Aux
Etats-Unis, les Démocrates privilégient depuis longtemps les
politiques d’argent flou, dans le même temps que les
Républicains tendent à favoriser une monnaie saine. En
pratique, cela signifie que les Démocrates soutiennent une politique
de dévaluation monétaire ou d’argent facile, alors que
les Républicains auraient tendance à préférer un
étalon or.
Les
élections de 1896 se sont jouées sur cette exacte controverse.
Les Démocrates, afin de libérer les fermiers de leurs dettes
excessives, supportaient une politique de ‘monétisation gratuite
de l’argent’, ce qui aurait entraîné une dévaluation
de 50% de la valeur du dollar. Les Républicains voulaient quant
à eux maintenir la valeur du dollar à hauteur
d’1/20,67eme d’une once d’or. Les Républicains ont
remporté les élections.
En 1980,
Ronald Reagan remportait les élections présidentielles
grâce à sa position anti-inflationniste, face à
l’adepte de l’accommodation ou, devrait-on dire, de
l’accélération du déclin de la devise,
qu’était Carter. Reagan lui-même désirait
rétablir un étalon or qui, en 1980, avait déjà
été aboli depuis neuf ans. Reagan a vécu les 26
premières années de sa vie (1911-1971) sous un système
de dollar-or.
Malheureusement,
en 1980, la pensée républicaine s’était
déjà dissoute. Certains d’entre eux, comme Reagan,
supportaient encore l’établissement d’un nouvel
étalon or. En revanche, d’autres s’étaient laissés séduire par les idées
‘monétaristes’ de Milton Friedman.
Friedman
s’est fait un nom en publiant un certain nombre d’ouvrages tels
que La liberté du choix (1980),
qui fut plus tard adapté au petit écran. Les écrits de
Friedman n’étaient autres que des platitudes libertaires qui
auraient semblé familières aux républicains du
passé. Ses idées étaient importantes à
l’époque – et elles le sont encore aujourd’hui -,
mais n’étaient en rien différentes de ce qu’Adam
Smith avaient déjà publié plus d’un siècle
auparavant.
Friedman a
cependant introduit une idée nouvelle à l’école
libertaire : un système monétaire laissant
entièrement de côté les principes conservateurs de
monnaie saine et basé sur une série de lois économiques
reposant sur la manipulation de devises. Friedman faisait partie de ceux qui
ont salué l’abandon de l’étalon or en 1971.
Ceux qui
marchaient dans les couloirs de la Maison Blanche au début des
années 1980 ont tous dit que Friedman entravait toute tentative,
qu’elle provienne de Reagan ou de quelqu’un d’autre, de
promouvoir le retour à un étalon or. A cette époque, les
gens le prenaient encore au sérieux.
Aujourd’hui,
je pense que beaucoup réalisent que le
‘monétarisme’ de Friedman n’est autre qu’un
Keynésianisme déguisé. Bien que ses arguments soient
différents – agrégats monétaires plutôt que
taux d’intérêts – le résultat en est le
même. Il privilégie des politiques d’argent facile lorsque
l’économie ne va pas fort et que les prix tendent à
chuter, et un resserrement monétaire lorsqu’elle traverse une
phase de croissance et que les prix commencent à grimper. Il ne
s’agit de rien de plus que d’une autre manière de
contrôler l’économie par la distorsion. La
conséquence de tout cela, comme pour les méthodologies
Keynésiennes, est une devise fiduciaire flottante.
Bien que les
mathématiques hypercomplexes devinrent un outil
d’évolution de carrière chez les économistes
académiques au cours du XXe siècle – qu’ils soient
Keynésiens ou Monétaristes – les principes de base en
furent établis par James Denham Steuart en 1967 :
‘Le
gestionnaire des devises se doit de maintenir à tout moment un
équilibre juste entre les produits issus de l’industrie et la
quantité de leur équivalent monétaire en circulation
afin que ces nouveaux produits puissent être achetés.
Grâce à une administration stable et judicieuse, il doit avoir
à tout moment le pouvoir de contrôler la prodigalité et
l’opulence et d’étendre l’industrie et la
consommation domestique en fonction des besoins de ses citoyens et de
l’esprit de son temps’.
La
théorie de l’argent flou n’a rien de nouveau. Comme vous
vous en êtes certainement rendu compte, elle n’a que très
peu changé. Tous les arguments compliqués des Keynésiens
et des Monétaristes ne sont que des justifications absurdes de ce que Steuart a su expliquer en langue de tous les jours.
Aujourd’hui,
le monétarisme est mort. Ou, pourrait-on dire, il est devenu
indissociable de la pensée Keynésienne, et il est
désormais plus facile de les placer tous deux dans un même
panier comme avocats de l’argent flou. Nous en sommes aujourd’hui
à nouveau où nous en étions en 1896. Les avocats de
l’argent flou veulent pouvoir contrôler leur devise à leur
gré (une devise fiduciaire flottante), afin de pouvoir mener à
bien leurs objectifs économiques sur le court terme. Les avocats
d’une monnaie saine veulent établir une devise aussi stable et
fiable que possible, un étalon commercial constant, que les gens
pourraient utiliser en leur plus grand intérêt. En pratique,
cela signifie un étalon or.
Contrairement
à 1896, de nombreux conservateurs sont aujourd’hui en faveur
d’un argent flou. L’édito du Wall Street Journal,
géré par Paul Gigot, tend à favoriser des théories
monétaristes dépassées, et est récemment
allé jusqu’à dire que ‘la Fed a encore bien des
tours dans sa poche’ et qu’avec une intervention accrue de la
Fed, les banques commerciales commenceraient à accorder des
prêts qui n’iraient autrement pas dans leur intérêt.
Les partisans d’une monnaie saine, quant à eux, pensent que la
Fed devrait arrêter de faire des tours de magie et commencer par
laisser l’économie suivre son cours.
Ramesh Ponnuru, du
National Review, utilise les arguments
monétaristes pour rendre l'argent
flou d'aujourd'hui encore plus flou qu'il ne l'est:
‘La Fed
n’en a clairement pas fait assez depuis 2008 pour corriger ses
erreurs… Il en va de même pour la banque d’Angleterre et la
BCE…
Ce que nous
avons aujourd’hui ne sont qu’un amas de politiques
monétaires strictes qui ne font rien pour venir en aide à
l’économie globale’.
Il ne
s’agit pas là d’un mouvement important, simplement de
désaccords insignifiants au sein du camp de l’argent flou. Les
partisans de l’argent flou se contentent aujourd’hui de proposer
des politiques d’impression monétaire toujours plus agressives
afin de venir en aide aux problèmes économiques.
Je
n’essaie pas de dire que les conservateurs sont tous devenus des
avocats de l’argent flou. Chacun a son propre point de vue sur la
question. Je vous demande simplement de savoir dans quel camp vous vous
tenez : êtes-vous un partisan de l’argent flou, ou
d’une monnaie saine ?
Je soutien un
retour à une monnaie saine. Au cours de ces derniers siècles,
les pays les plus puissants ont toujours été ceux qui ont
attaché le plus d’importance aux principes liés à
la monnaie saine. Qu’il s’agisse d’Amsterdam au XVIIe
siècle, de l’Angleterre aux XVII et XIXe siècles, ou des
Etats-Unis aux XIX et XXe siècles, les centres industriels et
financiers ont toujours été ceux qui ont su maintenir leur
devise aussi stable que possible. Lorsque ces pays ont abandonné leurs
principes de monnaie saine, ils se sont enfoncés dans le déclin
économique et l’insignifiance.
Nous entrons
aujourd’hui dans une phase de changement de régime
monétaire parce que les Etats-Unis ont abandonné leur
rôle de protecteur de l’ancre financière dorée du
commerce mondial et que le reste du monde, après la seconde guerre
mondiale, a plongé dans le désarroi. Bien que les Etats-Unis
aient connu un interlude entre 1980 et 1990, alors que leur dollar
était relativement stable – et se maintenait aux alentours
d’1/135e d’une once d’or – nous entrons
désormais dans une nouvelle phase de détérioration de
devise. Economiquement, les
Etats-Unis sont déjà en déclin et les gouvernements
du monde cherchent tous un moyen de les rendre insignifiants. Aucun
d’entre eux ne veut être dans la zone de choc lorsque la petite
fête des imprimeurs de monnaie prendra naturellement fin.
Le changement
de régime monétaire dont nous avons besoin aujourd’hui
est un passage d’un argent flou à une monnaie saine qui puisse
annuler le système qui a été mis en place en 1971. Les
Monétaristes n’auront certainement pas leur place au sein de ce
nouveau régime.
Si vous tenez
à savoir qui seront les dirigeants de ce nouveau régime, regardez
quels gouvernements secondent les principes de monnaie saine – bien que
les circonstances les forcent à participer à
l’arrangement actuel dollar-centrique. Ces pays, ce sont la Chine, la
Russie, et, dans une certaine mesure, l’Allemagne.
Nathan Lewis
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