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«
Il ne me semble pas que le relâchement de la pression soit pour
bientôt » a répondu David Cameron, le premier ministre
britannique, lors d’une interview accordée au Telegraph. Tout en
poursuivant « c’est une période où tous les pays,
pas simplement en Europe mais je crois en Amérique aussi, doivent
résoudre leurs déficits et avoir des dettes supportables
». En conclusion, sa politique d’austérité pourrait
se poursuivre au-delà de 2020, car « la situation est bien plus
délicate que les prévisionnistes ne l’attendaient
». George Osborne, le ministre des finances, a déjà
prolongé jusqu’en 2017 le plan d’austérité
décidé en 2010 pour initialement cinq ans.
Ce
calendrier qui se précise en s’étirant commence à
être évoqué à demi-mots au sein de la zone euro,
par exemple lorsque Jérôme Cahuzac, le
ministre français du budget, annonce que « le
désendettement, je le crains, risque de prendre un peu plus » en
réponse à un journaliste qui parlait de un, deux ou trois ans.
Dans
son rapport annuel, le FMI vient de tracer la feuille de route de la
zone euro, préconisant – lorsqu’il entre dans le concret
– des mesures qui divisent radicalement ses dirigeants en tournant
autour de la mutualisation de la dette. La poursuite de la crise, dit-il
désormais, menace la pérennité de l’union
monétaire car « les causes profondes ne sont pas traitées
» et « les liens négatifs entre les finances des
États, des banques et de l’économie réelle sont
plus forts que jamais ».
Logiquement,
le FMI en vient à recommander la réalisation dans l’urgence
de l’union bancaire décidés dans
ses très grandes lignes au dernier sommet européen. Avec cette
précision qui éclaire sous un jour nouveau le projet, en
contradiction avec la présentation qui en a été faite :
la garantie des dépôts destinée à éviter
les fuites de capitaux et le fonds de gestion des défaillances des
banques « devront avoir « recours à des ressources
fournies par les gouvernements et la BCE » et ne pourront reposer
uniquement sur le secteur bancaire. En d’autres termes, les
États vont à nouveau devoir renflouer les banques. Car le
débat actuel sur l’aide directe ou indirecte à celles-ci
masque que ce sont bien eux qui financeront l’opération, au
travers du MES… Autre détail qui a son importance, le FMI
prévoit la possibilité que l’inflation puisse «
décliner significativement et devenir même négative
», atteinte par ce que l’on appelle communément la
déflation, la pire des affections.
Au
chapitre des mesures à prendre pour favoriser la croissance, le FMI
renouvelle sans surprise sa croyance dans les « réformes
structurelles », prévoyant sans dévoiler son calcul une
hausse mirifique sur cinq ans de 5 % du PIB grâce à la
réforme en profondeur du marché du travail, des systèmes
de retraite et de la fiscalité… À tout hasard, si cela ne
marche pas, et se préparant à faire grincer quelques dents, le
FMI ajoute la panoplie complète des instruments de la BCE : reprise
des achats de dette souveraine et des prêts massifs aux banques,
nouvelle baisse du taux directeur. Car du côté de la Bundesbank
et de Jens Weidmann son président, rien de
nouveau sous le soleil. Il s’oppose à toute reprise des achats
d’obligations espagnoles et italiennes sur le second marché par
la BCE, ainsi qu’à l’émission des euro bills, cette dernière tentative
de relancer le projet d’émissions obligataires
européennes, uniquement à court terme.
Quant
aux pays bénéficiant d’un plan de sauvetage,
ancien modèle ou dernier cri comme l’Espagne, la cause est
entendue et les faits sont là : quand on entre dans leur logique, on
ne peut plus en sortir ! Le FMI vient de préconiser une rallonge
financière pour l’Irlande, la Commission européenne vient
d’exprimer ses inquiétudes à propos des « risques
budgétaires » au Portugal qui vont aboutir à la
même conclusion, tandis que le gouvernement grec est à la
recherche de 11,5 milliards d’euros pour 2013 et 2014, afin de revenir
sur ses rails et de pouvoir entamer une révision de son
deuxième plan de sauvetage. Une nouvelle fois bravo !
Dans
les profondeurs, la crise ne prend pas le chemin du dénouement. Les
liens unissant la dette publique et privée continuent de se renforcer,
ainsi que leur caractère systémique qui n’est plus
à démontrer. La maturité moyenne de la dette des pays
attaqués sur le marché diminue, rendant les États
attaqués encore plus vulnérables à la hausse des taux.
Le système bancaire se défausse autant qu’il peut sur la
BCE mais est désormais coupé du financement à court
terme des fonds monétaires américains et doit lui aussi
consentir des taux élevés sur le marché pour renforcer
ses fonds propres et répondre aux exigences de liquidité. La
baisse du taux directeur de la BCE a en effet pour conséquence de
perturber le business de base de ces fonds, dont le rendement en
dépend. On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs,
mais après la pénurie de collatéraux
présentables, un autre dysfonctionnement en profondeur du
système financier se profile. En tentant de régler un
problème, on en crée à chaque fois un autre. Bien plus
que le danger de leur faillite, c’est le principal problème que
rencontrent en dernier ressort les banques centrales et qui les paralysent.
Billet
rédigé par François Leclerc
Son livre, Les
CHRONIQUES DE LA GRANDE PERDITION vient de
paraître
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