Dans un article
précédent, nous avons vu que la notion de balance
commerciale était à prendre avec précautions. Son niveau
et son évolution sur les 10 dernières années peuvent
tout de même délivrer des informations intéressantes :
Les 10 balances commerciales les plus déficitaires
Source :
WTO
Les 10 balances commerciales les plus
excédentaires
Source :
WTO
Le Japon qui affichait la deuxième balance
commerciale excédentaire en 2001 est désormais dans le top 10
des déficitaires. La France, quasiment à
l’équilibre en 2001, a désormais le 4ème
déficit le plus élevé avec 118 milliards de dollars.
Enfin, les balances commerciales se sont beaucoup creusées. Ainsi, le
déficit commercial des seuls États-Unis en 2011 est proche de
la somme de tous les déficits de 2001 additionnés (792
milliards de dollars) !
Le commerce extérieur délivre-t-il
des informations économiques pertinentes ? Par exemple,
existe-t-il un lien entre le commerce extérieur et la
croissance ? Pour tenter de répondre à cette question, 4
indicateurs relatifs au commerce extérieur (dont la balance
commerciale) ont été comparés à la croissance
économique (moyenne sur les années 2007 à 2011, soit les
cinq dernières années connues) :
- L’ouverture
économique, qui peut se définir comme la somme des
exportations et des importations divisée par le PIB
- La
balance commerciale rapportée au PIB
- Les
exportations rapportées au PIB
- Les
importations rapportées au PIB
Les corrélations ont été
testées sur les 27 pays de l’Union européenne et sur le
sous-échantillon des 17 pays de la zone euro. Pour tenir compte de la
différence de taille économique des pays concernés,
chacun des pays a été pondéré par son PIB 2011.
La corrélation de chacun des 4 indicateurs avec la croissance a
été calculée et un test statistique de
significativité [1] de cette corrélation effectué en
calculant les p-value. La p-value correspond à la
probabilité de commettre une erreur en concluant que la corrélation
est significative. Traditionnellement un seuil de 5% est retenu,
c’est-à-dire qu’avec une p-value inférieure à 5% la corrélation est
considérée comme significative.
Voici les résultats obtenus :
Union Européenne
Source : Eurostat
Zone Euro
Source : Eurostat
Il apparaît qu’il n’y a pas de
corrélation entre balance commerciale et croissance. Par contre, il
existe une corrélation assez nette entre la croissance et les trois
autres variables. Le ratio exportations sur PIB affiche les meilleurs
résultats, devant l’ouverture économique et les
importations.
La France, l’Espagne, l’Italie ou le
Royaume-Uni se retrouvent aux alentours de 20%, c’est-à-dire un
niveau significativement inférieur à celui des autres pays
européens.
Dire que deux variables sont
corrélées n’implique pas que l’on ait
démontré un lien de causalité entre elles. Quand bien
même une causalité aurait été
démontrée sur les données passées, cela
n’en aurait pas constitué une preuve qu’il en serait de
même dans le futur. Néanmoins, ces corrélations
significatives permettent d’avoir une forte présomption sur le
fait que l’ouverture économique et la
compétitivité à l’exportation sont des
éléments susceptibles de favoriser la richesse des nations. Il
est donc tout à fait pertinent de s’intéresser à
une variable comme les exportations. On peut par exemple étudier les
parts de marché dans les exportations et leur évolution.
Pour calculer une part de marché, il faut
d’abord définir la taille du marché. Au niveau du
commerce mondial, il faut donc déterminer quelles sont les zones
d’échange. Par exemple doit-on considérer l’Union
européenne comme un seul bloc ou additionner chacun des pays la
composant ? La différence est de taille.
Dans le premier cas, le commerce mondial
s’élevait en 2011 à 14 350 milliards de dollars,
dans le second à 18 255 milliards de dollars,
l’écart (3 905 milliards de dollars) correspondant donc au
commerce intra-Union européenne. Il est à noter que, vue comme un
seul bloc, l’Union européenne est le premier exportateur mondial
avec 2 133 milliards de dollars d’exportations.
Source :
WTO
La Chine, ‘seulement’ 6ème
exportateur mondial en 2001, est numéro 1 (devant les
États-Unis) depuis 2007. Les principaux pays européens ont tous
perdu des parts de marché depuis 2001. La France, 4ème
en 2001, est désormais 6ème avec une perte de 2
points de part de marché. Avec 3,3%, elle atteint son plus faible
score depuis plus de 60 ans. Cet évènement est à
rapprocher du dernier classement
du Forum économique mondial de Davos, où la France
sort pour la première fois en trente ans du top 20 (elle est 21ème).
La France affiche ainsi la plus grosse perte en valeur absolue parmi les pays
européens, et la deuxième plus grosse perte en valeur
relative :
Le Royaume-Uni affiche la plus grosse perte relative
et décroche nettement depuis 15 ans environ. Plus globalement, ces
chiffres sont inquiétants pour la croissance future des pays de
l’Union européenne. Toutefois ces baisses sont à
relativiser avec la forte augmentation du commerce mondial :
Le commerce mondial a ainsi été
multiplié par trois entre 2001 et 2011, alors que la France
n’augmentait ses exportations que de 84% (de 323 à 596 milliards
de dollars).
En conclusion, la balance commerciale se
révèle être un indicateur non corrélé
à la croissance, à l’inverse de l’ouverture
économique et des niveaux d’exportations et d’importations.
On peut donc estimer que les pays souffrant de problèmes de
compétitivité ou adoptant des attitudes protectionnistes (donc
limitant l’ouverture économique) risqueraient fort
d’obtenir une croissance moindre.
[1] test de significativité de Spearman.
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