|
Quoi
dire quand on est en complet désaccord ? Affirmer d’une seule
voix la nécessité de l’union ! C’est à cette
perspective que continue de travailler le quartet constitué de
José Manuel Barroso, Mario Draghi,
Jean-Claude Juncker et Herman Van Rompuy (par ordre
alphabétique).
Un
nouveau mot magique a été trouvé et va être
décliné sous toutes ses variantes, afin de proposer la
réalisation de quatre unions : bancaire, fiscale, économique et
politique. L’union fiscale étant dans les tuyaux, la prochaine
étape qu’il est urgent d’atteindre est l’union
bancaire. Elle serait promise pour dans un an, selon un document qui a fuité,
renouant avec les lancers de ballons d’essai dont une nouvelle saison
commence.
La
poursuite et le renforcement de l’intégration européenne
vont être proposés comme solution à la crise de
désendettement, combinant des abandons de souveraineté avec
l’émergence de nouvelles structures. Comme d’habitude
lorsque l’Europe est en jeu, le débat est donc abordé
sous l’angle institutionnel, laissant de côté la
stratégie qui est sous-tendue : l’Europe, pour quoi faire et
pour qui ? Nul doute que tout le monde va
s’engouffrer à la suite du quartet et rivaliser d’ardeur
pour formellement s’y rallier, chacun avec ses réserves et ses
conditions.
Pierre
Moscovici, le ministre français de l’économie, a
déjà déclaré dès ce lundi matin que des
« solutions structurelles » devaient être trouvées
(à ne pas confondre avec les « mesures structurelles »).
« Il s’agit de doter enfin la zone euro de la colonne
vertébrale de gouvernance, de régulation, de la colonne
vertébrale politique, de la régulation bancaire, de
l’union bancaire dont elle a besoin ». Fermez le ban !
Dans
une
libre opinion publiée par l’agence Bloomberg, Simon Johnson
– ancien économiste en chef du FMI qui a beaucoup fait parler de
lui en décrivant le système oligarchique américain avant
de faire campagne contre les mégabanques
– expose l’inconnue totale devant laquelle le monde financier se
trouve à propos d’un éventuel éclatement de la
zone euro, en raison de son impact incommensurable. Prenant le cas de JP
Morgan Chase, Simon Johnson s’interroge sur sa capacité à
résister à un tel événement, sachant que son living
will (ses volontés de son vivant, une
sorte de testament imposé récemment à quelques dizaines
de banques et destiné à permettre leur
démantèlement sans affecter le système bancaire dans son
ensemble) a dernièrement révélé qu’elle ne
survivrait pas à une perte de 50 milliards de dollars, malgré
l’énorme dimension de son bilan. Soit dix fois ce qu’elle
a déjà perdu dans le cadre de ses dernières aventures
qui ont défrayé la chronique.
Nul
n’est en mesure de prévoir la dynamique qui serait
enclenchée au sein du système bancaire mondial
étroitement interconnecté, surtout lorsque l’on prend en
compte le très délicat sujet des engagements sur le
marché des produits dérivés.
Vu
des États-Unis, la distance est grande qui sépare l’hypothétique
parachèvement de l’union de la zone euro vue par le quartet des
dangers auxquels elle est censée répondre. La
renégociation du sauvetage grec, la mise en place du
renflouement des banques espagnoles – qui vient d’être
officiellement demandé – ainsi que le renouveau des tensions sur
le marché obligataire vont fournir de saines occupations aux artisans
d’une nouvelle opération de diversion en grand. Une fuite en
avant si l’on ne veut pas être méchant. Car quand il
faudra entrer dans les détails, les mêmes désaccords
paralysants produiront les mêmes effets. On n’a pas fini
d’entendre parler des bienfaits d’une union qui suppose les
problèmes résolus. Croissance, Europe, Union… Ce ne sont
plus des mots mais une formule magique qui nous est proposée.
|
|