François Leclerc
Son
livre, Les CHRONIQUES
DE LA GRANDE PERDITION vient de paraître.
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à sa suite. Paul Jorion est un «
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