Dernières
nouvelles d’un sauvetage in extremis avant la tempête : Angela Merkel et François Hollande vont ce soir
régler leurs montres en vue du déminage de la bombe grecque
qu’Antonis Samaras va successivement leur
présenter. Comme tous les démineurs, leurs gestes sont lents :
l’opération est annoncée pour prendre un peu de temps, si
elle réussit.
En
dépit de toutes les rodomontades, prudence oblige, le risque
d’un éclatement de la zone euro qu’une sortie en
catastrophe de la Grèce pourrait susciter ne peut être pris. Car
cela précipiterait l’Espagne et l’Italie dans une
tourmente pour l’instant contenue. Mariano Rajoy
attend donc que la nouvelle intervention de la BCE – dont le conseil
des gouverneurs se réunit le 6 septembre – soit au point avant
de faire sa déclaration et de bénéficier d’un plan
de sauvetage à son tour. Mario Monti ira de son côté
appuyer auprès d’Angela Merkel ces
préparatifs d’une fête anticipée par les
marchés, car il en sera le principal bénéficiaire,
espère-t-il.
Plusieurs
nouveaux dispositifs sont étudiés par les experts de la BCE,
dont celui qui a été divulgué par le Spiegel et
confirmé par le Telegraph : la BCE interviendrait sur le marché
secondaire pour si besoin contenir le taux des obligations à court
terme des pays satisfaisant au préalable aux conditions du FESF/MES,
afin que leur spread vis à vis du taux
allemand correspondant ne dépasse pas certaines valeurs.
C’est
beau comme un camion ! Sous cette forme, ou selon une variante, un dispositif
serait mis en place dont les effets seraient de même nature que ceux
des euro-obligations, sans avoir à violer ce tabou. A
l’arrivée, la BCE se serait hissée par ses propres moyens
au niveau de ses consœurs américaine, britannique et japonaise
(par ordre alphabétique), à son tour installée dans le
rôle du sauveur suprême, les Européens revenant enfin au
bercail.
Avec
deux programmes d’assistance, l’un en direction des banques (le
LTRO), l’autre des États en difficulté (dont
l’acronyme reste à trouver), on pourrait enfin voir venir. Les
deux permettraient de rouler autant de temps que nécessaire les
emprunts effectués à des taux préférentiels
auprès de la BCE – plus préférentiel pour les
banques que pour les États, il ne faut pas exagérer –
sans plus se soucier des aigreurs du marché. Enfin, le temps
nécessaire au désendettement serait trouvé…
Combien
de temps – puisque c’est décidément le
critère principal – cette nouvelle histoire pourra-t-elle durer
? Le scénario en cours d’écriture ne le dit pas (mais on
suppose que cela sera long, très long). Pas plus qu’il ne touche
au présupposé qui en est le fil : la BCE ne pouvant pas
régler les problèmes que rencontrent les États, seule la
rigueur budgétaire et les réformes structurelles pourront
permettre de renouer avec la croissance… On est retombé sur ses
pieds !
Nul
n’étant parfait, ce nouveau plan a deux points faibles. Il
repose sur un nouveau système de contraintes, le marché
irresponsable étant mis hors-circuit : celui que les gouvernements ont
eux-mêmes décidé et qu’ils peuvent donc amender et
même défaire. C’est en tout cas l’espoir de ceux qui
scrutent l’horizon des prochaines consultations électorales, en
Allemagne et au Pays-Bas par exemple. Y aurait-il de sous-jacent une version soft
d’un plan sinon condamné pour ne pas fonctionner ? C’est
le second point faible : comment renouer avec la croissance dans un monde de
brutes en pleine décélération ? La crise, faut-il le
rappeler, n’est pas européenne…
Les
nouvelles ne sont pas encourageantes sur ce plan-là,
car aux États-Unis le marché manifeste vis à vis
de la Fed les mêmes attentes que celles dont la BCE est
entourée, la Banque d’Angleterre et celle du Japon poursuivent
leur valse-hésitation : les sauveurs ne savent pas sur quel pied
danser. Comme ils ne cessent de le proclamer à juste titre, ils
n’ont pas les moyens de régler par eux-même
des problèmes dont l’origine se perd dans la nuit des temps.
Cinq ans, c’est l’éternité quand tous les matins en
se réveillant on se demande quelle nouvelle tuile va vous tomber sur
la tête.
Par
un jeu de balancier, comme disent ceux qui croient ainsi tout expliquer, la
dette américaine va vite revenir au-devant de
l’actualité. Ce sera la tâche de la nouvelle administration
américaine issue des élections de novembre que de trouver une
nouvelle solution bi-partisane pour
repousser encore une fois les échéances. A chacun sa
méthode !
Billet
rédigé par François Leclerc
Son livre,
Les CHRONIQUES DE LA GRANDE PERDITION vient de
paraître
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