Une nouvelle
étude de l’Institut économique Molinari (IEM)
Paris,
le jeudi 31 mai 2012 – Alors que le 31 mai marque la Journée mondiale sans
tabac, force est de constater que la lutte contre le tabagisme s’est
considérablement durcie depuis 2005 et l’entrée en
vigueur de la Convention-cadre pour la lutte anti-tabac de l’OMS
(CCLAT). Au-delà d’une fiscalité très lourde, elle
consiste en un « arsenal » réglementaire qui tend
désormais à rendre non-rentable l’offre légale de
tabac dans un processus de « dénormalisation
» de l’industrie du tabac, dixit Yves Bur.
Or,
une industrie ainsi « dénormalisée
» serait une « proie » facile à sa nationalisation,
ce que certains n’hésitent plus à évoquer
ouvertement.
Le
paquet « neutre », un pas vers la nationalisation
«
L’imposition d’un paquet « générique »,
en vigueur en Australie et ayant fait l’objet de propositions de loi
notamment en France, correspond déjà ni plus ni moins à
une nationalisation – qui cache son nom – de l’emballage
des cigarettes », constate l’étude de l’IEM.
Avec
un paquet « générique », il n’est plus
possible pour les fabricants privés de se différencier de leurs
concurrents et cela rend leur nationalisation à terme plus
aisée.
D’autres
mesures visent à pénaliser directement la rentabilité de
l’industrie du tabac comme l’obligation d’une « vente
sous le comptoir » ou une taxe sur son chiffre d’affaire, alors
que la fiscalité dépasse déjà les 80% du prix de
détail en France.
C’est
d’ailleurs dans cette optique d’élimination des profits
des fabricants de cigarettes que des militants anti-tabac ont proposé de
nationaliser purement et simplement l’industrie du tabac, en imposant
un monopole public plus ou moins étendu.
Une
non-solution pour réduire la consommation de tabac
Les
profits des fabricants de cigarettes sont-ils la cause de la consommation de
tabac ? Non. La causalité va en réalité en sens inverse.
C’est
la consommation, déterminée par les préférences
des consommateurs et leur évaluation subjective des produits offerts,
qui expliquent l’existence, ou non, d’opportunités de
profit. Ainsi, quel que soit le secteur, et celui du tabac n’est pas
une exception, ce sont les consommateurs qui sont les décideurs
ultimes en matière de consommation.
Cela
explique pourquoi la nationalisation de l’industrie du tabac
s’avère être une impasse. Car soit les pouvoirs publics
décident de lui imposer une diminution artificielle de l’offre
de tabac, auquel cas cela ouvrirait grande la porte au marché noir et
à son lot d’effets pervers pour la santé des fumeurs et
pour les finances publiques. Soit, en l’absence de contraintes
politiques sur l’industrie nationalisée, celle-ci aura un
comportement commercial similaire à celui des fabricants privés
de tabac. L’objectif de réduction de la consommation de tabac
serait là-aussi compromis.
L’expérience
montre que, généralement, ce 2ème cas de
figure a largement prévalu.
- France : le record absolu des
ventes de tabac par adulte, soit 7,1 grammes/jour, a été
atteint en 1975 sous le monopole public de la SEITA (privatisée
en 1995 seulement).
- Chine : un marché de 350
millions de fumeurs (soit plus que la population totale des 17 pays de
la zone euro réunis) sous contrôle d’un monopole
public, la China National Tobacco Corporation (CNTC).
- CNTC : un profit en 2010 de 16
milliards de dollars, supérieur à ceux des trois autres plus
importantes compagnies privées de tabac réunis (Philip Morris International,
British American Tobacco et
Altria).
- Marché de l’alcool au Canada
: le commerce d’alcool a été nationalisé dans
des provinces comme le Québec, dans un objectif similaire de
santé publique. L’augmentation de la consommation
d’alcool y a été plus importante (+21,7%), entre
1993 et 2011, que dans la province de l’Alberta (+8,3%) où
le commerce est pourtant privatisé depuis 1993.
«
Ce n’est pas parce qu’une industrie est nationalisée que
la consommation du bien en question diminue ou y est plus faible
qu’ailleurs », souligne l’étude de l’IEM.
Une
mesure inefficace
L’industrie
du tabac recouvre un ensemble d’activités diverses et
variées où l’enregistrement de pertes ou de profits
privés jouent un rôle informationnel et incitatif important,
limitant le gaspillage de ressources rares.
En
leur absence, une industrie nationalisée ne pourra être
gérée efficacement et représentera un risque
opérationnel supporté par les contribuables, d’autant
plus important qu’elle se trouve dans un monde concurrentiel.
Le
cas de la SEITA – notamment après l’ouverture partielle de
son monopole en 1976 – l’illustre bien, avec des pertes de parts
de marché de 20% et des déficits atteignant
l’équivalent de plus de 220 millions d’euros en 1980.
«
La dérive menant à une nationalisation de l’industrie, dans
laquelle nous engage volontairement ou non la lutte actuelle anti-tabac,
n’est pas une solution aux problèmes de santé,
causé par le tabagisme », conclut l’étude de
l’IEM.
Intitulée
De la « dénormalisation »
à la nationalisation de l’industrie du tabac ?,
l'étude est disponible à : www.institutmolinari.org
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