La
monnaie, dans le sens fiduciaire du terme, tire son origine d’un certain
nombre de sources. L’une d’entre elles est la réalisation du potentiel de
crédit dans l’expansion de la dette. Pour des raisons de simplicité, je ferai
simplement référence à ce processus par le terme ‘crédit’.
Cela
ne signifie pas que le ‘crédit’ soit de la monnaie. Pas le moins du monde. Le
crédit est une source de monnaie, il n’est pas la monnaie elle-même.
Dans
notre monde moderne d’innovations financières, la ‘monnaie’ est souvent créée
au travers de l’expansion du crédit, de son utilisation dans l’achat
d’actifs, et par le soutien de l’activité économique réelle, de la
consommation et de l’investissement.
Bien
que les banques centrales gèrent, officiellement ou non, le système bancaire
privé en émettant plus de crédit lorsque cela s’avère nécessaire -
généralement en tant que prêteuses de dernier recours - l’économie réelle est
capable de générer assez d’argent grâce à son activité pour supporter sa
propre croissance.
L’une
des mesures de cette activité est la vélocité de la monnaie, c’est-à-dire la
relation entre l’activité économique réelle et la quantité de monnaie en
circulation. Cet outil de mesure nous permet de comprendre l’interaction
entre la création monétaire et l’activité économique réelle.
Il
existe un certain nombre de leviers qu’une banque centrale ou un gouvernement
peuvent utiliser pour gérer et réguler la création de crédit et donc la masse
monétaire. Parmi ces leviers, nous pouvons notamment compter les standards de
prêt, les réserves obligatoires, les effets de levier bancaires, les règles
d’investissement et les taux d’intérêts sur le court terme.
Je ne
m’y pencherai pas en détail aujourd’hui, mais vous comprenez certainement que
c’est là ce sur quoi repose la capitalisation et l’activité des banques, soit
par la gestion privée, soit par la force d’un corps de régulation extérieur.
Pour
diverses raisons, que ce soit un évènement exogène, naturel ou humain, ou la
conséquence d’une longue période de mauvaise gestion, le processus de
création de crédit pourrait aujourd’hui s’effondrer, ce qui rendrait les
banques incapables de générer suffisamment de crédit pour répondre aux
besoins de l’économie réelle. Je pourrais citer un certain nombre de raisons
pour lesquelles ce scénario est susceptible de devenir réalité.
L’une
d’entre elle est l’insolvabilité des banques, c’est-à-dire la détérioration
soudaine des actifs sur lesquels est basée la notation de crédit des banques,
qui réduit leur capacité à acquérir de la monnaie pour financer leurs
activités quotidiennes. Ce financement est appelé liquidité. Pour faire
simple, imaginons la solvabilité comme la valeur nette des actifs, et la
liquidité comme un flux monétaire basé sur la demande.
En
cas d’effondrement financier né de l’explosion d’une bulle, un système
bancaire tout entier peut être affecté par un désastre naturel ou la
détérioration d’actifs mal évalués. Cela a plus de chances de se produire si
le processus de création monétaire est concentré entre les mains d’une
poignée de grosses banques ou que le système bancaire est interconnecté.
La
concentration et l’interdépendance sont les ennemis de la diversification
d’un portefeuille d’investissement.
Lorsque
la création de crédit n’est plus possible, la banque centrale, et très
probablement le gouvernement, doivent prendre des décisions pour remédier à
cette situation. L’approche la plus efficace semble être la fermeture d’une
ou de plusieurs banques, le rééquilibrage des bilans, la poursuite pour
fraude, puis la réouverture de banques mieux gérées.
On ne
peut qu’espérer que les déposants qui ont été pris de court ne perdent pas
d’argent dans l’opération, et que l’ensemble des pertes puissent être
supportées par la direction de la banque, ses actionnaires, voire même ceux
qui détiennent des obligations auprès d’elle et qui tirent certainement des
intérêts de la manière dont elle a été gérée jusqu’alors.
Le
rééquilibrage des bilans et de la direction d’une banque est ce que l’on
appelle sine qua non. S’il n’est pas mis en place, la situation
continue de se détériorer jusqu’à ce qu’elle soit corrigée. Même en cas de
catastrophe naturelle ou d’évènement exogène, un effondrement bancaire
généralisé est le signe d’une faiblesse systémique et d’une concentration
trop importante.
Au
cours de la période de restructuration d’une banque, la banque centrale a des
chances d’occuper un rôle plus actif dans l’émission de crédit au service de
l’économie réelle.
C’est
là la fonction première de la banque centrale. Elle n’a aucune raison
d’exister sous sa forme actuelle si ce n’est pour servir de prêteur de
dernier recours. Sans cette fonction, elle ne serait rien de plus qu’un
simple agent régulateur.
Si
l’économie réelle est trop endommagée, le gouvernement central peut avoir à
faire davantage que lancer des poursuites pour fraude, restaurer les fonds
des déposants et délivrer des licences aux banques restructurées.
Si le
soutien du processus de création monétaire par la banque centrale s’avère
insuffisant en raison d’une diminution de la demande causée par une réticence
du public à investir et à dépenser, elle peut accroître ses propres dépenses
et donc stimuler l’activité dans l’économie réelle.
C’est
un sujet souvent controversé, parce que lors d’un ralentissement économique,
les finances du gouvernement devraient être négatives, puisque ses recettes
tirées de taxes sur les transactions économiques diminuent fortement en
raison du déclin du nombre de transactions.
C’est
une façon simplifiée de dire les choses, mais c’est ce qu’il se passe.
L’effondrement
du système de crédit peut être appelé un évènement déflationniste. Il n’est
pas déflationniste parce qu’il détruit la monnaie, mais parce qu’il réduit
son taux de croissance de manière parfois significative.
L’offre monétaire est rarement statique. Elle augmente à
mesure que la population augmente et que la demande saisonnière fluctue. Elle
doit toujours rester stable.
Essayez
de penser à l’offre monétaire non pas en termes nominaux, mais en relation à
quelque chose d’autre, comme par exemple l’économie réelle. Si l’économie
croît à un rythme de 5% par an, la masse monétaire doit aussi croître de 5%
par an pour maintenir sa stabilité et satisfaire la demande.
Lorsque,
pour quelque raison que ce soit, la rapide croissance de la masse monétaire
prend brutalement fin, ses effets artificiels sur l’économie réelle ne sont
pas négligeables.
Si
l’économie réelle croît à un rythme de 5% et que la masse monétaire
n’augmente pas, alors cette dernière devient une force restrictive pour
l’économie, à moins que des investissements puissent être obtenus d’une
source extérieure.
Pourquoi
donc les économies développées sont-elles aujourd’hui en difficulté ?
Parce
que pour diverses raisons, les banques centrales et les gouvernements ne sont
pas parvenus à réformer et restructurer le système financier.
C’est
aussi simple que ça.
Le
plus gros déséquilibre dont souffre le système bancaire, c’est-à-dire la
croissance exponentielle de la financiarisation au travers de l’innovation en
matière de fraude, n’a pas été aboli. Le secteur financier surpayé n’a pas
été réformé, bien que les noms inscrits sur les cartes de visite aient pour
beaucoup changé.
Ce
que nous avons aujourd’hui est une bureaucratie trop importante qui saigne
l’économie réelle qui, elle, s’est contractée.
Dans
les pays qui ont pris les mesures nécessaires pour laver leur système
bancaire de leur dette et de leur corruption et restaurer un équilibre qui
favorise la croissance réelle plutôt que la manipulation financière et la
spéculation, la croissance a pu reprendre. L’Islande en est l’exemple le plus
récent. Les Etats-Unis des années 1930 en sont un autre très bon exemple.
Aujourd’hui,
quasiment toutes les précautions qu’ont pu prendre les gens dans les années
1930 après avoir fait l’expérience de l’éclatement de la bulle spéculative
sur les instruments financiers frauduleux dans les années 1920, ont disparu.
L’idée
de recapitaliser les banques et de faire payer le prix de leur ajustement
économique non pas à leur direction, leurs actionnaires et aux détenteurs de
leurs obligations mais au public est non seulement injuste, mais aussi
inefficace, puisqu’elle perpétue et accentue les problèmes et les distorsions
qui sont à l’origine même de leur faillite.
Tout
cela débouche sur une stagflation prolongée si le pays dispose d’une devise
assez saine pour pouvoir le supporter. Au Japon, nous avons pu voir se
développer une longue période de stagflation sans pour autant assister à une
privation généralisée, pour des raisons liées à la structure de l’économie
réelle du pays et de la nature de son système politique.
Voilà
où nous en sommes aujourd’hui. Ce qu’il nous faut maintenant est une décision
politique.
D’une
part, un certain nombre de puissants intérêts financiers ont été les
bénéficiaires des distorsions en termes de politiques monétaires et fiscales
survenues au cours de ces vingt dernières années. D’autre part, nous avons
l’économie et le public, du plus fortuné au nouvellement destitué.
Un
conflit de pouvoir se déroule aujourd’hui en coulisses au sujet des décisions
politiques qui ont été prises et seront prises pour répondre à la crise.
D’importantes
quantités de monnaie, d’énergie et de talent ont été dépensées pour
influencer et modeler le contexte des débats politiques, ou acheter
directement le pouvoir et l’influence au sein du processus politique. Et
toujours plus d’argent est dépensé pour vendre ces solutions au public.
Le
public est confus, et sa confusion se transforme bien souvent en colère. Il
existe des périodes riches en démagogues, bouc-émissaires, nativisme et
nationalisme.
Voilà
où nous en sommes. Ce qu’il se passera ensuite ne dépendra que de nous.
D’importantes
discussions doivent être organisées, et quelqu’un ou un groupe devra faire
entendre sa voix en faveur du bien commun. Il ne fait aucun doute que
certains groupes s’élèveront pour défendre leurs intérêts seuls avec une
intensité passionnée.
L’euro
est dans une posture très délicate, puisqu’il est contrôlé par un petit
groupe de gens politiquement à l’écart de ceux qui pâtissent de la crise sur
le court terme. Le système tout entier tel qu’il est construit aujourd’hui
est très instable, et ne peut supporter plus de stress.
La
même chose peut être dite des ‘succes story’ telles que celles de la Chine et
des Tigres Asiatiques, dont les économies sont fondées sur une croissance
irrégulière des exportations et un régime monétaire instable.
Les
gens réagissent généralement, et c’est compréhensible, en se demandant quoi
faire pour protéger leur famille. Mais puisque l’autosuffisance complète
n’est pas une option pour tous, il est très important de comprendre comment
protéger son capital face à un système financier rapace. Fournir à sa famille
de la nourriture, un toit et une protection est évident. Comment le faire
dépend des capacités de chacun.
J’aimerais
ajouter ici que si la situation progresse comme elle en a l’air, il sera vite
impossible d’obtenir une sécurité absolue. Bien évidemment, la situation
pourrait gravement se détériorer à l’échelle locale, mais il est toujours
préférable de rester avec sa famille dans un territoire familier plutôt que
de s’aventurer sur un territoire étranger.
Comme
l’a observé Walter Bagehot, la vie est l’école de toutes les probabilités. Il
y a une différence entre ce qui est possible et ce qui est probable. Il est
nécessaire de connaître ce qui est possible tout en agissant en fonction des
probabilités. Tout plan fondé sur des extrêmes est un plan peu pratique.
Nous
vivons des temps intéressants. Des changements arrivent à grands pas, et la
flexibilité devra être un élément important de notre processus de
préparation. La meilleure issue possible serait que la croissance et la
stabilité économique s’installent à nouveau, mais cela n’est pas possible
sans une réforme significative.
Les
banques doivent être contenues et le système financier réformé pour que
l’économie puisse être rééquilibrée et ce, avant même que nous puissions
parler de croissance et de reprise.
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