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Le constructivisme a structuré tout le
développement idéologique du XIXe, aboutissant
à la naissance des plus effroyables totalitarismes du XXe
siècle avec le national-socialisme du III Reich et le communisme
soviétique. Les pays d'essence libérale - c'est-à-dire
fondés sur une économie libre de marché, une
Constitution qui garantit des droits fondamentaux et des institutions qui
mettre en œuvre le principe de séparation des pouvoirs - ont
été les seules nations à pouvoir nous libérer de
ces deux fléaux. Malgré le jugement de l'histoire, le
constructivisme continue de produire ses ravages dans la pensée
moderne de nos élites. A un moment où l'on « construit
» l'Europe, il faut bien mesurer les fondements éthiques et
philosophiques de cette « construction » ; car la plupart de nos
décideurs forment le vœu de construire un super-État
européen pour compenser la « dérive libérale que
porte en elle la mondialisation ».
La pensée constructiviste aura fait plus de tort
aux sciences sociales et humaines que la religion n'en a fait subir aux
sciences naturelles durant des siècles. On doit à l'une la
transmission du savoir et la préservation d'un patrimoine intellectuel
considérable grâce au patient travail des clercs ; à
l'autre, la déformation du savoir, le libéralisme étant
présenté comme un système totalitaire qui aliène
les individus. Par un savant contraste, l’État est
présenté comme l’agent providentiel qui vient
libérer ces mêmes individus de la « dictature des
marchés ». Tous les journalistes en France, qui osent se
proclamer "politiquement incorrects", n'ont pas d'autres grilles de
lecture du monde. Et les intellectuels, qui nous disent prendre des risques,
nous récitent le même refrain. C'est pourquoi ils sont
incapables d'en comprendre son évolution. Mais au lieu de se remettre
en cause, d'abandonner les concepts usés, les théories
démenties par les faits qui ne leurs permettent pas de comprendre la
marche du monde, ils vont déduire que c'est le monde qui est fou !
Le totalitarisme réel est le fait
d’États qui se proclament « démocratiques »
dans le même temps qu’ils mettent en œuvre les principes
collectivistes de la « dictature du prolétariat ». La
« dictature du marché » est une figure de style qui
confère une popularité médiatique à ceux qui la
manipulent avec le talent des propagandistes. Mais une dictature
réelle, exercée par un vrai dictateur, est bien autre chose
qu’une expression littéraire. Elle vaut la prison et le camp de
travail à tous ceux qui osent braver le dictateur en exercice.
Les contestataires de la mondialisation prospèrent
dans les pays où règne un État de droit respectueux de
leur liberté. Et c'est souvent un État de droit affaibli, qui
n'ose plus faire respecter ses propres lois face à la loi de la rue.
Les féministes, qui n'ont pas de mots assez durs à propos de
« l'exploitation néo-libérale », devraient
méditer le sort des femmes dans ces pays qui n'ont pas connu le
capitalisme. Les lycéens, qui manifestent à l'approche du
baccalauréat, devraient se demander comment vivent les jeunes dans les
pays qui n'ont pas la chance d'avoir connu la prospérité
économique. Tous ces gens mordent la main qui les nourrit. Il faut
veiller à ne pas être entraîné, par faiblesse, par
renoncement ou par démagogie, sur une pente qui nous conduirait
à la situation critique dans laquelle il y aurait de plus en plus de
gens pour mordre alors que se réduirait le nombre de mains qui
nourrissent !
Les actions des gouvernements affectent
sérieusement les comportements des individus en modifiant leurs
systèmes de valeurs et de références. Après trois
décennies d'intervention croissante des pouvoirs publics dans l'économie
française, il est surprenant d'entendre que la France serait victime
d'un traitement de choc ultra-libéral. Le résultat de cette
dérive étatiste - ultra-étatiste - est que la
majorité des jeunes français rêvent de devenir
fonctionnaire, que les forces vives s'expatrient, et que la plupart des entrepreneurs
restés en France consacrent une énergie à rechercher des
aides publiques (pour récupérer les prélèvements
qu'ils subissent) tout en veillant à ne pas trop avoir de clients...
Loin d’être nécessairement régulatrice,
l’intervention systématique de l’État dans
l’économie est à l'origine de son
dérèglement et des maux qui en découlent.
Par construction, les théories économiques
reposent sur des modèles qui ne peuvent intégrer tous les
éléments qui interviennent dans la réalité des
phénomènes étudiés. Les modèles
scientifiques sont toujours des abstractions de la réalité.
Mais, cet argument plaide justement pour une utilisation limitée de la
politique économique ; car l’alibi de l’intervention
publique est souvent une théorie économique. Il faudrait
pourtant appliquer à la politique économique elle-même,
et aux réglementations qu'elle suppose, le principe de
précaution : si l'on n'est pas en mesure d'évaluer toutes les
conséquences d'une politique économique (comme les 35 heures
par exemple), alors autant ne pas intervenir.
Tous les ministres rêvent de laisser leur nom dans
une loi, mais ils n'ont aucune idée exacte ou approximative des
conséquences de leur loi. Pourtant, ces décisions
interfèrent sans cesse dans notre vie quotidienne alors qu’elles
s’appuient encore sur ces références théoriques
auprès desquelles elles recherchent une légitimité
scientifique sinon une caution morale. M. Blondel se réclame
aujourd’hui de Keynes – tandis qu'il invoquait Marx hier –
pour justifier son appel à « la relance par la consommation
». Mais, la théorie keynésienne, même sous sa forme
moderne, n’est valide que sous certaines conditions éminemment
restrictives (économie fermée, absence de progrès technique,
stabilité des comportements de consommation et fixité du taux
d’épargne…etc.). Puisque ce monsieur se trompait hier en
pronostiquant l'effondrement du capitalisme et la victoire du
prolétariat, pourquoi aurait-il raison aujourd'hui ?
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